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Silence de marbre du pouvoir de Lomé malgré la multiplication des accusations

Togo - Diplomatie
Le Burkina Faso a renoué avec la normalité, avec la tenue du scrutin présidentiel qui a consacré l’élection d’un nouveau président en la personne de Marc Rock Kaboré au palais de Kosyam. Mais n’empêche qu’on revienne sur le dossier du putsch manqué des 16 et 17 septembre et ses complicités à l’international, notamment l’affaire des écoutes téléphoniques qui défraie la chronique depuis plusieurs semaines. Comme une malédiction, le nom du Togo revient dans cette affaire puante, avec une de ses ressortissantes, « Rebecca la Togolaise », citée dans ce dossier puant. Et comme toujours, c’est le black-out au sommet de l’Etat à Lomé, pendant qu’en Côte d’Ivoire, l’implication de Guillaume Soro suscite un tollé général.
Après Guillaume Soro…

La crise politique ouverte depuis le 31 octobre 2014 avec l’insurrection populaire et la chute de Blaise Compaoré est derrière le Burkina Faso. Mais ce pays a frôlé le pire et aurait pu ne jamais s’en sortir si Gilbert Diendéré, le patron de l’ex-Régiment de la sécurité présidentielle (Rsp) avait réussi son coup. La publication sur les réseaux sociaux des conversations téléphoniques entre l’homme, certains dignitaires de l’ancien régime impliqués dans le coup d’Etat et des personnalités internationales l’attestent fort bien.

Cette affaire éclabousse notamment Guillaume Soro. L’actuel président de l’Assemblée nationale de la Côte d’Ivoire et très proche d’Alassane Ouattara a eu, à en croire les enregistrements sonores rendus publics sur les réseaux sociaux et dont l’authenticité est confirmée par le Premier ministre burkinabé Isaac Zida, des échanges compromettants avec Djibril Bassolé, l’ex-ministre des Affaires étrangères de Blaise Compaoré qui prouvent à suffisance son implication personnelle ou celle du pouvoir d’Abidjan dans le coup d’Etat manqué de septembre dernier au Burkina. C’est un enregistrement vidéo de seize minutes dans lequel les deux hommes discutent des « meilleures dispositions à prendre pour éviter que le coup d’Etat perpétré contre les autorités de la Transition au Burkina Faso n’échoue ». Une affaire qui suscite presque une émeute du côté d’Abidjan où l’opposition réclame la tête de l’ancien chef rebelle.

…Au tour de « Rebecca la Togolaise » d’être citée

Ce prénom ne dit peut-être pas grand-chose au commun des Togolais puisque les écoutes téléphoniques font simplement état de « Rebecca la Togolaise ». Mais certains sites Internet ont fait le lien entre le prénom et le pouvoir de Lomé.

La citation de « Rebecca la Togolaise » dans cette affaire de conversations suspectes entre Djibril Bassolé et des personnalités très proches des régimes d’Abidjan et de Lomé fait le chou gras des médias ivoiriens qui s’en délectent. « Ecoutes Soro/Bassolé: Voici Rebecca, la femme au téléphone avec Bassolé », a titré triomphalement samedi dernier le site ivoirebusiness.net, et d’écrire, sous la plume d’Eric Lassale : « Voici Rebecca …, la femme qui parle avec Djibrill Bassolé au téléphone dans le scandale des écoutes téléphoniques sur le putsch manqué du Général Dienderé au Burkina Faso ! On la dit extrêmement proche, voire intime de Faure Gnassingbé, le président du Togo. C’est la raison pour laquelle le Togo est impliqué dans le coup d’Etat manqué de Dienderé… ». On fait économie du reste. Même son de cloche chez ladepechedabidjan.info qui titre : « 4ème Ecoute de la Sorogate entre Rebecca la Togolaise et Bassolé », et de faire découvrir, à travers un portrait, « qui est Rebecca avec laquelle échange longuement Djibrill Bassolé ».

Déjà, le 25 novembre dernier, La Lettre du Continent a publé un document sur les enquêtes menées après le coup d’Etat manqué de septembre 2015. Ce journal électronique français révèle que « la Côte d’Ivoire et le Togo » sont « épinglés dans l’enquête sur le putsch de Diendéré ».

