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Présidentielle: entre cœur et raison

Bénin - Politique
La politique n'est pas que raison. Elle oscille entre le cerveau, le siège de la raison et le cœur, le siège de nos sentiments. La politique, de ce fait, répond tout à la fois à la rigueur de la logique et à la variance, à la fluctuation des émotions.
Voilà ce que les Béninois auront à mettre dans la balance de l'élection présidentielle qui s'annonce. Voilà qui explique, avant le choix décisif, les comportements des uns et des autres. Il faut s'attendre à une lutte âpre entre le cœur et la raison dans l'élection présidentielle de 2016. Pourquoi ?

Il y a, d'abord, la diversité des candidats. C'est la première fois, de mémoire de Béninois, qu'il y a tant de prétendants à la magistrature suprême. La quantité traduirait-elle un regain d'amour pour le pays, un surplus de patriotisme ? Voire ! Il s'y ajoute une impressionnante diversité des provenances professionnelles : anciens officiers de l'Armée nationale, opérateurs économiques actifs, cadres techniques de divers corps de métiers, de l'intérieur comme de la diaspora. Sans oublier, dit-on, des artistes-créateurs, des têtes d'affiche du show-biz.

Il y a, ensuite, une vision régionaliste de plus en plus affirmée. Le régionalisme, au Bénin, jusque là bipolaire, Nord-Sud, tend, désormais, à être multipolaire. Aussi, entend-on dire "C'est le tour du Mono-Couffo" ou " C'est le tour de l'Atlantique-Littoral" etc…Comme pour contrebalancer un autre slogan constamment lancé "Après nous, c'est nous".

Il y a, enfin, comme un silence profond sur l'après Boni Yayi. On ne se mobilise pas beaucoup sur les idées, sur les grands enjeux et défis auxquels le pays devra faire face. Mais on s'excite sur l'accessoire. On se montre plus sensible aux retombées gratifiantes de la campagne. On est plus intéressé par les chemins de traverse qui feront gagner le fils du terroir, un parent, un ami, en somme son prochain tiroir-caisse. Ces trois facteurs combinés déterminent la place respective du cœur et de la raison dans l'élection présidentielle de 2016.

Le cœur fait prévaloir les sentiments d'appartenance à une région, à une ethnie, à un groupe d'intérêt. La proximité psychoaffective prime tout. Comme pour confirmer, dans un élan grégaire, que " Qui se ressemble s'assemble". On se sent si proche de son candidat qu'on ne se donne plus la peine d'en voir ou d'en remarquer un autre.

Le cœur se montre sensible à la force de frappe de l'argent. La manne qui tombe du ciel est toujours la bienvenue, alors qu'on tire le diable par la queue, alors qu'on a les poches trouées, alors que le ventre crie famine. Une pluie d'argent sur le sol sec de la pauvreté est aussi bienfaisante qu'une ondée fraîche sur des terres sahéliennes assoiffées. Cette pluie inattendue agit comme un baume cicatrisant. Il guérit d'un mal qu'on a cru irrémédiable.

Le cœur cède devant les vielles et vilaines méthodes : tricher, voler, frauder. Le grand éventail des coups tordus et des coups fourrés pour faire gagner, à tout prix, un candidat y trouve ses motivations. Les violences, les voies de fait, les passions qui marquent nos différents scrutins y trouvent leur carburant.

La raison, quant à elle, se préoccupe de s'interroger sur le parcours des candidats. Qui sont-ils ? D'où viennent-ils ? De quelles expériences se prévalent-ils ? Autant de questions qui finissent par briser les murs d'enceinte de la vie privée, les frontières jusque là étanches du côté cour de chaque candidat.

La raison force à sonder le programme du candidat, à entrer au cœur de son projet de société, à naviguer à travers les méandres de ses propositions de gouvernement. Ce sont alors les faits et rien que les faits qui parlent et qui témoignent pour le candidat, à charge et à décharge. Cela ressemble à un travail d'orpailleur, cet ouvrier qui recueille par lavage les paillettes d'or dans les fleuves ou les terres aurifères.
La raison, c'est se déterminer en toute connaissance de cause. C'est faire un choix informé et responsable. On engage son vote. On s'engage par son vote.

Dans cette logique, on peut regretter la défaite de son candidat, mais on ne regrette pas d'avoir porté son suffrage sur son nom. On s'assume ainsi complètement et totalement. Mais, attention, ne jouons pas trop la raison contre le cœur. Depuis que Pascal nous a appris cette grande et belle vérité : "Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point".