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Inauguration, pose de première pierre, lancement de travaux tous azimuts

Togo - Politique
Abus de confiance et escroquerie électorale déguisés en œuvres de gouvernance ordinaire
Cela ne semble déranger personne. Personne du moins n’en dit rien et ce qui constitue un grave cas de mauvaise gouvernance démocratique et politique devient de plus en plus la mode. Depuis quelque temps, tout se passe comme si le chef de l’Etat ne se souvient des populations qu’à l’orée des élections. Il ne voyage plus mais fait le tour du pays pour inaugurer, lancer, remettre des kits d’installation, rencontrer les jeunes et les femmes. C’est une véritable opération d’escroquerie électorale, des actions bling bling pour abuser de la confiance des masses appauvries par des décennies de pillage systématique des ressources du pays. Tout le monde sait que pour améliorer le quotidien des Togolais, ce n’est pas à travers de actions de folklore.

Justement du folklore !
Peut-être trouverait-on que Faure Gnassingbé a été vu en public plus de fois depuis quelques semaines que durant toute l’année qui est derrière nous. Tout le monde sait que si le président naguère très « discret », qui parle aux Togolais et en public deux fois bien comptées dans l’année devient subitement si présent à gauche et à droite, c’est certainement pour les besoins de la cause. Faure Gnassingbé joue tout simplement sa partition dans le folklore mis au point par son système politique à l’orée de l’élection présidentielle.
Ce folklore consiste en une présence assidue sur le terrain aux fins de se faire montrer en train de travailler au mieux-être des populations. La logique de folklore a voulu que des chantiers de construction de routes, des cérémonies d’inauguration de bâtiments et de remise de matériels à des jeunes gens bénéficiaires de programmes étatiques d’auto-emploi aient été mis au réfrigérateur pendant des années et des mois pour être lancés – lâchés, faut-il dire – en cette veille d’élection.
On a ainsi vu Faure Gnassingbé remettre des kits d’installation à de jeunes Togolais à Sotouboua. On a évoqué le nombre de 1290 qui ont bénéficié de la magnanimité du chef de l’Etat ; dans la foulée, le président-candidat a posé dans la même localité la première pierre de la Maison de la femme, la structure multiservices en alphabétisation, entrepreneuriat, lutte contre les violences faites aux femmes, etc. Le 23 mars, il a inauguré deux projets intégrés d’aviculture et de production-transformation de palmiers à huile dans la région des Plateaux. Ce n’est pas tout. Des routes aussi.
Comme il y a élection dans un mois, on a programmé le lancement des travaux de bitumage de la route Notsè-Tohoun longue de 57 km. De la même manière, on s’est souvenu que les tronçons Tabligbo-Aného et Amegnran-Afangnan méritaient meilleur sort que celui qui était le leur. Faure Gnassingbé himself est donc allé lancer les travaux de réhabilitation de ces tronçons. Que dire de la promenade de santé à Tchamba pour l’inauguration du marché de la ville ? A-t-on besoin d’évoquer le show médiatique de Kidéoudè où, accompagné de Thomas Boni Yayi, Faure Gnassingbé a procédé à l’inauguration du poste de transformation électrique attendu pour assurer la fourniture d’électricité aux régions septentrionales des deux pays ?

