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Passation des marchés publics : L’ARMP vient de publier un rapport sans complaisance qui dénonce les défaillances et les irrégularités de 2012

Togo - Economie et Finances
L’Autorité de Régulation des Marchés Publics : ARMP du Togo a rendu public le 20 août 2015 à l’Hôtel Eda Oba de Lomé la Revue indépendante de la conformité de la procédure de passation des marchés publics passés par les Autorités contractantes au titre de l’année 2012.
C’est le Cabinet Sénégalais d’Experts-Comptables et de Commissaires aux Comptes : ‘’Grant Thornton International’’ de Mansour GAYE qui a exécuté l’audit pour le compte des marchés publics de l’année 2012.
C’est un rapport sans complaisance qui dénonce les défaillances et les irrégularités constatées dans la procédure de passation des marchés publics passés par les Autorités contractantes au titre de l’année 2012.
Il faut noter que c’est le Directeur Général de l’ARMP, Théophile Kossi Réné KAPOU qui a présenté la synthèse de ce rapport dont copie a été donnée à l’assistance notamment à la presse.
Le rapport fait état des résultats des travaux du Cabinet sur les marchés passés au titre de la gestion 2012, l’examen du traitement des litiges, les marchés passés par entente directe et ceux conclus suivant la procédure d’appel d’offres restreint. Il retrace les constats d’ordre général relevés au terme des travaux d’expertise.
Des rapports individuels ont été établis pour chaque autorité contractante auditée.

Constats sur l’exécution physique des marches

Suivant le rapport du Cabinet Grant Thornton International, l’échantillon a porté sur vingt (24) marchés de travaux pour un coût global de 21,45 milliards de F CFA et cela concerne les 13 Autorités contractantes( AC) à savoir :le Ministère de l'Economie et des Finances ; le Ministère de la Santé ; le Premier Ministère ;le Ministère des Travaux Publics ; l’ Université de Lomé ; le Ministère de la Défense et des Anciens Combattants ; le Ministère du Développement à la Base, de l’Artisanat, de la Jeunesse et de l’Emploi des Jeunes ; le Ministère de l’Eau, de l’Assainissement et de l’Hydraulique Villageoise (MEAHV) ; le Ministère de l’Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle (METFP) ; la Société Aéroportuaire de Lomé Tokoin (SALT) ; la Société Nouvelle des Phosphates du Togo (SNPT) ;
l’Université de Kara et la Commune de Lomé.

Que doit-on retenir de ce rapport ?

Au titre de la gestion 2012, les autorités contractantes ciblées par la mission ont été sélectionnées par l’ARMP. Elles sont au nombre de trente deux (32) dans les TDR(Termes de Référence). Ce nombre est ramené à trente une (31) par l’ARMP à la suite d’échanges au cours de la mission. L’ARMP, en qualité d’autorité contractante, a été retirée de la liste des structures à auditer.
La sélection des marchés à examiner a été effectuée conformément aux TDR sur la base des modalités définies. Les travaux ont porté sur un échantillon de 263 marchés sélectionnés à partir d’une population de 831 marchés, soit 32% des marchés recensés représentant 80% de la valeur des achats mentionnés sur les différentes listes communiquées par les AC.
En ce qui concerne les marchés passés par entente directe, la revue a porté sur les quatorze (14) contrats recensés et passés par le Ministère de la Santé (2), le Ministère des Travaux Publics (5), le Port Autonome de Lomé (2), la Société Togo Cellulaire (2) et, la Société Togo Télécom (3).
Les marchés passés par entente directe n’ont pas été contenus dans des limites raisonnables de 10% du montant des marchés conclus pour ces AC suivant le rapport. En outre, il y a lieu de souligner qu’aucun contrat de gré à gré n’a fait mention ni d’une clause de contrôle des prix, ni des obligations comptables auxquelles le titulaire du marché doit être soumis, en violation des dispositions de l’article 38 du décret n°2009-277/PR portant code des marchés publics et délégations de service public.
D’une manière générale, il ressort de la revue que les marchés par entente directe n’ont pas été passés en conformité avec les exigences règlementaires compte tenu des nombreux manquements notés et, imputables aux autorités contractantes mais aussi à l’absence de rigueur dans l’exercice des prérogatives dévolues aux organes de contrôle.
Par ailleurs, la revue a mis en évidence le caractère contraignant du seuil de 10% de la valeur des marchés passés, fixé pour chaque autorité contractante pour les marchés par entente directe. Compte tenu des risques de blocage pouvant découler de cette situation, il a été suggéré de fixer le plafond de 10% à l’échelle nationale et de confier le suivi de cet indicateur à la Direction Nationale du Contrôle des Marchés Publics : DNCMP. Cette mesure permettrait une péréquation qui prend en considération le fait que les autorités contractantes ne soient pas soumises aux mêmes réalités face à la problématique de l’urgence et aux autres conditions devant donner lieu à des procédures dérogatoires.

