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Le Prof Kuakuvi Magloire tourmenté par la gestion calamiteuse des ressources humaines à l’Université de Kara

Togo - Education
La gestion chaotique des ressources humaines dans les deux universités du pays, surtout celle de Kara, commence par hanter les esprits des Intellectuels togolais. Ceux sur qui compte Faure Gnassingbé pour réfléchir sur la limitation des mandats présidentiels et les questions des réformes politiques et institutionnelles au Togo, éprouvent d'énormes difficultés à exercer leur profession. Le Professeur Kuakuvi Magloire, Conseiller de la Plateforme citoyenne Justice et Vérité, soucieux de l'état délabré dans lequel végète l'Université de Kara vient de rendre public sa proposition pour une gestion saine des université du Togo.
« Au niveau universitaire, il devient urgent :
- De définir une politique de formation cohérente dans le domaine des études supérieures en vue d’orienter les jeunes vers les secteurs prioritaires.

- De définir une politique de formation cohérente dans le domaine des études qui tiendrait compte du déséquilibre régional tout en mettant un accent particulier sur le fait que l’Etat ne pourra pas toujours prendre à sa charge exclusive toutes les demandes d’attribution de bourses, cela n’existant dans aucun pays du monde.

- De doter le pays d’une université complète par la transformation progressive des structures actuelles du Centre d’Enseignement Supérieur de Lomé. Le RPT, sait qu’il n’est pas facile de créer et de gérer une université complète digne de ce nom, mais le RPT et le pays savent que le choix ne nous est plus laissé et, quoi qu’il en coûte, il convient de regarder en face ses responsabilités et de les prendre. Progressivement, et selon un plan cohérent préétabli, une université devra être établie au Togo. » (Rassemblement du Peuple Togolais, Programme, Congrès Constitutif, 1969, page 28.)

A lire ces vœux pieux, on croirait que Togo a terminé ce programme à Lomé, avant de commencer l’aventure de Kara, car il s’agit d’une véritable aventure. Pour commencer, il faut savoir que parmi ceux qui se sont targués d’avoir créé l’Université de Lomé, certains venaient de France ou de Côte d’Ivoire. Mais au lieu d’appliquer le système français ou ivoirien que le Président Félix Houphouët-Boigny avait calqué sur celui de la France pour que les ivoiriens ne soient pas tentés de rester en France après y avoir effectué leurs études, les togolais atypiques, issus d’un pays spécifique, ont conçu un système qui ressemble à une grosse école de village, plutôt qu’à une université.

Les pionniers qui ont mis sur pied l’Université de Lomé étaient payés grassement, soit par la France, soit par la Côte d’Ivoire, avant de venir bricoler au Togo. En effet, dans les années soixante-dix, le Togo avait les moyens, grâce au boom phosphatier ; il avait les moyens de payer les professeurs d’Université comme la Côte d’Ivoire, mais au lieu de cela, les pionniers ont fixé le salaire de base à 90.000 FCFA, avec des broutilles comme :
- Bonification : 500 points
- Indemnité de chaire : 20.000 FCFA
- Logement : 8.000 FCFA…

Le tout donnait un salaire mensuel net de 124.000 FCFA, à une époque où les Ivoiriens touchaient 800.000 FCFA par mois. On peut arguer du fait que le Togo n’est pas la Côte d’Ivoire ! C’est bien, mais c’est oublier qu’une université n’est pas une grosse école de village, et qu’il faut au professeur d’université un local différent de son salon comme bureau, avec la possibilité de s’abonner à des revues de spécialité (prime de bibliothèque) et des commandes de livres de spécialité, pour améliorer son enseignement au fil des ans.

Nous réfléchissons à partir de ma propre fiche de paye, neuf ans après la création de l’Université de Lomé, en 1981, date de mon retour au pays natal. Jusqu’à présent, je n’ai pas compris pourquoi les Togolais sont si méchants à l’endroit des Togolais. Quand on met bout à bout les éléphants blancs tels que l’hôtel de la Paix, le 2 février, la Sidérurgie, la Raffinerie, Togotex, Togofruits, les Silos à grains, etc. on peut conclure que le Togo s’est spécialisé dans les mauvaises affectations de budget. Comment peut-on se dire universitaires et concevoir une université comme une grosse école de village ?

