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Chronique de Kodjo Epou :Le report de la honte

Togo - Politique
Pitoyable Togo ! Toujours avec ses mises en scène électorales saugrenues. Le léger report obtenu par la CEDEAO n’y changera rien. La réalité étant qu’il s’agit, chez nous, d’une féroce dictature de parti-état. Sous ce cruel système de filouterie, rien ne se fait sans qu’on ne manipule la norme admise dans une société, sans qu’on ne biaise, par le mensonge, les critères auxquels se réfère tout jugement. Imperturbable, l’autocratie des Gnassingbé poursuit son œuvre, avec ses éphémérides électorales de la honte, bloquant les voies d’accès à une résolution définitive de la crise togolaise.
On avait cru, quand Faure Gnassingbé avait créé son parti, UNIR, qu’il allait travailler ardemment à une décrispation politique qui pourrait faire avancer le Togo. Il n’en est rien ! Pendant dix ans, le principal responsable des hécatombes de 2005 a gouverné avec les mêmes pratiques monopolistiques de l’ancien parti unique, les mêmes lois anachroniques de tendance monarchique qui avaient rendu la démocratie togolaise particulièrement meurtrière. Face à une opposition hésitante, le jeune putschiste sans carrure ni personnalité présidentielles, aidé par un petit groupe d’officiers corrompus de l’ethnie kabyè, son ethnie, a réussi à installer un système de gouvernance opaque, fondamentalement clientéliste.
Aujourd’hui, la levée de boucliers attendue est devenue un mythe insaisissable et la révolution, un rêve impossible. Et pourtant, l’état, siphonné par les goinfreries du sommet, ronfle assez fort pour provoquer cette prise de conscience nationale libératrice. Ne dit-on pas que lorsque quelqu’un vous mord, il vous rappelle que vous avez-vous aussi des dents ? Les opposants ont passé leur temps à se quereller au lieu de parer au plus pressé et de saisir la gravité du danger que représentait le tyranneau en gestation. Les choses se sont compliquées au fil des ans, obligeant cette opposition à se contenter d’accompagner une monarchie monstrueuse par le biais de parodies électorales ruineuses qui dénient la République au Togo.

A l’avant-veille de la prochaine mascarade, le climat politique, naturellement, s’est davantage fané, les manipulations ont fleuri, rendant tout pronostic impossible, toute prévision aléatoire. La démocratie, sous la coupe de miliciens sponsorisés depuis les sommets de la hiérarchie militaire, continue de dérouler ses séquences, de prolonger l’attente des togolais qui aspirent de voir autre chose que les mêmes « bawarismes », les mêmes fripouilles à l’œuvre. L’attente sera longue, même vaine, si notre peuple, les yeux tournés vers le ciel, s’obstine à ne voir son futur qu’à travers d’hypothétiques élections, espérant que les prévisions les plus pessimistes vont d’elles-mêmes changer de trajectoire et que l’avenir, de lui-même, parviendra à s’affranchir de ses parenthèses atroces et douloureuses.

La confusion est telle que beaucoup de Togolais prennent leur vie de misère pour un bien-être, une fatalité. Il est aisé de croiser de hauts cadres de l’état, très appauvris, traînant de chétives silhouettes qui crèvent la dalle du dénuement, vous faire croire qu’ils mènent une vie normale. Aussi, les gens, chaque jour, meurent-ils à petit feu et, désespérés de la vie, vont rendre l’âme au fond de misérables lits bondés de cancrelats, dans de vétustes taudis de soin que les autorités leur font prendre pour des hôpitaux. La décennie écoulée n’a pas laissé des signes que cela change, que la prospérité renaisse de la misère ambiante.

C’est avec raison que la plupart des Togolais ont voulu voir en cette année celle du changement. Mais comme on pouvait s’y attendre dans cette république bricolée au jour le jour par une coterie de piètres individus viscéralement incompétents, 2015 a démarré sur un thriller, sur fond de violents passages en force dictés par la volonté de Faure Gnassingbé, le Kim Jong-Un togolais qui a passé ses années à talonner le mouvement réformateur avec ses relents autocratiques. Est-ce donc une fatalité ? Les tragédies sont-elles le passage obligé à toute émancipation? Est-ce forcément dans les douleurs extrêmes comme celles qu’endurent les Togolais que se dessine l’avenir des peuples, que se concrétisent les soifs de liberté et de dignité ? Interrogations cruelles, lancinantes. Le tableau ne porte aucune écriture de fierté, aucun motif d’espoir. Ce qui serait la seule bonne nouvelle pour les Togolais aujourd’hui, c’est la fin immédiate de ce régime qui a beaucoup de points communs avec le Nord Coréen qui assiège son propre peuple.
On doit se le dire franchement, ce président n’est pas à la hauteur du poste. Il n’est pas bon. En plus de son incompétence notoire, il a un cœur de pierre. Comment peut-il, avec tant de tares, conduire la nation vers des victoires. Son père, Eyadéma, bien que rude et abrupte, était mieux. Autrement, la chute de Faure Gnassingbé ne peut avoir que des répercussions bénéfiques tant pour le Togo que pour l’ensemble des pays de la CEDEAO. On comprend pourquoi l’institution régionale a dépêché à Lomé son président en exercice, le Ghanéen John Dramani Mahama, pour souffler dans les oreilles du putschiste son tort de vouloir organiser, le 15 avril, une “reélection programmée” avec un fichier électoral totalement miné. Néanmoins, la mission de la CEDEAO à Lomé a un air d’inachevée, malgré le mérite qu’elle a d’attester que le RPT/UNIR a bel et bien creusé dans le fichier électoral les trous de la fraude que les Togolais dénoncent. Le régime ayant de l’aversion pour tout ce qui est vrai et juste, tout ce qui est bon pour l’intérêt général, l’année 2015, comme les précédentes, ne va pas elle non plus poser les jalons d’un nouvel ordre politique, ou esquisser les contours d’une démocratie apaisée et porteuse d’espoirs. Le moins qu’on puisse dire c’est que le peuple togolais est de retour dans les fers. Et, bien malin est celui qui pourrait dresser avec précision le portrait de ce que sera ce pays dans le futur.

Cette élection présidentielle est une douloureuse aggravation de la torture morale à laquelle les Togolais sont soumis, torture dont les blessures, déjà bien profondes, vont sans doute mettre de nombreuses décennies à guérir. Les éternels négateurs de l’évidence conglomérés dans RPT/UNIR confondent le parti présidentiel à l’état. Trop corrompu pour comprendre que la politique doit être faite au profit des populations et non au profit d’un clan, le club n’a plus rien à offrir au peuple en dehors de ses élections bancales qui perpétue l’oppression. N’est-il pas bien bizarre cet Etat de Droit où les agendas du parti gouvernant ont toujours la primauté sur les règles fondatrices de la République ? Finalement, le Togo poursuit inexorablement sa descente aux enfers pendant que les rêves de ses citoyens s’évanouissent, sans que d’autres s’éveillent.

Le pourrissement s’élargit et quand ça va exploser, la France, les Occidentaux et tous ces pays de la CEDEAO terrés dans une naïveté déconcertante et dans une sournoiserie florentine vis-à-vis des monarchistes du RPT/UNIR se contentant de timides paroles face au sinistre tableau togolais, vont s’arracher les cheveux pour n’avoir pas compris assez tôt que trop d’attentisme et de louvoiements ne pouvaient aboutir qu’à la montée du péril.

Kodjo Epou
Washington DC
USA