Tsunami politique à Abidjan, silence de marbre à Lomé

C’est un tollé général que suscite ce scandale du côté d’Abidjan. Plusieurs médias ont annoncé que le président ivoirien, Alassane Ouattara, en séjour à Paris lors de la dernière séquence de la publication des conversations, aurait même refusé de prendre au téléphone Guillaume Soro, son allié de toujours et président de l’Assemblée nationale qui aurait tenté à plusieurs reprises de le joindre. Simple manœuvre pour feindre une certaine innocence ? Toujours est-il que l’affaire est un véritable scandale assez embarrassant pour un pouvoir manifestement proche de l’ancien régime de Ouagadougou et déjà accusé de soutenir les putschistes, déstabiliser la Transition et ce pays, pour ainsi permettre le retour aux affaires de Blaise Compaoré ou ses proches.

C’est une levée de boucliers que ce dossier suscite au sein de la classe politique. Le débat est bien public et au sein de l’opposition où on n’en demandait pas mieux pour tirer à boulet rouge sur un régime qu’on ne porte nullement dans son cœur, on bondit sur l’événement pour régler des comptes. Quatre de ses formations politiques sont montées au créneau le mercredi 2 décembre dernier pour réclamer la démission pure et simple de Guillaume Soro. Il s’agit de l’Union républicaine et démocratique (Urd) de Danièle Boni Claverie, du Parti ivoirien des Travailleurs (Pit) de Daniel Aka Ahizi, du Rassemblement pour la paix (Rpp) de Ouattara Gnonzié et l’Union des sociaux démocrates (Usd) d’Henri Niava. Quid de Lomé ? Au sommet même de l’Etat, on brise le silence. De retour à Abidjan ce samedi d’un long périple à l’étranger, Alassane Ouattara a abordé le sujet. « J’ai rencontré le président Guillaume Soro à Paris, nous en avons parlé et le moment venu, nous allons traiter cette question avec les nouvelles autorités burkinabé », a-t-il déclaré.

Ici au Togo, c’est le calme plat. Même si « Rebecca la Togolaise » – que tout le monde connaît – n’a aucune fonction officielle et cela pourrait constituer une échappatoire pour le pouvoir de Lomé, il s’agit d’une affaire d’une extrême gravité. Ses liens professionnels et autres (sic) avec le pouvoir ou le Prince lui-même sont tout de même un secret de Polichinelle, et l’évocation de son nom vaut une implication tacite du régime en place dans ce putsch manqué. Le bon réflexe aurait voulu que les gouvernants rompent le silence, ne serait-ce que pour démentir toute implication et parler de rumeur. Mais Faure Gnassingbé et les siens se murent dans un silence assourdissant devant ce scandale qui aura sans doute des implications sur l’image des Burkinabés vis-à-vis des Togolais. Rien de surprenant en réalité.

Dans cette affaire de coup d’Etat manqué au Burkina, le régime de Lomé avait été bien accusé en septembre au lendemain du putsch, autant que celui d’Abidjan, de prêter main forte à Gilbert Diendéré et les siens, même si ce n’était par aucune voix officielle. Au-delà de ces accusations, il y avait des faits assez troublants qui poussaient à donner du crédit à ces accusations. « Coup d’Etat au Burkina Faso et implication présumée du Togo : Des faits troublants et un black-out du pouvoir de Lomé qui renforcent les allégations », titrions-nous dans la parution N° 2037 du 29 septembre 2015, évoquant le refoulement de trois avions en provenance du Togo en pleine crise de suspicion d’appuis étrangers, le non déplacement de Faure Gnassingbé à Ouagadougou où il était pourtant annoncé après le sommet d’Abuja sur la crise, la présence d’un commanditaire du putsch à ses côtés en la personne de Djibril Bassolé, entre autres. Mais jamais, le pouvoir de Lomé n’a brisé le silence, ne serait-ce que pour démentir toute implication. Le ferait-il cette fois-ci ? C’est le wait and see.

Tino Kossi