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Réouverture du dossier Norbert Zongo après Blaise Compaoré:Un message à Faure Gnassingbé et aux victimes de la dictature au Togo

Togo - Politique
Le 5 juin dernier au Burkina Faso la Cour africaine des droits de l’Homme et des Peuples (CADHP) a ordonné à l’Etat de reprendre l’enquête sur des meurtres du journaliste Norbert Zongo et de trois personnes qui l’accompagnaient. C’était en 1998. Elle l’a aussi enjoint à verser des compensations financières aux familles des défunts. Si cette décision a pu a pu avoir lieu, c’est du fait que l’ancien président n’est plus aux affaires et au nom des crimes imprescriptibles. Des victimes d’injustice au Togo sous l’ère des Gnassingbé, il en existe à la pelle, et plus tôt l’actuel chef de l’Etat réalisera que « rien ne sert de courir, il faut partir à point », mieux l’après-Faure se portera. Mais pour cela, il devra s’atteler à panser les douleurs que son passage aura semé dans biens des cœurs.
Dans un communiqué produit par le service d’information de la présidence du Burkina Faso mardi dernier, on lit : « La Cour africaine des droits de l’Homme et des Peuples (CADHP) a ordonné le vendredi 5 juin 2015 à l’Etat burkinabè de « reprendre » l’enquête sur les meurtres en 1998 du journaliste Norbert Zongo et des trois personnes qui l’accompagnaient. Dans leurs décisions, les juges de cette Cour ordonnent à l’Etat burkinabè de verser 25 millions de francs FCFA à chacun des conjoints, 15 millions à chacun des enfants et 10 millions à chacun des mères et pères de Zongo et ses compagnons. La Cour a demandé en outre aux autorités du Burkina Faso de « lui soumettre, dans un délai de six mois un rapport sur l’état d’exécution de l’ensemble des décisions prises dans le présent arrêt ». En attendant une notification officielle de cet arrêt, le gouvernement burkinabè prend acte des décisions de la CADHP. Il salue le travail de la CADHP qui lutte sans relâche contre l’impunité et pour l’avènement d’une justice équitable pour tous les Africains. Concernant le dossier Norbert Zongo et ses compagnons des efforts sont faits et des avancées significatives enregistrées depuis l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 survenue au Burkina Faso… ».

Le roi est mort, vive le roi, dit-on. Il est vrai que c’est sous une présidence que ces crimes avaient été commis sans que les vrais auteurs n’aient été déterminés, et il est encore plus vrai que c’est toujours sous une présidence que la réouverture du dossier a été décidée. Mais autre époque, autre mœurs. Les crimes, c’était sous Blaise Compaoré et la réouverture des dossiers, c’est sous Michel Kafando. L’actuel président de la transition qui disait en décembre dernier que « tous les dossiers seront rouverts, et justice sera rendue », a, à travers un Conseil des ministres tenu le 4 mars 2015, « instruit le ministre en charge de la justice de prendre les mesures idoines afin qu’une suite diligente soit donnée aux affaires Thomas SANKARA, Norbert ZONGO, Boukary DABO, Flavien NEBIE, Salif NEBIE, les découvertes macabres chez François COMPAORE ainsi que les crimes et délits commis contre les personnes et les biens commis lors de l’insurrection populaire de fin octobre 2014 ».

La justice burkinabé qui a organisé ses Etats généraux en mars dernier, peut se targuer d’être en phase avec la CADHP. Sa consoeur du Togo peut-elle dire de même ?

Des dossiers tous plus pourris les uns que les autres

Que ce soit dans le domaine politique, économique ou social, les « pots pourris » jalonnent le parcours du régime des Gnassingbé en général et de celui de Faure en particulier, et si, malgré sa gestion approximative du Togo pendant dix années, il a par devers les aspirations de la majorité, décidé de s’imposer à elle, il doit instruire « sa justice » à redorer son blason qui n’est que trop terni par les pots pourris.

C’est d’abord le millier de Togolais tués lors de l’accession forcé du chef de l’Etat au pouvoir en 2005. Leurs familles attendent toujours que la vérité soit dite sur les conditions de leurs assassinats, vu que la Commission vérité justice réconciliation (CVJR) a échoué dans sa mission de pacifier les cœurs. Faure Gnassingbé dit avoir signé le Livre Blanc, mais aucun nuage renfermant les mesures réparatrices ne semble toujours pas poindre à l’horizon. Même un siècle plus tard, les familles pourront réclamer justice à l’Etat togolais si Faure ne fait rien dans ce sens.

Le vrai faux coup d’Etat d’avril 2009 est aussi une arête au travers de la gorge du climat politique. Malgré les multiples décisions de juridictions supranationales intimant l’ordre à l’Etat togolais de « réparer » les torts causés aux victimes, malgré la preuve du caractère inéquitable du procès ayant conduit aux lourdes sanctions qui continuent de priver de liberté les présumés coupables, l’Etat togolais continue de faire dos rond et de ne pas s’inscrire dans la ligne de ces juridictions. Sur quoi compte le régime au Togo et pourquoi ces instances juridiques s’illustrent par le silence ?

L’art de transformer un simple témoin et coupable présumé pendant que les vrais protagonistes de l’affaire sont en liberté ? Le dossier d’escroquerie international l’illustre au Togo. Depuis 2013 que la justice togolaise a ourdi une cabale contre l’ancien ministre de l’Administration territoriale, Pascal Akoussoulèlou Bodjona, toutes les injonctions d’instances régionales et tous les vices de procédures ne lui ont pas encore permis de recouvrer la liberté.

Dans une rubrique plus sociopolitique, l’incendie des marchés de Lomé et de Kara a privé et continue de priver de liberté des citoyens qui attendent derrière les barreaux alors que leur culpabilité n’a jamais été prouvée. Si certains ont pu recouvrer provisoirement la liberté, d’autres continuent de croupir dans les prisons du pays. Il y a même eu un décès, celui d’Etienne Yakanou qui a été privé de soins alors qu’il était gardé dans les locaux de la Gendarmerie nationale. Dans ce même dossier, des femmes ont vu leur commerce détruit parce que ceux qui devraient les soulager dans la redistribution de la participation du gouvernement, ont fait mains basses sur le magot. Sur environ 6 milliards de pertes déclarées, le gouvernement avait décaissé 2 milliards en guise d’accompagnement. Mais au lieu que chacune des victimes bénéficie du tiers de ce qu’elle avait perdu, la majorité a été trichée, volée, spoliée par ceux et celles qui avaient en charge la redistribution de l’argent.

Comment, à l’aune de la décision de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples sur l’affaire Norbert Zongo, des victimes d’injustices au Togo ne pourront-elles pas aussi espérer un jour que justice leur soit rendue ? Parce que quoi qu’on dise, le régime du clan Gnassingbé ne sera et ne pourra pas être éternel. L’alternance viendra. Quand et comment ? Nous ne sommes pas dans le secret des dieux.

Mais au-delà des décisions de justice qui réparent des torts causés à des victimes par des personnes qui se prévalent de représenter l’Etat, il devient de plus en plus impératif que des actes des représentants de l’Etat engagent dans une certaine mesure les mandants. Car au Togo, trop de serviteurs du régime, sous le couvert de l’Etat, ont posé et continuent de prendre des décisions qui heurtent le bon sens et la morale universelle. Il est certain que lorsque des juges et autres serviteurs de la justice réaliseront que leurs actes pourraient leur coûter lorsqu’ils seraient pris en violation des lois du pays, beaucoup tempéreront leurs ardeurs à brimer le droit.

Abbé Faria