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Mémorandum sur l’inopportunité de la tenue des 44èmes assises de l’UPF à Lomé

Togo -
Sans concertation avec ses membres du Togo, le bureau international de l’Union de la presse francophone (UPF) a décidé d’organiser du 26 au 29 novembre 2015 à Lomé les 44èmes assises de la presse francophone. Vu la situation actuelle des médias togolais, nous, membres de la section togolaise, affirmons que l’organisation de ces assises au Togo est, pour le moment, inopportune.
Organisation des 44èmes assises de l’Union internationale de la presse francophone

Du 4 au 8 novembre 2005 se sont tenues à Lomé les 37èmes assises de l’Union internationale de la presse francophone (UPF). Inutile de revenir sur les circonstances dans lesquelles cette rencontre avait été organisée et les problèmes que la gestion solitaire avait causés. Au lieu que ces assises soient une occasion pour la section locale de ratisser large et d’être performante, elles l’ont plongée dans une léthargie sans précédent. Mais au fil des années, des journalistes, de passage en France, se sont rendus au siège de l’Union internationale de la presse francophone à Paris pour se prêter aux formalités d’adhésion. A l’époque, il suffisait de consulter la case réservée aux médias de chaque pays membre pour se rendre compte de la situation au Togo. Il n’y a jamais eu de réunion entre les nouveaux et les anciens membres qui ont toujours considéré la section locale comme une chasse gardée.

C’est dans ce climat que les 43èmes assises ont été organisées à Dakar 2014. Faute de moyens, la plupart des membres ayant manifesté le désir de faire le déplacement de la capitale sénégalaise, se sont rétractés au dernier moment. Néanmoins, une bonne nouvelle viendrait de Dakar. Notre confrère Peter Dogbé, correspondant de RFI au Togo, a été coopté pour relancer la section togolaise de l’UPF. De retour au pays, il a informé tous les membres de sa cooptation puisqu’il en a reçu une liste.

Mais les préparatifs de l’élection présidentielle n’ont pas permis de concrétiser le projet de réunion de tous les membres. Nous en étions là quand le lundi 30 mars 2015, nous apprenions par le biais de la télévision nationale que le Président international de l’UPF, Madiambal Diagne, a été reçu en audience par le chef de l’Etat togolais. Au menu des échanges : la tenue à Lomé des 44èmes assises de l’Union internationale de la presse francophone. « Le président de la République a accepté cette proposition et nous a donné son accord de principe », a déclaré Madiambal Diagne à sa sortie d’audience. Mais chose curieuse, le Président international de l’UPF ne s’est pas fait accompagner du responsable de la section locale qui a été coopté par l’Union elle-même, mais du Président du Conseil national des patrons de presse (CONAPP), Jean-Paul Agbo. Une autre bizarrerie, après cette audience, le Président de l’UPF n’a pas jugé nécessaire de prendre langue avec les membres dont la liste a été pourtant fournie par ses soins à Peter Dogbé. Tout avait l’air d’une affaire personnelle réglée entre amis et à laquelle va être associée toute la presse togolaise qui tousse depuis plusieurs années.

Le 8 juillet 2015, Madiambal Diagne, Président de l’UPF, et Jean Miot, Vice-Président et Président de la section française, se sont rendus à Lomé pour, dit-on, « mettre en place les bases de l’organisation des assises de Lomé ». La délégation de l’UPF a été reçue le 10 juillet par le Premier ministre togolais pour faire l’état des lieux. A l’issue de cette audience, le Président de l’UPF a confirmé la tenue des assises du 26 au 29 novembre à Lomé. Mais une fois encore, le responsable de l’UPF-Togo est contourné et c’est le demi-frère du chef de l’Etat togolais, Mey Gnassingbé, qui a accompagné la délégation. Nous apprendrons plus tard que la présence de M. Mey Gnassingbé dans la délégation était sous-tendue par les relations amicales qui existent entre lui et le Président de l’UPF. Ces assises de la presse francophone sont donc une affaire d’amis, d’initiés et non de journalistes.

Une remarque que les actes des initiateurs de ces assises vont confirmer au cours d’une réunion tenue le 31 juillet 2015 à la Maison de la Presse. A cette rencontre, les discussions ont été houleuses et des malentendus sont nés du fait qu’il fallait d’abord réhabiliter l’UPF section togolaise – rédaction des statuts, tenue d’une assemblée générale et élection d’un bureau - avant la mise en place des différentes commissions devant organiser ses assises. Là, le président du CONAPP a donné une explication étonnante en lisant une partie d’un document qui semble destiné seulement aux initiés : c’est l’UPF internationale qui organise les assises et il est hors de question d’attendre la tenue de l’assemblée générale de la section togolaise. Sur ces entrefaites, il quitte avant la fin de la réunion.