A l’Université de Kara, ça fait longtemps que la salle des profs n’a pas de chaises. Il n’y a pas de toilettes pour les Enseignants. Il faut faire la manche chez les secrétaires de Doyens de facultés, pour avoir la clef des toilettes. Mais, malgré ces manquements typiquement africains, la gestion des ressources humaines laisse beaucoup à désirer. Au début, le premier Recteur ou Président de l’Université de Kara avait commencé par payer les cours à 5000 F de l’heure à tous les enseignants, dont la majorité viennent de Lomé, tous grades confondus, à une époque où le CAMES avait fixé le barème des cours à :

- 6000 FCFA pour les Assistants
- 8.000 FCFA/H pour les Maîtres-Assistants
- 12.000 FCFA /H pour les Professeurs de rang A.
Celui qui proposait 5.000 F CFA aux enseignants, a trouvé que ces enseignants gagnaient trop d’argent en une semaine. Il décida de ramener la somme à 4.000 F CFA/H pour tout le monde, quel que soit le grade. Au même moment, lui-même touchait 250.000 FCFA d’indemnité de charge, plus 150.000 CFA pour son cuisinier et son jardinier, en plus de son salaire de base. Est-ce que c’est avec l’argent du Recteur/Président qu’on paye les professeurs, ou bien c’est l’argent du Togo ?

Ce qui nous pousse à ce coup de gueule, c’est qu’au début, l’Université de Kara envoyait un bus pour chercher les professeurs de Lomé le dimanche matin et les redéposait le samedi après-midi à Lomé. Vous ne me croirez pas ; on vient de supprimer cette navette, sans explication, pour proposer aux enseignants 15.000 FCFA pour le déplacement de Lomé-Kara-Lomé. Ils doivent dans la plupart des cas, voyager sur taxi-moto de la maison au bus qui va à Kara, et une fois à Kara, aller de l’arrêt du bus à l’hôtel, de nouveau, sur un taxi-moto, avec valise et ordinateur en bandoulière. Dans le même laps de temps, on envoie des voitures chercher des enseignants au Burkina, et on les redépose à Ouagadougou, toujours en voiture immatriculée RTG. C’est certainement moins cher que Lomé-Kara-Lomé ! Cette forfaiture suit la suppression sans explication, des primes de correction.

La gestion des étudiants n’est pas meilleure. L’aide que l’on alloue aux étudiants arrive toujours en retard après la rentrée académique au point que, quelques fois, les agios de banque grugent l’argent des pauvres étudiants.

Un pays qui peut payer 25.000.000 FCFA par mois à un entraîneur de football ; un pays qui peut allouer 150.000.000 FCFA à une Miss TOGO, ne peut-il pas mettre un bus à la disposition des enseignants pour faire le parcours Lomé-Kara-Lomé ? A qui peut-on faire croire une telle histoire ? Il ne s’agit pas d’écrire des choses dans des programmes, il faut vraiment gouverner, et gouverner c’est prévoir, n’est-ce pas ?

Nous pouvons conclure par une histoire triste : il était une fois un docteur en médecine, spécialiste en autopsie qui enseignait à l’Université du Bénin. Il devait percevoir ses indemnités d’heures supplémentaires au Rectorat. Sa voiture était en panne et chez le mécanicien. Après avoir fait le pied de grue toute la journée, il finit par s’entendre dire qu’il n’y avait pas d’argent dans la caisse. Il décida alors de rentrer sur un taxi-moto. Une voiture les percuta et ce fut le décès, d’un docteur en médecine togolais spécialiste en autopsie.

Peut-être que c’est ce qu’on nous souhaite à l’Université de Kara, en supprimant la navette de bus ? Décidément, le Togo est un pays atypique ! Après, on s’étonne qu’il y a plus de cinq mille médecins hors du Togo. Un pays qui n’a pas pour priorité l’éducation et la santé, ne peut pas se développer ; encore moins, devenir un pays émergent. Il ne faut pas dire ces choses, parce que tout le monde en parle, et bricoler au pays, pour dire qu’on gouverne !