Escroquerie électorale
La liste ci-dessus n’est pas du tout exhaustive. De même, rien ne prouve que Faure Gnassingbé va retrouver sa vie d’ermite après ces sorties. Il est fort à parier qu’il poursuivra son périple d’inaugurations et de lancements tous azimuts jusqu’à la veille de la campagne électorale. Comme suggéré plus haut, cette excitation soudaine n’est nullement le fruit d’un choix de gouvernance pertinent et efficace. Elle procède plutôt d’une logique de récupération opportune et ponctuelle des besoins évidents des jeunes, des femmes et des hommes qui, ici et là dans ce pays, attendent depuis des années que la gouvernance se tourne résolument au quotidien en leur faveur
A moins d’en apporter la preuve contraire, les sorties du chef de l’Etat ne répondent à aucune norme de gouvernance pertinente et efficace. Une question assez simple : est-ce aujourd’hui seulement que Faure Gnassingbé et son gouvernement savent que la route de Notsè à Tohoun est impraticable ? Des collaborateurs et non des moindres du père, feu Eyadèma, et du fils, Faure Gnassingbé, sont originaires de cette région et ils savaient très bien qu’il y fallait construire une route digne du nom. Dès lors, que Faure Gnassingbé se lève à un mois d’une élection pour lancer les travaux de bitumage de cette route, c’est qu’il y a un problème avec la gouvernance de notre pays. En réalité, font observer certaines personnes, il devrait se cacher avant de faire ce lancement ou, à tout le moins, éviter d’en faire un événement et un trophée de chasse.
En outre, avec la région des Savanes, la préfecture de Vo est placée parmi les zones de grande précarité et de grande pauvreté au Togo. Sur cette base, ces régions devraient bénéficier d’une attention particulière de la part des autorités. Si donc la gouvernance de Faure Gnassingbé reposait sur des bases rationnelles, le gouvernement saurait que la préfecture de Vo nécessitait des infrastructures de ce genre et une politique préférentielle aurait permis de faire réhabiliter depuis au moins 2006.
Autrement, Faure Gnassingbé n’aura pas d’arguments irréfutables à avancer lorsqu’on va l’accuser de propagande électoraliste au lieu de penser en amont et sereinement les actions susceptibles de réduire le taux de pauvreté dans le pays. Quelle garantie d’ailleurs y a-t-il que ces travaux iront à leur terme ? Qui peut assurer que ces différentes inaugurations et cérémonies de lancement ne sont pas de la poudre de Perlimpinpin jetée aux yeux des populations si démunies et nécessiteuses que tout ce qui brille les attire, tout discours qui prêche le bonheur les désarme ?

Manque de fair-play
Disons-le de façon tranchée : toute cette agitation du chef de l’Etat et de ses ministres a un seul objectif : abuser de la confiance des populations qui croient voir devant eux des autorités soucieuses de leur mieux-être mais qui sont loin d’imaginer que tout cela se destine uniquement à arracher – escroquer ? – leurs suffrages dans le cadre de la présidentielle à venir.
Il y a pire. Pour ces sorties, le Chef de l’Etat utilise tranquillement les moyens de l’Etat. Véhicules officiels, argent public, dons ou prêts accordés au pays et naturellement les crédits qui attendent d’être payés, aujourd’hui ou demain, sont systématiquement présentés comme résultant de la gentillesse inégalable de Faure Gnassingbé. Sous d’autres cieux, la commission électorale, la cour constitutionnelle et la haute autorité de l’audiovisuel et de la communication auraient interpellé le candidat pour lui rappeler que ces sorties enfreignent les règles du fair-play relatives aux fonds de campagne et à l’interdiction d’utiliser les moyens de l’Etat à des fins partisanes ; la HAAC spécifiquement devrait indiquer à Faure Gnassingbé que ses déclarations relayées par les médias seront déduites de son temps de parole réservé pour la période officielle de la campagne.
Aucune de ces institutions ne se permettra de faire cette œuvre d’équité et de justice. Au contraire, si elles en ont l’occasion, elles en rajouteraient au temps de parole du président-candidat puisque cela ne doit gêner personne si c’est lui qui bénéficie des largesses. Pourquoi se faire du mauvais sang à ce sujet étant entendu que dans les faits, Faure Gnassingbé est souvent confondu à l’Etat ? S’il s’est farouchement opposé au retour à la loi des deux mandats de 5 ans, n’est-ce pas parce qu’il imagine qu’il est seul à mériter de gouverner le Togo ? La raison du plus Faure est jusqu’ici la meilleure et, selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. De vieilles vérités. Des vérités actuelles.

Nima Zara