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Coup d’Etat au Burkina Faso et implication présumée du Togo : Des faits troublants et un black-out du pouvoir de Lomé qui renforcent les allégations

Togo - Politique
Le coup d’Etat tenté par Gilbert Diendéré a échoué et les auteurs, commanditaires et complices sont identifiés et traqués. Mais dans cette histoire, certains pays extérieurs ont été publiquement ou officieusement accusés, à tort ou à raison, dans la survenue de ce putsch. Et parmi eux, la Cote d’Ivoire, mais aussi notre pays le Togo. Alors que du côté d’Abidjan, le Gouvernement a réagi et réfuté toute implication, au Togo c’est le silence total qui est observé par les gouvernants. Mais en plus, un certain nombre de faits et d’informations sèment le trouble dans les esprits et donnent du crédit aux allégations.
Black-out total de Lomé sur le putsch

Le coup d’Etat le plus bête au monde qu’a tenté le Général Gilbert Diendéré n’a pas laissé indifférente la communauté internationale. C’est à un concert de réactions de désapprobations qu’on a assisté après la survenue de ce putsch débuté le 16 septembre avec la séquestration du Président de la Transition Michel Kafando, du Premier ministre Isaac Zida, des ministres, puis confirmé le lendemain par une déclaration des putschistes. Que ce soient Paris, Washington, les Nations Unies, tous ont dénoncé la forfaiture et réclamé le retour de la Transition. Pour l’une des rares fois, l’Union africaine y est allée sans gant, qualifiant ouvertement Gilbert Diendéré et les siens de terroristes et excluant le Burkina Faso de l’institution continentale. Certains pays individuellement ont aussi réagi, avec fermeté.

Dans le vif du coup d’Etat, certains régimes des pays voisins jugés proches de l’ex-pouvoir de Ouagadougou et abritant des barons de l’ancien régime déchus ont été accusés publiquement ou dans certains cercles ou forums d’échanges, d’être impliqués dans cette tentative de remise en cause de la Transition. Et parmi eux, la Cote d’Ivoire qui a offert l’hospitalité à Blaise Compaoré depuis sa chute en octobre 2014, mais aussi le Togo qui a dressé le tapis rouge à Djibril Bassolé, son ancien tout-puissant ministre des Affaires étrangères et œil sur le monde extérieur. Au porte-parole du Front burkinabè de résistance citoyenne qui accusait Alassane Ouattara et son frangin Blaise Compaoré « d’être de mèche avec le Rsp », le porte-parole du gouvernement ivoirien a tenu à réagir, lors d’un point de presse organisé après un conseil des ministres en milieu de semaine dernière. « La Côte d’Ivoire ne se mêle pas de ce genre de choses, c’est même une insulte faite au chef de l’Etat que de le penser », a assené Bruno Koné, par ailleurs ministre des Technologies de l’information et de la communication (Tic), et de justifier le silence d’Abidjan sur la crise par le souci d’éviter des débordements. « Tous les autres pays qui s’expriment ne sont pas dans la situation de la Côte d’Ivoire, avec 3,5 millions de Burkinabès sur son territoire », a –t-il justifié, parlant de « position volontairement prudente » et laissant entendre qu’il « vaut mieux un silence coupable qu’un bruit qui va entraîner des problèmes ». « Nous souhaitons que cette crise soit la plus courte possible, que ce pays retrouve sa normalité. La Côte d’Ivoire s’en tiendra aux décisions prises par la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest », a –t-il déclaré au finish. Une position suffisamment claire. Mais du côté de Lomé, c’est le black-out total. En tout cas, pas de communiqué ou sortie officielle de condamnation du coup d’Etat. En plus, une réaction pleine de langue de bois d’un ancien Secrétaire d’Etat qui joue parfois au porte-parole du Prince a semblé légitimer ce coup de force. Est-ce un silence coupable du Togo ? Allez-y savoir.

Trois avions en provenance du Togo refoulés à Ouaga

Après la survenue du putsch, les Burkinabés soupçonnaient des complicités extérieures et on redoutait des envois de troupes de certains pays en appui aux putschistes. C’est alors qu’il a été pris un certain nombre de mesures de prudence, parmi lesquelles la fermeture dans un premier temps des frontières aériennes et terrestres. Dans cette atmosphère de suspicion, les entrées étaient plus tard tamisées avec le plus grand soin et tout véhicule, avion ou entrant suspect est simplement refoulé. C’est ici que le Togo s’est trouvé concerné.

Nous relayions déjà dans notre parution N°2032 du mardi 22 septembre dernier, l’information révélée par le confrère Reuters. « L’aéroport international de Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, vient de refuser à un avion togolais la permission d’atterrir au moment où des éléments de la garde présidentielle attendaient son arrivée, a affirmé un membre de la tour de contrôle. L’incident s’est produit alors que les troupes loyales au gouvernement intérimaire de cet Etat d’Afrique de l’Ouest convergent vers la capitale pour désarmer les 1200 hommes du Rsp. Un régiment dirigé par le Général Gilbert Diendéré, auteur d’un coup d’Etat la semaine dernière », rapportait le confrère lundi sous le titre : « Un avion en provenance du Togo dérouté à l’aéroport international de Ouagadougou ». Que contenait l’avion ? Est-ce des militaires togolais et des armes en renfort aux putschistes comme notre pays était soupçonné ? Simples paranoïa et mesures de prudence ou soupçons fondés des autorités aéroportuaires du Burkina ? On en était à ces interrogations quand l’information d’un autre refoulement d’avion est tombée.

