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ANEHO : Bataille de « Légitimité » entre les « AKAGBAN » et les « ADJIGO »

Togo - Societe
FANTEKOME, SYMBOLE D’UN CONTENTIEUX DE PLUS DE DEUX SIECLES


Depuis plusieurs semaines, les médias se font l’écho et le relai d’une « guerre fratricide» que se livrent deux éminents clans, les « Lawson » ou « Akagban » du palais royal « Lolan » et leurs alliés, aux « Adjigo » et les leurs du palais « N’Lensi », installés l’un comme l’autre depuis des lustres à Aného, ville située à environ 40 kms à l’Est de Lomé, et dont la riche et passionnante histoire, est intimement liée à celle du Togo. Le conflit, jusque-là réduit à des sorties médiatiques et à des invectives, risque de déborder ces cadres et de menacer sérieusement la paix sociale dans cette cité si une solution n’est pas rapidement trouvée. Même si la complexité de la situation, associée au désaccord y compris sur des « faits historiques », n’incite guère à l’optimisme quant à la signature d’une « paix des braves » définitive.

Elle est située entre le marché de la ville, le terrain de football « Boka », l’embouchure et route internationale N°2. C’est une surface qui se déploie à l’ouest du goudron, à 300 mètres environ de l’ancien SGGG et à 450 du pont, en face du commissariat de police. Elle fait à peine 1000 mètres carrés et sert de dépotoir. C’est elle, FANTEKOME, la cause de la résurgence de plus de deux cents ans d’histoire. Depuis que dans un courrier adressé courant 2013 au Président de la Délégation Spéciale de la Ville d’Aného, sa majesté Quam Dessou XV, l’un des chefs traditionnels de la localité et considéré comme le roi des « Adjigo » , sollicitait l’autorisation d’y installer indiquait-il, «un monument de notre ancêtre Quam Dessou 1er, fondateur d’Aného, comme cela se fait dans toutes le villes du monde ». Cette demande qui a obtenu une réponse positive de la municipalité début 2014, va être considéré par les « Lawson », l’autre clan de la ville comme un casus belli. Depuis, les positions restent tranchées et divergentes ; les points de vue présentés comme « techniques et scientifiques » d’historiens nationaux ou étrangers n’y changeant rien , considérés par l’un ou l’autre camp, comme falsifiant l’histoire, selon qu’ils leur soient favorables ou non.

Pour Quam Dessou XV, le projet d’installation d’un monument est destiné à rendre hommage à l’ancêtre de son clan, qu’il considère comme le vrai fondateur de la ville d’Aného. Il argue, au soutien de ses prétentions, avoir fait réalisé deux tableaux, l’un de l’arbre généalogique de ses ancêtres et l’autre des différents rois de sa lignée et offerts à la municipalité pour y être exposés.

Au cours d’une conférence de presse tenue le 20 juin dernier, entouré de plusieurs dignitaires de son clan notamment Ata-Kué Sipohon Gaba, Valentin Quam Sodji, Abel Komlan Zokpodo, le ministre Elliot Ohin, le professeur de philosophie Magloire Kuamvi Kuakuvi et se référant à plusieurs documents historiques dont le fameux « Histoire de Petit-Popo et du Royaume Guin » du roi Agbanon II de Glidji (texte présenté par Nicoué Lodjou GAYIBOR, historien à l’ Université du Bénin ( actuelle UL) , en collaboration avec Yves MARGUERAT du centre ORSTOM de Lomé et de l’anthropologue révérend père Roverto PAZZI, missionnaire de l’Ordre des Comboniens de Vérone), le roi des Adjigo a soutenu que leur premier monocle Quam Dessou est le fondateur de la ville d’Aného. Que « Fantékomé », serait la résidence des « Afuntaga » (premiers ancêtre des «Adjigo» venus d’Elmina).

Quant à l’emplacement contesté , il aurait été désigné par la délégation spéciale. Ce que confirme Patrice Ayayi C. AYIVI, président de celle-ci. Il affirme avoir attribué une réserve administrative au palais « Adjigo » pour implantation du monument Quam Dessou « Tout comme les trois surfaces octroyées par le passé au roi Lawson ZankliVIII une pour la construction d’un convent des prêtres Vodou vers la plage, une autre pour l’implantation du monument de son premier ancêtre et un jardin en face et devant son palais, nous avons depuis plus d’un an, suite à une demande puis étude du conseil communal attribué une réserve administrative au palais « Adjigo ». « Cet endroit n’est pas une place publique aménagée mais plutôt quasiment un dépotoir. Nous avons pris le soin d’indiquer dans la note d’autorisation, que les bénéficiaires ont l’obligation d’en faire une place aménagée » indique-t-il. Et de préciser : « nous avons interdit la mention fondateur de la ville d’Aného sur le monument.»

