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Comme larrons en foire

Togo - Opinions
La stratégie sur laquelle se fonde la fourberie, c'est de nous faire croire que l'élection présidentielle du 25 avril va se jouer entre deux hommes, Gnassingbé et Fabre.
Du coup, tout le monde y trouverait son compte, chacun protégeant l'autre, son prétendu concurrent, chacun se servant de l'autre pour en sortir comme souhaité, l'un, que tout le monde connaît avec le pouvoir plus légitimé que jamais et renforcé, l'autre, que nous connaissons aussi, avec, du moins le croit-il, son statut officiel de chef de file  de l'opposition. Si les choses marchent comme les deux complices, les deux larrons en foire l'envisagent, les Togolais vont se ranger,   sagement, tranquillement ensuite derrière le «  président élu » d'un côté et l'opposant numéro Un ,comme parfois Fabre se plaît à s'auto-proclamer, de l'autre. Qui contesterait alors le caractère transparent et pacifique du scrutin? Qui dirait encore que le Togo n'est pas une démocratie? Ces messieurs nous croient donc assez naïfs tous, pour suivre leur plan et leur permettre d'atteindre facilement leur objectif respectif. Certains signes ne trompent pas : déjà, les hérauts de chacun, Bawara pour Gnassingbé et Patrick Lawson pour le compte de Fabre, d'une manière, à mon avis trop simpliste pour des gens qui se prétendent de grands stratèges, tiennent le même langage. On entend, presque dans le même temps comme se répondant l'un l'autre, ici : « si Faure Gnassingbé perd, il reconnaîtra sa défaite »et là, «  Si Jean-Pierre Fabre perd etc. ». Quel est le citoyen togolais qui n'aurait pas été heureux que, enfin, pour une première fois dans notre pays, il y ait des élections à l'issue desquelles le perdant reconnaîtrait sa défaite et féliciterait le vainqueur? Mieux, que les anciens adversaires, vainqueurs et perdants appelleraient les citoyens de tous bords à s'unir, une fois la compétition terminée et le gagnant connu. «  Car nous sommes tous filles et fils d'une même nation ». Ce discours-là est peut-être déjà rédigé et attend d'être prononcé, dans les tiroirs des états-majors des deux candidats.

Mais là, Fabre n'est pas dans l'ignorance de cette réalité que nous ne sommes pas dans une démocratie normale,mais bien dans un système clanique fondé sur la fraude et la violence.C’est bien lui, Fabre, et ses lieutenants qui n'avaient, par le passé cessé de dénoncer ce système. C’est aussi lui, Fabre, qui pendant au moins cinq ans a appelé des Togolais à participer à des marches de protestation contre la fraude et le massacre de citoyens qui ont accompagné le scrutin de 2010. C’est encore lui, Fabre qui a, avec les autres leaders de l'opposition ,réclamé des mois durant des réformes constitutionnelles et institutionnelles pour remédier à cette situation et éviter que le mal se reproduise, lesquelles réformes n'ont jamais vu le jour au Togo, pire, ces leaders ont tous été floués par la tenue d'un soi-disant dialogue qui n'a rien produit...Et, Fabre, n'était-il pas de l'avis du CST dirigé par Zeus Ajavon qui, il y a à peu près un an, ne réclamait ni plus ni moins que le départ de Gnassingbé du pouvoir? Qu'a-t-il obtenu, lui Fabre, qu'ont-ils tous obtenu, eux les leaders de l'opposition de tout ce qu'ils ont réclamé au système? Et aujourd'hui, Fabre veut nous faire croire qu'il croit à la bonne foi de Gnassingbé et de ses soutiens, quand ceux-ci nous jurent qu'ils s'inclineront devant le verdict du peuple le 25 avril! Reconnaître sa défaite lorsqu'on perd les élections, c'est très beau! C'est ce qui se fait dans les vraies démocraties et nous aussi nous ambitionnons ce genre de comportement pour notre pays.

Mais en réalité, ce qu'il faut lire, entendre derrière les déclarations, ce consensus phraséologique, ce respect mutuel entre adversaires politiques auquel les deux larrons veulent nous faire croire, c'est que Gnassingbé et Fabre vont tous les deux gagner, gagner chacun ce qu'il poursuit, et que le peuple togolais va perdre. Perdre encore tant d'années de lutte, de vies humaines sacrifiées, de protestation contre un régime que l'on fait tout pour lui imposer. Ainsi compris les résultats des élections présidentielles déjà connus, le peuple togolais a deux adversaires qu'il doit combattre, s'il veut gagner, recouvrer sa liberté et s'engager sur la voie de la démocratie, alors qu'il est pris en otage par les deux hommes.

Poignarder dans le dos un peuple qui lui a longtemps fait confiance, qui avait vu en lui, depuis que Gilchrist Olympio a fait allégeance au système l'homme qui pouvait le sortir de sa tragédie, voilà ce que Fabre s'apprête à faire. Et il croit pouvoir, par un discours de fausseté, nous préparer à accepter sa trahison, sans qu'il lui soit demandé des comptes. Mais l'histoire, il veut peut-être l'ignorer, ne le lui pardonnera pas. Certains disent que d'après les termes d'un accord secret avec Gnassingbé, il aurait été payé pour jouer ce rôle. Je n'ai aucune preuve pour l'affirmer. Mais, je sais une chose, comme des centaines de milliers de Togolais : après le 25 avril, si Gnassingbé gagne encore par la fraude, par la violence et s'il se révèle que Fabre est son principal complice, comme cela se dessine, ce dernier aura du mal à se présenter comme chef de file de l'opposition et même comme leader d'un parti politique ayant quelque crédibilité. C'est à croire que la fourberie et la trahison font partie des tactiques ordinaires des politiciens togolais, ceux qui, comme je l'ai dit dans mon dernier article, ont avalé le chameau et ne répugnent nullement à l'avaler encore. Tôt ou tard, les uns et les autres, s'y résoudront-ils également?
Il ne restera peut-être à Fabre, qu'à recourir aux mêmes méthodes que celles du système pour se maintenir en place en tant que chef de file de ne je sais quoi : la corruption et la violence. Et comme il n'a pas les moyens, ni de l'une, ni de l'autre, ceux de la violence surtout, n'est-ce pas à Gnassingbé son allié qu'il recourra pour sa survie en tant que politicien, ou même en tant qu'homme tout court? Le jeu de fausseté auquel jouent les deux hommes est en fait la chose la plus dangereuse pour l'avenir du Togo

L'autre scénario que nous espérons voir se réaliser est que le peuple togolais, découvrant ses deux ennemis, se mobilise et prenne son destin en main.

Sénouvo Agbota ZINSOU