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Dossier Pascal Bodjona / Terrorisme judiciaire : Violation de la loi organique de la Cour Suprême. Akakpovi Gamatho devant ses responsabilités

Togo - Justice
« Si tu agis, fils d’un homme de la cour de justice, messager chargé de l’apaisement de la multitude, ôte les inutilités du document écrit. Quand tu parles, ne penche pas d’un côté ; prends garde que soit formulée cette accusation : juges, il place sa parole sur le côté qui lui convient ! ; alors ton action se retournerait en procès contre toi », déclarait dans l’« Enseignement de Ptah-Hotep », une œuvre littéraire de Ptah-Hotep, un Vizir (Préfet) de l’Egypte Antique ( environ -2400). Une vérité qui a traversé le temps et qui est toujours d’actualité, surtout dans certains pays africains où la justice est devenue le symbole de l’arbitraire. Lorsque le gardien du temple de la justice devient le repaire de l’arbitraire, les justiciables sont à la merci de toutes les injustices.
La Cour suprême, haute juridiction de l’Etat en matière judiciaire et administrative est le dernier recours des citoyens devant l’arbitraire. Le 23 octobre 2015, lors du renouvellement des membres du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM), le Président de la Cour Suprême Akakpovi Gamatho, dans un discours d’une rare franchise, a dénoncé les dérives des magistrats dans l’exercice de leur fonction.

Corruption, indélicatesse, immoralité sont les maux qu’il a pointés du doigt, qualifiant la justice togolaise d’une « toile d’araignée qui n’attrape que des mouches et laisse passer guêpes et frelons.», avant d’ajouter : « A notre arrivée, on dira qu’il n’y a pas de justice. Il faut qu’à notre départ, l’on dise qu’il n’ y a plus d’injustice». Il a rappelé les magistrats à la rigueur et à la probité pour une justice au service des citoyens. Cette sortie du Président de la Cour Suprême a été appréciée par les justiciables, mais qui attendaient de voir les magistrats à l’épreuve de cette profession de foi.

Plus loin, on a retrouvé une déclaration du même Président de la Cour Suprême dans une interview accordée en juillet 2014 au confrère Focus Infos en ces termes : « Il est vrai que nous exerçons notre profession dans un monde imprégné de mensonge et d’hypocrisie, d’intrigues de tous genres certes, mais si chaque magistrat, quelle que soit la nature de sa culture spirituelle, s’engage à semer le Bien, la magistrature togolaise va bientôt redorer son blason terni. Il s’agit fondamentalement de nous référer à notre serment pour :

- Faire toujours ce qui est droit. Etre droit dans nos paroles, nos attitudes, nos relations avec les collègues, les justiciables, les auxiliaires. Cette droiture se remarque vite dans un monde imprégné de mensonge et d’hypocrisie, d’intrigues de tous genres. Elle montre, à n’en point douter, un des caractères de DIEU, la bonté ;

- Aimer la bonté. La bonté nous conduit à chercher le bien des justiciables en les traitant, à chaque instant, sur un pied d’égalité sans nous laisser envahir par l’indifférence ou le mépris tout en exerçant fermement, le cas échéant, l’autorité que requiert notre mission, le tout avec amour ;

- Aimer l’Amour. L’Amour ne fait rien de malhonnête ; l’Amour ne cherche pas son intérêt ; l’Amour ne fait pas le mal ; l’Amour a une grande capacité d’écoute ; l’Amour se réjouit de la Vérité ». Mais à l’épreuve du terrain on se rend compte que les magistrats peinent à respecter la profession de foi du Président de la Cour Suprême.

Le jeudi 19 novembre 2015, la Cour Suprême s’est de nouveau prononcée sur le cas de Pascal Bodjona, incarcéré arbitrairement depuis août 2014 à la prison civile de Tsévié dans la scabreuse affaire d’escroquerie dite internationale. En effet, le 16 octobre 2015, les avocats de l’ancien ministre ont introduit une requête aux fins de contester la compétence de trois des juges de la Cour Suprême qui ont connu le même dossier dans des juridictions inférieures en rendant des décisions scandaleuses sur fond de charcutage du droit.