S’agissant des marchés passés par appel d’offres restreint, neuf (9) contrats ont été passés suivant ce mode. Les travaux ont porté sur six (6) d’entre eux, conclus par le Ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche (1), la Nouvelle Société Cotonnière du Togo (2), le Port Autonome de Lomé (1), la Société Togo Télécom (1) et le Ministère de l’Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle (METFP) (1).

Conformément aux dispositions de l’article 23 du code des marchés publics : « il ne peut être recouru à l’appel d’offres restreint que lorsque les biens, les travaux ou les services, de par leur nature spécialisée, ne sont disponibles qu’auprès d’un nombre de fournisseurs, d’entrepreneurs ou prestataires de service ». Malheureusement, il ressort du rapport que cette condition n’est satisfaite dans aucun des marchés passés en revue.

Au chapitre du traitement des litiges, le Comité de Règlement des Différends a pris 47 décisions (hors décisions de suspension) au titre de l’année 2012 suite aux recours intentés par les candidats ou aux saisines des autorités contractantes après constats de cas frauduleux.
• 43 recours ont été traités en formation contentieuse ;
• 3 recours ont été traités en formation disciplinaire ;
• 1 recours a été traité en d’arbitrage.
Ces recours ont donné lieu à :
• 3 décisions d’exclusion d’entreprises fautives ;
• 18 décisions de suspension ;
• 8 décisions d’irrecevabilité ;
• 31 décisions favorables aux requérants ;
• 15 décisions défavorables aux requérants.

Conformément aux termes de référence, le Cabinet a effectué des diligences pour s’assurer que l'ensemble des marchés conclus par les AC ciblées pendant la période sous revue ont été passés suivant les textes en vigueur.

A l’issue des travaux, il est constaté des commandes publiques faites par certaines AC au titre de l’année 2012 en violation des dispositions règlementaires en vigueur. Ces commandes publiques passées en marge du code des marchés sont estimées à plus de 47 milliards de F CFA.
Le Cabinet n’a pas pu effectuer les diligences pour les ministères, dans la mesure où les états d’exécution budgétaire n’ont pas été communiqués. Par conséquent, le Cabinet n’était pas en mesure, par d’autres procédures d’audit, de s’assurer que l’ensemble des marchés passés par les ministères ont été inscrits dans leurs Plans de Passation des Marchés : PPM et passés suivant les procédures en vigueur.
Ainsi, au terme des travaux du Cabinet, plusieurs constats ont été effectués.

