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Transparence dans l’industrie minière : Enfin le rapport 2013 de ITIE

Togo - Economie et Finances
Un trou de plus de 5 milliards 700 millions, les exportations d’or augmentent sensiblement, aucun contrôle des quantités de minerais exportés. L’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) a rendu public son rapport 2013 sur les flux financiers dans le secteur minier. Attendu depuis le début du mois, ce rapport qui avait été élaboré par le cabinet Moore Stephens depuis la fin de l’année dernière est enfin disponible sur le site d’ITIE Togo. Sans, surprise, les anomalies plus ou moins graves sont toujours signalées.


Pour une fois, les déclarations des montants reçus par l’Etat dépassent de plus de 5 milliards 700 millions de F CFA celles annoncées par les sociétés elles-mêmes. Entre le 1er janvier et le 31 décembre 2013, les services de l’Etat déclarent avoir perçu 22 272 506 709 (vingt-deux milliards deux cent soixante-douze millions cinq cent six mille sept cent neuf) alors que la somme des déclarations de paiement faites par les sociétés elles-mêmes n’atteignent pas ce montant ; et ne sont que de 16 536 495 591 F CFA (seize milliards cinq cent trente-six millions quatre cent quatre-vingt-quinze mille cinq cent quatre-vingt-onze).

L’Etat déclare par exemple avoir perçu de la société d’exploration pétrolière ENI 4 503 582 865 (quatre milliards cinq cent trois millions cinq cent quatre-vingt-deux mille huit cent soixante-cinq) alors que la société elle-même ne se prononce pas sur ledit montant. Cette curiosité tente de faire croire que l’Etat aurait perçu des sommes qui n’existeraient pas et pourrait cacher de graves anomalies.

En effet, plusieurs sociétés n’ont pas fait de déclarations et plusieurs autres ne l’ont pas fait de façon détaillée, conformément aux instructions, de sorte à permettre une comparaison avec les déclarations des services de l’Etat. En conséquence, les comparaisons ressortent des différences dites « positives », c’est-à-dire que l’Etat dit avoir perçu des montants que les entreprises ne reconnaissent pas lui avoir versé. Mais d’où viennent ces transactions ? Mystère !

Cela dit, plusieurs anomalies frappent l’esprit dans ce quatrième rapport. Par exemple, la SNPT déclare avoir versé 9 957 810 875 (neuf milliards neuf cent cinquante-sept millions huit cent dix mille huit cent soixante-quinze) alors que l’Etat ne reconnaît avoir réceptionné que 8 208 276 941 (huit milliards deux cent huit millions deux cents soixante-seize mille neuf cent quarante et un), soit une différence de 1 749 533 934 (milliards sept cent quarante-neuf millions cinq trente-trois mille neuf cent trente-quatre).

Comme dans le rapport précédent, les exportations de l’or maintiennent leur troisième place dans le top 3 des exportations minières du Togo. «Conformément aux chiffres communiqués par la Direction Générale de la Statistique et de la Comptabilité Nationale (DGSCN) le secteur extractif contribue à hauteur de 18,5% du total des exportations du Togo. Les principaux produits miniers exportés par le Togo sont le phosphate, le clinker et l’Or et qui représentent respectivement 27%, 49% et 24% de l’ensemble des exportations du secteur », indique le document. On constate que les pourcentages ont été bousculés en un an. L’année précédente, le rapport indiquait 46% pour les phosphates, 37% pour le clinker et 17% pour l’or.


Par ailleurs, on peut noter dans ce rapport que la loi de mai 2011 qui oblige les sociétés minières de contribuer au développement des localités affectées par les exploitations n’est toujours pas appliquée. Le rapport n’attribue des « dépenses sociales obligatoires » (d’une valeur totale de deux millions 8 cent mille) qu’à deux sociétés : Etoile du Golfe et SHEHU DAN FODIO, sans qu’aucun critère de fixation des quotas n’ait été fixé. Cette loi qui devrait être suivie d’un décret d’application est toujours ainsi violée, et ce jusqu’à ce jour, au détriment des populations autochtones.

