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Editorial de Fenêtre sur l’Afrique du 06 février 2015 sur radio Kanal K en Suisse

Opinions
Gbagbo devant la CPI : Non coupable !!!

A l’entame du procès qui s’est ouvert le 28 janvier 2018, comme le veut la procédure, à la question du président de la Cour de savoir ce que le Président Gbagbo plaidait, droit dans ses bottes, celui-ci répondit : « Je plaide non coupable M. le Président ». Inutile d’y ajouter que le Ministre Charles Blé Goudé fit pareil. Voilà résumé ce que serait le verdict ultime de ce procès si tant est que la CPI se veut une institution judiciaire mais aussi, et surtout, impartiale, donc objective.

Tout a été et est dit depuis avril 2011. Le principe fondamental dont se prévaut le plus souvent la CPI pour agir est celui dit de la « complémentarité ». Ce principe se retrouve à l’article 1er du Traité de Rome portant statut de la CPI du 17 juillet 1998 : « il est créé une Cour Pénale (la Cour) en tant qu'institution permanente, qui peut exercer sa compétence à l'égard des personnes pour les crimes les plus graves ayant une portée internationale, au sens du présent statut. Elle est COMPLEMENTAIRE des juridictions pénales nationales. …».

Comme longuement argué par le procureur Moreno-Ocampo, puis par sa successeuse Fatou Bensouda, c’est l’état complètement déchiqueté d’antan de l’appareil judiciaire de la Côte d’Ivoire qui avait sous-tendu l’intervention de la CPI pour connaître des crimes commis pendant la crise postélectorale. Si nous regardons de plus près cette posture de la CPI, il convient de remarquer un fait qui tend à démontrer le contraire de l’idéologie affichée par l’institution. Pourquoi la CPI harcèle-t-elle le pouvoir ivoirien pour lui transférer Simone Gbagbo alors que celui-ci affirme à cor et à cris que son appareil judiciaire est désormais reconstruit et pleinement opérationnel ? Mieux, l’appareil judiciaire, au moment des faits, était-il opérationnellement incapable seulement pour les crimes présumés commis par Gbagbo et son camp ? Nous restons sur notre faim quant à l’explication du parti-pris depuis bientôt 5 ans de la CPI dans la poursuite des présumés criminels de la crise ivoirienne.

S’il y a un principe beaucoup plus à même de gouverner l’action de la CPI, à notre humble avis, c’est celui dit de subsidiarité. Il sied mieux à la réalité de la compétence et du travail de la CPI. Au-delà du procès Gbagbo-Blé Goudé, nous estimons que la substitution de ce principe à celui de complémentarité rendrait les choses beaucoup plus proches de la réalité. A propos du principe de subsidiarité, voici ce qu’on peut lire au paragraphe 3 de l’article 5 du Traité sur l’Union Européenne : « en vertu du principe de subsidiarité, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l'union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les états membres, tant au niveau central qu'au niveau régional et local, mais peuvent l'être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, au niveau de l'union ».

A la lumière de cette disposition du Traité de l’UE, il convient sans ambages de constater que le principe de subsidiarité sied mieux à la réalité de l’action de la CPI car, celle-ci n’a jamais complété les actions des juridictions nationales. Ces dernières n’ont d’ailleurs pas vocation à se faire compléter par une quelconque juridiction même internationale car elles sont tout simplement souveraines. Il est une évidence qu’au travers des actions menées par la CPI depuis sa création, elle supplée plutôt les lacunes des juridictions nationales ; elle agit quand l’Etat souverain n’a la volonté ou se retrouve dans l’incapacité de poursuivre valablement des faits dont la qualification relève de sa compétence. C’est au nom de la « subsidiarité » que la CPI peut réclamer et poursuivre les criminels présumés de l’autre camp étant entendu que le pouvoir ivoirien n’a visiblement aucun intérêt ni aucune volonté de poursuivre ces derniers.