Suivant le Cabinet, ces constats peuvent être résumés comme suit :

Constats relatifs aux marches passés suivant une procédure concurrentielle
-un défaut d’établissement d’un avis général de passation des marchés -une absence d’inscription préalable des marchés dans le plan prévisionnel de passation des marchés ;
-une absence de signature et d’approbation des marchés par les personnes habilitées ;
-un défaut d’engament écrit par les soumissionnaires en matière de règles d’éthique et de bonne gouvernance, en violation de l’article 131 du décret 2009-277/PR portant code des marchés publics et délégations de service public ;
-une absence de contrôle des marchés supérieurs à un seuil fixé par voie réglementaire par la commission de contrôle des marchés publics ainsi que le non établissement par cet organe d’un rapport annuel à l’attention de la PRMP, contrairement aux dispositions de l'article 9 du décret 2009-297/PR portant attributions, organisation et fonctionnement des organes de passation et de contrôle des marchés publics ;
-un non respect des dispositions en matière de passation de marchés de gré à gré (ou marchés par entente directe) ;
-un défaut de mis en place d’un registre de fournisseurs, en violation des dispositions de l’article 12 du décret 2011 – 059/PR (§ 3) ;
-un non respect des dispositions relatives à la passation des marchés de demandes de cotation ;
-un non respect des dispositions des articles 1 et 9 du décret 2009-297/PR portant attributions, organisation et fonctionnement des organes de passation et de contrôle des marchés publics, par les organes en charge de la passation et du contrôle des marchés publics au sein des autorités contractantes ;
-des marchés passés en dehors du champ du code des marchés publics -un défaut de transmission des marchés attribués à la DNCMP pour immatriculation
- un non respect des délais d’approbation des marchés ;
-une insuffisance dans le classement et l’archivage de la documentation concernant les marchés passés ;
-un non respect de la procédure de demande de cotation (DC) ;
-la qualification insuffisante ou un défaut de qualification des attributaires ;
-un défaut de publication des attributions provisoires et définitives.

Constats sur les marches passes par entente directe et appel d’offres restreint
-une absence de rapport de l’observateur indépendant destiné à l’ARMP sur tous les dossiers soumis pour revue sur les marchés passés par entente directe ;
-un défaut de soumettre aux attributaires à un contrôle des prix et de non-transmission par ces mêmes attributaires des informations devant refléter fidèlement leurs coûts de revient ;
-un non-respect des procédures en vigueur édictées pour la passation des marchés par entente directe et par appel d’offres restreint ;
-un défaut de concurrence pour les marchés par entente directe éligibles à la concurrence.

Recommandations

Au vu de ces constats, le Cabinet a recommandé aux Autorités Contractantes ciblées:
- d’éviter des interprétations abusives des exceptions prévues par le Code des Marchés Publics : CMP pour recourir à la procédure d’entente directe ou d’appel d’offres restreint ;
- de matérialiser l’acceptation par le fournisseur de se soumettre à un contrôle des prix et de fournir des informations permettant de s’assurer de la correcte évaluation des coûts de revient des travaux ou services, objets du marché de gré à gré ;
-d’établir un compte rendu détaillé à l’ARMP sur l’exécution des marchés passés par entente directe ;
-de mettre en place un registre des fournisseurs agréés, base de consultation des soumissionnaires dans le cadre des appels d’offres restreints.

Constats sur les marchés litigieux

Une analyse globale a été faite à l’issue de laquelle le Cabinet a relevé que les marchés ayant fait l’objet de recours auprès du Comité de Règlement des Différends (CRD), représentent au total soixante dix (70) décisions, émises au cours de l’exercice 2012 y compris les décisions de suspension qui sont au nombre de 28, soit en moyenne 6 décisions par mois. Il en découle que la charge de travail du CRD reste dans des limites raisonnables.

En ce qui concerne le traitement des dénonciations, l’ARMP s’est heurtée aux limites objectives liées à l’impossibilité de mener avec les prérogatives requises, les investigations nécessaires à la manifestation de la vérité dans les dossiers soumis. Il s’y ajoute que les agents en charge de l’instruction des dossiers de dénonciations sont les mêmes que ceux qui assurent le traitement des recours introduits auprès du CRD.

Pour pallier à cette situation, il est urgent de finaliser le texte relatif à la cellule d’enquête prévue au sein de l’ARMP et prévoir pour les membres de cette unité, un statut spécial leur conférant les prérogatives nécessaires aux spécificités de leur mission.