Alors qu’il était bien annoncé à Ouagadougou le mercredi 23 septembre au lendemain du sommet extraordinaire de la Cedeao tenu à Abuja au Nigeria sur la crise au Burkina, en compagnie d’un certain nombre de chefs d’Etats de pays membres de la communauté pour la réinstallation de la Transition, Faure Gnassingbé ne ralliera jamais la capitale burkinabé. Les vuvuzélas du pouvoir de Lomé ont tenté de prétexter qu’il aurait renoncé à faire le déplacement de Ouaga et préféré se rendre à New York pour la 70e session de l’assemblée générale des Nations devant acter l’adoption des Objectifs du développement durable (Odd). Une justification peu convaincante lorsqu’on sait qu’il ne s’est rendu aux Etats-Unis que le jeudi 24 septembre, soit le lendemain de la cérémonie de réinstallation de Michel Kafando et les siens. En plus, l’homme est réputé avoir le don d’ubiquité, du moins capable de rallier plusieurs capitales dans la même journée. On apprendra plus tard que son avion à bord duquel se trouvaient également certains journalistes, a été interdit de se poser sur le tarmac de l’aéroport de Ouagadougou ce mercredi. Les sources parlent en fait de deux avions avec lesquels il se rendait dans la capitale burkinabé.

Pourquoi deux aéronefs, et que transportait le second ? La présence de Faure Gnassingbé compromettait-elle la sécurité du pays ? Le numéro 1 togolais est-il mis dans le même moule que le président sénégalais Macky Sall, accusé par le peuple burkinabé et les résistants au putsch d’avoir voulu faire la part belle au Rsp et aux partisans du Congrès pour la démocratie et le progrès (Cdp) dans l’accord soumis et jugé indésirable à Ouagadougou ? La aussi, on s’interroge. Cela fait trop de coïncidences. Et le black-out total observé par Lomé sur ces informations ne fait que renforcer les allégations d’implication de notre pays dans ce coup d’Etat. Cela sonne simplement comme un silence coupable.

Djibril Bassolé, le conseiller « officieux » de Faure impliqué dans le putsch et ses avoirs gelés

Depuis la réinstallation du gouvernement de Transition le 23 septembre dernier, les choses sont allées très vite. C’est une chasse aux auteurs du coup d’Etat et à leurs commanditaires qui est ouverte. L’une des toutes premières décisions de Michel Kafando et les siens a été de dissoudre le maléfique Rsp. Et le lendemain, la Justice a pris le relais. Par ordonnance datée du vendredi 25 septembre dernier, le Procureur général près la Cour d’appel de Ouagadougou, Laurent Poda a décidé de geler les avoirs d’un certain nombre de personnes ou d’organisations politiques reconnues comme auteurs, commanditaires ou complices du putsch, dont le couple Diendéré, le Cdp qui est l’ancien parti au pouvoir. Mais parmi les personnalités ciblées, se trouve aussi un homme, Djibril Bassolé qui a presqu’élu domicile au Togo depuis la chute de Blaise Compaoré.

Cet ancien ministre des Affaires étrangères et l’un des tout-puissants collaborateurs de Blaise Compaoré qui avait tissé sa toile dans les médiations faites dans des crises politiques sur le continent par son ex-mentor, était en effet déjà assez proche du régime Rpt/Unir de Lomé avec sa présence dans le dossier du dialogue intertogolais. C’est lui qui est souvent envoyé par Blaise Compaoré dans notre pays. Ainsi des accointances sont nées avec le régime Faure Gnassingbé. Mais depuis la chute du Facilitateur et la débandade dans les rangs de ses ex-collaborateurs, si la plupart ont trouvé des abris en Cote d’Ivoire, Djibril Bassolé, lui, chuté au Togo. Plus qu’un simple refuge, c’est plutôt du boulot qu’il a trouvé auprès de Faure Gnassingbé. Pour ceux qui ne le savent peut-être pas, il est engagé comme consultant en sécurité maritime, une problématique qui tient tant à cœur au Prince de Lomé II. Ainsi, Bassolé doit être dans son premier cercle fermé et les deux doivent se partager des confidences. Alors Faure Gnassingbé sait-il quelque chose du coup d’Etat dans lequel son consultant est impliqué ? Voilà la grosse énigme. Soit relevé en passant, l’implication ou la complicité alléguées de la Côte d’Ivoire dans la survenue du coup d’Etat sont renforcées par la présence à Abidjan, cinq (05) jours avant le putsch, du Général Gilbert Diendéré. Pour les résistants burkinabés, cette présence lui a permis de régler les derniers détails du complot avec Blaise Compaoré.

Même si cela ne tient d’aucune source officielle, le nom du Togo a été abondamment cité dans certains milieux dans ce putsch. Et le mutisme du pouvoir de Lomé et les circonstances troubles ne font que renforcer les allégations. Il nous revient qu’un ancien ambassadeur de notre pays a été, comme par hasard, aperçu dans un grand hôtel de Ouagadougou le jeudi 17 septembre alors que les frontières étaient fermées. Et dans la tête des patriotes burkinabés, il ne l’ombre d’aucun doute, le Togo est impliqué. Ce qui met en danger l’intégrité des ressortissants togolais dans ce pays frère. Sous d’autres cieux, les gouvernants soucieux du sort de leurs compatriotes auraient rompu le silence pour rassurer l’opinion. Comme l’a fait le pouvoir d’Alassane Ouattara. Un pays qui abrite un commanditaire d’un coup d’Etat a toutes les raisons d’être soupçonné. Aux dernières nouvelles, Djibril Bassolé est accusé par le Gouvernement de Transition d’aider le chef putschiste Gilbert Diendéré à reprendre la main, et ce ferai même appel aux forces étrangères et aux djihadistes pour ce faire. C’est assez grave comme accusation. Mais ici au 228, on préfère la boucler. Ce qui ne fait que donner du crédit aux allégations…

Tino Kossi