Après cet exposé sur le fondement juridique même de l’existence et de l’action de la CPI, il faut reconnaître, et cela n’a plus rien d’original, que le procès Gbagbo-Blé Goudé est tout sauf une affaire stricto judiciaire. Avant toute considération judiciaire, c’est un procès politique. Si le seul intérêt et la seule motivation ou mission de la CPI est de traquer et de juger les criminels contre l’Humanité, pourquoi avoir délibérément opté pour l’indexation d’un seul camp et la poursuite systématiquement à charge ? Les criminels présumés du camp sciemment ignoré sont connus depuis des années par les instances des Nations Unies, notamment la CPI. Des rapports existent et attestent la véracité des faits. Pourquoi la CPI n’a jamais daigné inquiéter ces individus ou groupes ? Cette inaction de la CPI envers ces derniers est synonyme d’un prime au crime puisque ces mêmes individus et groupes n’ont pas eu les mains tremblantes pour s’adonner à pire que ce dont ils présumés auteurs depuis la fin des années 90 en Côte d’Ivoire. Moreno-Ocampo et Fatou Bensouda n’ont jamais, malgré leurs propres rapports univoques, considéré l’opportunité de poursuivre ces auteurs.

Fatou Bensouda et compagnie ont tellement intégré le principe de complémentarité qu’ils sont même allés jusqu’à compléter les preuves gracieusement fournies par les autorités ivoiriennes par certaines venues d’ailleurs comme le Kenya. Preuve de notre assertion selon laquelle s’agit d’un procès éminemment politique : quand en mai 2013 la chambre préliminaire a jugé le dossier du procureur trop léger pour aller au procès et ce, malgré le temps et les moyens colossaux dont les services du procureur ont bénéficié en plus de la sollicitude du gouvernement Ouattara, elle n’a pas trouvé mieux que de renvoyer Bensouda à la quête de preuves supplémentaires. Et pendant ce temps, Gbagbo croupit toujours en prison avec les rejets répétés de ses demandes de libération conditionnelle. Où se trouvent les principes de « procès équitable » ou du « respect des droits de la défense » quand, du fait et de la turpitude de la procureure, qui d’ailleurs s’est livrée à une démarche exclusivement à charge, le poursuivi est maintenu en détention ?

Ignorer la cause de la crise et juger ses conséquences serait une faute juridique et morale dans le chef de la CPI. Pourquoi les crimes présumés ont-ils eu lieu ? Si c’est à cause des élections de 2010, pourquoi vouloir ignorer ou éluder cette pesanteur ? A moins que l’ONU ne veuille éviter de perdre la face, si ce n’est déjà fait. Les Etats membres de l’Union Africaine viennent de franchir une étape importante dans leur marche vers la sortie de la CPI en adoptant officiellement une proposition de sortie collective le 31 janvier 2016.

Une fois pour de bon, en RCI entre novembre 2010 et avril 2011 et après, il était question d’un contentieux électoral. Depuis 2000, année de sa 1ère élection, Gbagbo a connu une rébellion basée au Burkina Faso. Ce même groupe de rebelles a attaqué un Etat souverain et la « plus éminente » des institutions judiciaires pénales au monde balaie du revers de la main le droit de cet Etat à la légitime défense ? Le père et le promoteur de la démocratie ivoirienne est aujourd’hui derrière les barreaux par le fait de celui qui l’avait fait emprisonner pour assurer la pérennité de la dictature, gage de la continuité de la vache à lait de la France qu’est la françafrique. Ouattara qui récolte les lauriers de sa « bravoure pour la prospérité de la démocratie » et Gbagbo payant pour son aversion caractérisée des idéaux démocratiques ? Ce n’est plus du risible ou du ridicule dont il s’agit. C’est l’expression même du cynisme monstrueux assumé de l’hégémonie perverse occidentale avec bien sûr la bénédiction du valet local.

L’intérêt de la CPI, de Moreno-Ocampo, Bensouda et compagnies est ailleurs ? En tout cas pas dans la volonté de voir se manifester la VERITE.

La Rédaction de FSA