La formation disciplinaire du CRD a pris au cours de l’année 2012 plusieurs sanctions à l’encontre de certains candidats aux marchés publics relativement à la production de documents frauduleux.
Par conséquent, il est important de renforcer le contrôle de la conformité et de la matérialité des documents fournis par les candidats dans le cadre des appels à concurrence. Les sessions de formation des membres des organes de passation et de contrôle des marchés devraient davantage être orientées sur ces aspects particuliers.

Il serait opportun que l’ARMP élabore des modules complémentaires sur l’appréciation des critères de conformité des offres et de qualification des soumissionnaires en rapport avec les principes fondamentaux des marchés publics ( libre accès à la commande publique, équité dans le traitement des candidats, transparence des procédures et économie et efficience). Cela permettrait aux évaluateurs d’apprécier les déviations mineures ne remettant pas en cause les principes fondamentaux et qui n’ont un impact ni sur la conformité des offres, ni sur la qualification des candidats.
L’ARMP devrait initier à l’intention des membres du CRD, des sessions de formation sur la jurisprudence dans la résolution des litiges nés des marchés publics. Sur la même lancée, elle pourrait initier un travail d’analyse des décisions du CRD dans la perspective de constitution d’une jurisprudence locale qui sera source de droit dans le traitement des litiges relatifs aux marchés publics au TOGO et dans la sous-région.

Recommandations

Les principales recommandations relatives aux travaux de contrôle de la matérialité des dépenses sont ainsi résumées :
-les copies des dossiers techniques devraient être communiquées aux organes en charge de la passation des marchés au sein des AC. Il s’agit des rapports périodiques, des ordres de services, des cautions et garanties, des procès-verbaux de réceptions, des décomptes etc. ;
-les clauses techniques des dossiers de consultation devraient être actualisées aux fins de tenir compte de l’évolution du cadre normatif et l’amélioration des performances de nouveaux matériaux ;
-dans le cas des marchés par entente directe, les autorités contractantes doivent dans le souci d’améliorer la transparence et d’avoir le meilleur rapport qualité/prix, procéder à une analyse complète des propositions de prix basée sur les éléments suivants :
• une définition préalable détaillée de l’ensemble des prix constituant le devis quantitatif ;
• un cadre de décomposition des prix faisant apparaître les répartitions des différents coûts : main d’œuvre, matériaux, matériel, et coefficient d’entreprise ;
• une définition des modes d’évaluation des travaux.
-les AC devraient veiller au respect des règles de l’art dans la gestion technique des marchés, en se conformant, entre autres, aux principes suivants :
• exiger une garantie fiable de l’existence des crédits affectés aux opérations ;
• procéder à l’élaboration préalable des études techniques détaillées validées par les parties prenantes ;
• définir de manière détaillée les prix unitaires, le mode de contrôle et d’évaluation des travaux ;
• appliquer strictement les dispositions relatives aux garanties des travaux et exiger la production de polices d’assurance ;
• pour les ouvrages qui présentent une certaine complexité technique et qui nécessitent un investissement conséquent, faire appel à un bureau de contrôle agréé pour s’assurer des conditions de solidité de la structure et, en conséquence, garantir la sécurité des usagers.
-compte tenu de leur mission d’analyse et de validation qui implique la mobilisation de ressources financières importantes, les autorités contractantes devraient élaborer un programme de renforcement des capacités techniques et de gestion destiné aux responsables des projets
-le respect des modalités de paiement, en vue de limiter les retards accusés au niveau de l’exécution des travaux ;
-la mise en place d’une comptabilité matière formelle ainsi qu’un système de contrôle interne permettant de s’assurer de l’utilisation correcte des consommables, et de l’effectivité des services reçus.
Nous reviendrons sur le sujet dans nos prochaines publications.

Emmanuel Vivien TOMI
Plume Libre