Dans le rapport de 2011, une série de recommandations avait été émise pour renforcer la transparence dans le secteur. Et depuis, le suivi de ces recommandations démontre que sur six points, cinq sont restés sans suite. Jusqu’à ce jour, l’administration notamment ne détient pas une liste exhaustive de toutes les sociétés extractives opérant sur le territoire togolais. Le sixième point n’est appliqué que partiellement. Il avance que « Conformément à l’Article 55 du Code Minier promulgué par la loi le gouvernement prend une participation gratuite de dix pourcent (10%) du capital de l’investissement dans les activités extractives à l’exception des activités artisanales. Lors de notre intervention, nous avons constaté que les autorités compétentes ne détiennent pas une liste exhaustive de ces participations et ne procèdent pas au suivi des résultats et des réalisations des sociétés dans lesquelles ils détiennent les dites participations ». Même si une liste a fini par être dressée, le suivi des revenus provenant de ces actions se fait toujours attendre.

Le cabinet anglais auteur du rapport recommande, par ailleurs, conformément aux exigences de ITIE internationale recommande « de publier tous les contrats miniers sur le site Internet du Ministère des Mines et de l’Energie ou de l’ITIE Togo » avant de préciser que : « par contrat minier, il faut entendre : le texte intégral de tout contrat, licence, concession, accord de partage de production ou autre accord conclu par ou avec le gouvernement et fixant les conditions d’exploitation de ressources pétrolières, gazières et minières. Aussi, le texte intégral de tout addenda, annexe ou avenant fixant les détails relatifs aux droits d’exploitation ou à leur exécution ; et enfin le texte intégral de toute modification ou de tout amendement des documents décrits aux points ci-dessus ».

« La Norme ITIE prévoit que les pays mettant en œuvre l’ITIE sont tenus de tenir un registre public des propriétaires réels des sociétés qui soumissionnent, opèrent ou investissent dans les actifs extractifs contenant les informations suivantes, actualisées et complètes : l’identité de leur(s) propriétaire(s) réel(s) ; et leur degré de participation ; nous recommandons de tenir et publier un registre de la propriété réelle contenant l’ensemble des informations ci-dessus mentionnées », lit-on dans le rapport.

On note également dans le rapport que l’Etat n’a véritablement pas de contrôle sur les quantités et qualités de minérais exportés du Togo. « En effet, les exportations de la SNPT n’ont pas été confirmées par les services des douanes qui ne disposent pas du détail de ces opérations sur leur système « SYDONIA ». Seule la société dispose des chiffres concernant les exportations du phosphate et aucune autre administration ne peut confirmer l’excactitude de ces chiffres », révèlent les auteurs du rapport qui citent aussi le cas du fer dont les détails relatifs à son exportation du Togo ne sont fournis que par la société elle-même, bien après l’opération.

« La régementation régissant les exportations des ressources minières doit prévoir une procédure engageant à la fois le CCDI (ndlr : Commissariat des Douanes et droits indirects) et la DGMG (ndlr : Direction Générale des Mines et de la Géologie) afin de s’assurer que, pour toute sortie de minérais, les taxes et impôts dus ont été liquidés, ceci permet un suivi plus rigoureux des exportations et une garantie de la perception des impôts et taxes », recommande Moore Stephens.

Une autre recommandation est relative à la faible appropriation du processus par les sociétés extractives et les services de l’administration qui semblent plutôt semer une véritable confusion autour des chiffres, soit en refusant de donner leur version soit en déclarant des données impossibles de comparer. Toutes choses qui nuisent à la transparence et qui risquent de transformer l’ITIE, aussi, en une coquille vide, comme les autres institutions du pays qui ne servent finalement à rien, sauf à décorer l’environnement et à absorber inutilement des ressources déjà maigres de l’Etat.

Maxime DOMEGNI (L’ALTERNATIVE)