Il convient de rappeler qu’après l’audience avec le Premier ministre, les membres de la section locale de l’UPF se sont réunis dans l’après-midi du vendredi 10 juillet à l’initiative du président Madiambal Diagne. C’est là qu’il a été décidé d’impliquer la section togolaise dans l’organisation de ces assises. Mais le mal est déjà fait puisqu’au nom des relations personnelles, le bureau international de l’UPF a décidé de construire la maison par le toit. En ne discutant pas au départ avec les membres de la section locale sur l’opportunité de la tenue de ces assises au Togo, l’UPF s’est mise en mauvaise posture. La preuve, beaucoup de journalistes togolais ne sont pas prêts à s’associer à ce qu’ils qualifient de « business ». Ils étaient moins d’une vingtaine à la réunion du 31 juillet dernier.

Par ailleurs, nous osons croire que l’Union internationale de la presse francophone n’existe pas seulement pour les assises, mais aussi pour la protection et la défense de la liberté de presse et d’expression dans l’espace francophone. Cependant, lorsque Madiambal Diagne, Président de l’UPF, et Jean Miot, Vice-Président et Président de la section française étaient en juillet dernier à Lomé, Bonéro Lawson Betum, Directeur de la Publication du bimensuel « La Nouvelle » et membre de l’UPF croupissait derrière les barreaux de la prison civile de Lomé. Il a été enlevé le 19 mai 2015 et écroué jusqu’à ce jour suite à une plainte du ministre de la Sécurité et de la Protection civile, le colonel Yark Damehame, pour « diffamation » et « atteinte à l’honneur ». Rappelons que cette interpellation est intervenue 24 heures après la sortie du dernier numéro de son journal. La délégation de l’UPF n’a même pas cherché à prendre de ses nouvelles ou plaider pour sa libération.

En ces moments difficiles pour la presse togolaise où la plupart des acteurs broient du noir, il est inconcevable que 402.500 euros (plus de 263 millions de francs CFA) – ce qui représente l’aide de l’Etat à la presse togolaise de trois ans et demi – soient mobilisés pour des assises de quatre jours. Si selon le Président Madiambal Diagne, à l’issue de l’audience du 8 juillet, le Premier ministre au cours de l’entretien s’est félicité du choix du Togo pour abriter une telle assise de la presse francophone qui, pour lui, est « une opportunité pour contribuer davantage au renforcement de la démocratie au Togo, au renforcement des médias au Togo mais aussi un acte important pour rendre le Togo plus visible à travers le monde », nous, les membres de la section locale, proclamons que ces assises ne vont rien apporter à la presse togolaise.

Brève descente dans le microcosme médiatique togolais

La liberté de presse au Togo a connu des avancées majeures après la signature en 2004 par le gouvernement togolais des 22 engagements qui ont abouti à un nouveau Code de la presse et de la communication qui répond aux standards internationaux. En dépit de ces avancées consacrées par des lois, des méthodes pernicieuses sont déployées pour restreindre le libre exercice de la profession du journaliste dans notre pays. Les faits sont là avec la fermeture des radios X-Solaire en 2010 et Légende FM en 2013. Il en de même du journal La Gazette du Golfe interdit de parution sans aucune raison valable à ce jour. En rappel, le Directeur de publication de cet organe, Idelphonse Koba Akpaki, est un membre de l’UPF signataire de ce mémorandum. La fermeture du siège du journal en ligne Afrikaexpress.info de Max Savi Carmel à Lomé. La mise en demeure de Radio Victoire suite à un partenariat avec Radio Kanal K, une radio de la diaspora togolaise basée en Suisse.