A l’audience de ce 19 novembre, la Cour a déclaré irrecevable la requête des avocats de l’ancien ministre. En d’autres termes, les juges se sont déclarés compétents pour connaître de nouveau cette affaire. Une aberration qui heurte la conscience de tout individu doué de raison et de bon sens.

Plus grave, toujours dans les contorsions et gymnastiques judiciaires à la togolaise, la Cour Suprême a autorisé, à la surprise générale, la lecture d’un mémoire de Me Martial Akakpo, avocat du mystérieux plaignant Abass Al Youssef qui a disparu depuis ; en violation de sa propre loi organique. En effet, la Loi Organique N° 97-05 portant organisation et fonctionnement de la Cour Suprême en son article 23 alinéa 1 stipule : « Le greffe de la juridiction ayant rendu la décision attaquée transmet sans délai une expédition de la déclaration de pourvoi au greffier en chef près la Cour Suprême, accompagnée du dossier de la procédure comprenant une expédition de la décision attaquée ». Plus loin, on peut toujours lire dans cette loi organique l’article 25 : « Le conseiller rapporteur, par lettre recommandée avec accusé de réception, met en demeure le demandeur au pourvoi ou son mandataire de produire, à peine de déchéance de son pourvoi, dans un délai d’un mois, une requête contenant ses moyens de cassation. Le délai pour produire cette requête court du jour de la réception de la lettre recommandée ».

Enfin, de façon plus expressive, l’article 26 de la loi organique vient mettre à nu la délinquance judiciaire voire le terrorisme dont se rendent coupables certains magistrats de cette haute juridiction. « Dès réception de la requête, le conseiller rapporteur le fait notifier à la partie défenderesse au pourvoi et l’avise qu’elle dispose d’un délai d’un mois pour déposer un mémoire en défense. Tout mémoire doit être déposé en autant d’exemplaires que de parties en cause plus d’un. Le greffier de la Chambre notifie le mémoire aux autres parties dans les quarante-huit (48) heures de leur dépôt ».

Toutes ces dispositions cardinales de la loi organique portant fonctionnement de la Cour Suprême ont été allègrement violées par les juges. En effet, le fameux mémoire introduit en catimini par le conseil du plaignant émirati disparu n’a pas été communiqué aux avocats du ministre Pascal Bodjona, comme le prévoient les dispositions ci-dessus mentionnées. Une flagrante violation du droit rend la procédure totalement caduque.

C’est assez surprenant et à la limite scandaleux que la Cour Suprême, gardien du temple judiciaire et dernier recours de tout justiciable, en rajoute aux nombreuses violations de procédures que le dossier Pascal Bodjona a connues jusqu’à ce jour. C’est à ce niveau qu’il importe d’appeler le juge Akakpovi Gamatho à ses engagements, professions de foi et, plus loin, sa foi chrétienne qu’il affiche à chaque sortie médiatique. Les juges de la Cour Suprême dont il est le Président peuvent-ils faire offense aux directives d’éthique et de déontologie qu’il n’a de cesse de rappeler ? Les engagements et professions de foi du Président de la Cour Suprême se limiteraient-ils aux paroles face au terrorisme judiciaire qui continue de pourrir de son fumet pestilentiel la vie des justiciables togolais dont Pascal Bodjona en détention arbitraire depuis des mois ?

Dans l’attente de l’audience du 17 décembre prochain, nous continuons de croire à Philippe Bartherotte lorsqu’il déclare dans son ouvrage L’avocat du diable : « Lorsque une société a perdu ses valeurs morales, la Justice est le dernier rempart contre le retour du règne animal et les Juges des citadelles ».

Ferdi-Nando (L’ALTERNATIVE)