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Indignation sélective envers les Africains : autant en emportent nos vents !

Togo - Opinions
Qu’on se le dise, oui, disons-le-nous, ce que nous avons toujours cherché à appeler ici, depuis que l’Histoire a fait de nous ce que nous sommes aujourd’hui, ce que nous avons toujours cherché à appeler ici, disais-je, fierté et dignité africaine n’est que la manifestation de cet orgueil atrophié qui pousse le nain à se hisser sur la pointe des pieds pour se donner l’illusion d’être aussi grand qu’un géant, le dindon à gonfler ses plumes pour paraître aussi gros qu’un bœuf.
La dignité et la fierté, les vraies, nous auraient, normalement, poussés à nous engloutir, de honte, six pieds sous terre devant certaines situations.
Une attaque terroriste frappe Paris, la capitale française, et fait plus de cent morts et des centaines de blessés. La France, sous le choc, mobilise ses médias, ceux de ses pays voisins et frères, ceux de ses alliés pour suivre et commenter, au monde entier, seconde après seconde, la tragédie. Les images nous envahissent, Africains, et finissent par nous révolter. Nous crions à la compassion sélective de la France, de l’Occident, du monde. D’un accord international signé par les puissances occidentales pour que les morts africains ne soient pas pleurés, considérés.

Pourquoi une centaine de morts en France indigne tant le monde alors que des milliers de morts en Afrique n’indignent personne ? Pourquoi le monde entier pleure toutes les larmes de son corps devant les cadavres de cent Français alors qu’il jette à peine, le monde, indifférent, un regard insensible aux milliers de victimes quotidiennes dans les tueries en Afrique ? Combien de cadavres africains valent un cadavre français aux yeux de la communauté internationale, aux yeux des médias internationaux ?
On s’indigne. S’agite. Pleure. Pleure sur notre destin de Noirs. De race mal aimée. Pourquoi tant de mépris, de haine du monde envers nous, même quand nous sommes morts ?

Une semaine, jour pour jour, après les attentats de Paris. Deux terroristes pénètrent dans l’un des plus grands hôtels de Bamako, la capitale du Mali, tuent sur-le-champ trois personnes, prennent en otage presque deux cents personnes, clients et personnel de l’hôtel. La plupart des médias internationaux qui avaient hurlé les attentats de Paris s’emballent, changent leurs programmes et organisent des éditions spéciales. Depuis leurs studios à des milliers de kilomètres du Mali, ils commentent, minute après minute, l’évolution de la situation.

Au détour d’un zapping, on tombe sur la chaîne de télévision nationale malienne dont les studios sont à une dizaine de kilomètres de l’hôtel attaqué. On fronce la min, incrédule. La télévision malienne diffuse son programme habituel. Un documentaire. Un soupir. De colère. On ne comprend pas. On cherche la télévision nationale du Burkina Faso, pays limitrophe du Mali : elle diffuse un feuilleton mexicain. La chaîne nationale sénégalaise, un autre pays limitrophe du Mali : une partie de lutte. La chaîne nationale guinéenne : un tirage de loterie. La chaine nationale nigérienne : une émission de cuisine africaine. La chaîne nationale ivoirienne : une plage publicitaire de produits pour la dépigmentation. La chaîne nationale togolaise : le président de la République, Faure Gnassingbé, dans sa très grande magnanimité qu’on lui connaît depuis son élection et sa réélection démocratiques, part inaugurer un forage dans un village reculé.
On refait le tour des médias occidentaux, ils continuent, eux, leur édition spéciale sur l’évènement, la prise d’otages, montrent l’hôtel où se déroule une violente fusillade. Et, dans un dernier sursaut d’orgueil, un ultime relent d’espoir, on capte de nouveau la chaîne de télévision malienne. On se dit que ce n’est pas normal qu’elle ne parle pas de cette tragédie qui se joue dans sa cour, dans un monde où chaque pays, chaque peuple, cherche à s’approprier l’information, à la quadriller, la servir au monde en fonction de ses intérêts. Soupir. De rage. Encore. Cette fois-ci, elle diffuse, notre chaîne nationale, une série de lecture coranique. On sourit. Murmure « Amina ». Allah sauve les otages. Et sauve un continent à genoux, à terre, en larmes qui pleure ses malheurs. Ses malheurs qu’il ne connaît pas.

David Yao Kpelly Blogs: htavidkpelly.mondoblog.org http://davidkpelly.over-blog.com