En effet, l’article 5 du Code de la presse consacre l’aide de l’Etat à la presse : « L’Etat consent à la presse des avantages d’ordre économique et financier qui peuvent se présenter sous forme d’aides à la collecte et à la transmission des informations au moyen de tarifs préférentiels ou de détaxe en matière de téléphone, de télécopie, de courrier, de transport, de bandes, de cassettes, de compact disque et autres ». Après moult tergiversations, l’aide de l’Etat à la presse a effectivement pris corps en 2009 et été introduite dans le budget. Suite à plusieurs tractations des organisations de presse, le chef de l’Etat a décidé de porter l’enveloppe qui était de 75 millions FCFA à 350 millions. Une décision politique saluée à l’époque par tous les professionnels des médias. Une année plus tard, l’aide est ramenée à 75 millions pour la simple raison que ceux qui sont aux affaires avaient estimé que l’Etat ne pouvait pas continuer à aider les médias qui les « insultaient ». Cette extraordinaire conception de l’aide de l’Etat à la presse a prospéré et officiellement, ce sont les 75 millions qui sont depuis lors distribués à tous les médias. Pendant ce temps, des fonds sont mobilisés dans les services de la présidence (la méthode officieuse de l’aide de l’Etat à la presse) pour financer les médias proches du pouvoir. Ce sont les mêmes qui ont des contrats mensuels avec des sociétés d’Etat tandis qu’on passe par tous les moyens pour asphyxier les médias jugés critiques vis-à-vis du pouvoir.

En outre, le marché publicitaire n’est pas libéralisé. L’année dernière par exemple, l’Office togolais des recettes (OTR) a, pour la bonne marche de ses activités, décidé de signer des contrats publicitaires avec l’ensemble de la presse togolaise. Mais il a suffi qu’un journaliste aille à la présidence de la République se plaindre du fait que l’OTR voulait aussi « donner des insertions publicitaires à des opposants » pour que les dossiers des médias critiques à l’endroit du pouvoir soient rangés dans les placards. Ce journaliste est même allé jusqu’à accuser un cadre de la présidence de militer pour le choix des « médias opposants ».

C’est dans ces conditions de division et de mépris que les états généraux de la presse ont été organisés. Un rendez-vous au cours duquel tous les problèmes de la presse allaient être évoqués et des solutions apportées. Encore une fois, beaucoup de moyens financiers ont été mobilisés pour ces rencontres qui s’apparentaient plus à une propagande politique qu’à une volonté de régler réellement les problèmes de la presse togolaise. Et les faits vont donner raison à ceux qui avaient décidé de ne pas participer à ces états généraux. Plus d’un an après leur tenue, rien n’a changé dans le landerneau médiatique togolais. La kyrielle de recommandations adoptées est restée sans suite, au grand désarroi de ceux qui ont ardemment milité pour la tenue de cette rencontre. La question de la convention collective stagne et les employés, payés à 20 000 FCFA par mois, un salaire très loin du SMIG, continuent de tirer le diable par la queue ; le problème de la messagerie est resté intact ; la discrimination dans l’attribution des marchés publicitaires fait son petit bonhomme de chemin ; la vétusté des matériels des médias publics s’éternise ; le passage à la transition numérique demeure un souci pour les propriétaires de télévision, etc. Depuis la libéralisation de l’espace médiatique au Togo dans les années 1990, les professionnels des médias ne disposent pas à ce jour d’un cadre décent, approprié et propice à leurs activités. Ce qui est convenu d’appeler ici « Maison de la Presse » est une obscure demeure dans un quartier insalubre de la capitale. La Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication ( HAAC), une institution d’Etat se trouve toujours dans une maison de location. Bref, les médias togolais se portent mal, très mal.

De tout ce qui précède, nous pensons sincèrement que la tenue dans notre pays de ces 44èmes assises de l’Union internationale de la presse togolaise n’a pas sa raison d’être. Les fonds sollicités pour cette rencontre de quatre jours sans oublier d’autres investissements, peuvent servir à régler un certain nombre de problèmes. Même l’aide de l’Etat à la presse qui est portée cette année à 100 millions n’est pas toujours débloquée. Nous invitons alors le bureau international de l’UPF à revoir sa copie et reporter la tenue de ces assises au Togo. Dans le cas contraire, nous serons obligés de mobiliser tous les professionnels des médias pour s’opposer à l’organisation de ces assises qui ne vont pas nous faire avancer, mais plutôt nous enfoncer. Il est temps que nous mettions fin à ces « togolaiseries » qui veulent que nous grattions le dos alors que c’est la poitrine qui nous démange.

Fait à Lomé, le 10 août 2015

Komi AZIADOUVO
Mensah K. AYITE
Jerome SOSSOU
Koami M. DOMEGNI
Idelphone Koba AKPAKI
Eklou Ayi KOKOU