CONTESTATION :

Il n’empêche que pour le trône « Lolan », Quam Dessou n’a ni autorité ni légitimité à ériger une stèle sur cette place à la gloire de son ancêtre. Ils considèrent la démarche comme une provocation. C’est ce qu’est allée signifier au bureau de la mairie, une forte délégation des Lawson et alliés, conduite par Pedro Gomez, ministre traditionnel du trône. Ils ont dénoncé « la remise en cause de l’histoire de la fondation de la ville d’Aného » et fustigé « la paternité prétendue des Adjigo sur le lieu projeté pour recevoir la statue de leur ancêtre ». Ils ont par ailleurs relevé les « irrégularités » dans le processus ayant conduit à l’attribution de FANTEKOME pour l’érection de la stèle. Leur position a été clairement exprimée : « « Fantékomé » appartient aux Lawson. Que les « Adjigo » aillent ériger la stèle sur leur territoire » a déclaré Pedro Gomez
De fait, leur version de l’histoire de la ville nous sera racontée par plusieurs notables. Ils confient qu’une guerre a opposé les « Adjigo » et les « Akagban » , qui sont leurs ancêtres. Les premiers, vaincus, durent abandonner leurs terres au profit des vainqueurs, pour aller s’installer à Agoè dans l’actuel Bénin, et à Agbodrafo. Depuis, cet espace est occupé par les Lawson et alliés. En effet, sur la dizaine de maisons que nous avons pu visiter, aucune n’est une propriété « Adjigo ». « Trouverez-vous normal que chaque matin, nous croisions le regard de l’adversaire de notre ancêtre à travers cette statue qui serait installée à nos portes ? » s’interroge une des notables, Adakou Gnadro ATAYI. Elle nous désigne une maison située non loin de là : : « c’est le premier palais royaume du clan Lawson. Jusqu’à ce jour, tous les rois Lawson sont intronisés ici avant d’être conduit au palais de « Lolan ».. Toutes nos cérémonies traditionnelles se font en ce lieu » . La conclusion est venue de sa collègue Lawson Nadou Attinégla : « le monument du roi Ahuawoto Lawson Zankli premier est posé devant son palais de « Lolan ». Que Nana Ané Ohiniko en fasse de même à «Hlensi».

SURVIE :

Selon le document d’histoire « Rénovation en marche » écrit sous la direction du roi Lawson XIII, « Aného est un ville très riche en histoire. Lors de la visite officielle de feu président ivoirien FELIX Houphouet BOIGNY au Togo, en 1962, il la qualifiait de la première cité évangélisée et berceau de la civilisation Ouest-africaine ». A ce titre, tout dignitaire ou monarque de cette ville doit se prévaloir de ses valeurs ancestrales. Pour sa part, Professeur Gayibor estime qu’ il n’y a aucune activité économique, industrielle ou de fonctionnariat dans la ville qui pourrait justifier cet affrontement entre les deux clans pour son contrôle. Le seul intérêt en jeu, selon l’historien est la survie de chaque clan «ce qui est assez louable». « Néanmoins, les deux rois sont justes prisonniers d’une situation qu’ils ne maitrisent pas. Surtout que les chefs traditionnels n’ont plus autant d’autorité qu’avant les indépendances. Finalement je finis par en conclure qu’Aného sans cette querelle entre les « Adjigo » et les « Lawson », ne serait plus Aného ; c’est ce qui fait le cachet de la ville. C’est la fierté Guin qui s’affirme plus que tout autre chose. » analyse t-il.

VERS UNE
RESOLUTION DU LITIGE

Déjà en 1961 pour mettre fin à la vieille querelle, le premier président du Togo Sylvanus Olympio avait réconcilié les deux palais en leur faisant signer un document par lequel ils mettaient fin à leur querelle et devenaient tous deux chefs traditionnels de même rang protocolaire. D’où la nature atypique d’Aného, la seule situation où on a deux chefs traditionnels dans la même ville. L’Etat reconnait au même rang, les deux rois au titre de chef traditionnel de toute la ville d’Aného et sans délimitation territoriale. Administrativement, il n’y a pas de limite au règne des palais.

Selon le roi de « Glidji », GE Fiogan Sédégbé FOLI-BEBE XV, considéré comme le roi suprême du peuple « Guin », la situation est devenue insupportable et cause préjudice à toute la communauté. Il exprime son exaspération face à ce conflit que traverse la terre de ses ancêtres. « Aujourd’hui, je me considère un peu comme un arbitre. Et en ce sens, je ne peux pour le moment condamner aucune des parties. Que les prêtres Vodou ainsi que mes collègues roi sachent que dans tous les pays du monde, les problèmes de clans, de race et de pratique traditionnelle se posent. Mais, très souvent, tout est géré dans une harmonie nationale et la primauté doit être donnée à l’évolution et au développement de la cité. A mon niveau, de même qu’au niveau étatique, des démarches sont actuellement faits pour régler une fois pour de bon les problèmes de la ville d’Aného » a-t-il indiqué.

De fait, le ministère de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales travaillerait à apaiser les tensions et à trouver une issue à la crise. Des sources concordantes ont indiqué que deux des chefs traditionnels des quatre cantons de la préfecture des Lacs ont été reçus par le ministre. Des assises générales inclusives sont projetées dans le but d’un règlement définitif des conflits d’autorité qui ont toujours miné la vie du peuple « Guin ».

En attendant, les deux tableaux nominatifs de la généalogie des « Adjigo » sont toujours exposés dans un des bureaux de la commune d’Aného. De l’autre côté, les populations de « Fantékomé » sont sur le « pied-de guerre » prêts selon eux à « défendre toute violation du territoire de leurs ancêtres. »