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Non, le peuple togolais n’a plus besoin de compassion

Togo - Opinions
Mots épars, dans une gorge nouée. Souffrance, injure, élections, force, mépris, dictature, peuple, président, violence, mort, mandat, révolte, haine, armes, pitié. Certaines douleurs peuvent être portées par des mots, d’autres des plaintes, d’autres des soupirs, d’autres des larmes, d’autres des actes… D’autres, ni les mots, ni les soupirs, ni les plaintes, ni les larmes, ni les actes ne peuvent les porter. On les porte. On les porte par soi. De soi.
Troisième mandat, dans un monde, au milieu d’un monde où tous les dirigeants sensés, normaux, ont compris que ce n’est pas le nombre de mandats alignés qui font un grand chef d’Etat. Troisième mandat, dans un monde, au milieu d’un monde où tous les peuples montrent, démontrent qu’ils ne veulent plus de dirigeants tissant des mandats au bout des mandats sans rien leur apporter. Troisième mandat, dans un monde, au milieu d’un monde qui évolue !
« Une musaraigne n’insulte pas la puanteur de son père », que dit l’adage. Un fils de dictateur arrivé au pouvoir à la suite d’un carnage, ne peut devenir qu’un dictateur. Si ce méprisable monsieur n’est pas une calamité pour le Togo, tout comme son hideux père, il est quoi alors ?
J’entends, ici et là, des plaintes « Le peuple togolais continuera de souffrir », « Encore cinq ans de torture pour les Togolais », « A quand la fin des souffrances des Togolais »… Souffrances ? Souffrances du peuple togolais ? Parce que ce peuple a encore à expérimenter une souffrance qu’il n’a pas encore expérimentée ? Souffrir un martyr qu’il n’a pas encore souffert ? Avaler une humiliation qu’il n’a pas encore avalée ?
Non, je n’ai plus aucune compassion pour ce peuple humilié, pillé, raillé, nargué, violé, volé, torturé, décimé… depuis presque cinquante ans maintenant et à qui on vient d’annoncer que son bourreau le gratifie d’une rallonge de cinq ans de bagne – puisqu’une candidature d’un candidat de ce sinistre clan équivaut à une victoire.
Plus aucune compassion, je n’ai, disais-je, plus aucune compassion pour les femmes en travail qui continueront de mourir dans des hôpitaux dressés pour les tuer, plus aucune compassion pour les étudiants qui souffriront encore pendant des années pour obtenir des diplômes qui ne leur serviront à rien, puisque n’étant pas de la bonne famille, la bonne ethnie, la bonne région, plus aucune compassion pour le jeune conducteur de taxi-moto dont les espoirs de trouver un travail plus digne de ses compétences se sont encore évanouis pour au moins cinq ans, plus aucune compassion pour l’exilé qui doit encore continuer de subir les affres de l’exil, plus aucune compassion pour les orphelins d’Etienne Yakanou qui verront toujours les assassins de leur père les narguer à ciel ouvert, plus aucune compassion pour les parents d’Anselme Sinandaré qui continueront de se demander pourquoi on ne leur dit rien sur celui qui a tué leur fils, plus aucune compassion pour la jeune fille qui, comme exutoire au chômage et au désœuvrement, n’a trouvé que la prostitution pour survivre, se dégoutant elle-même au point de ne plus pouvoir se regarder dans un miroir…
Plus aucune compassion, je n’ai plus aucune compassion pour le peuple togolais. Puisque ce peuple n’a plus besoin d’aucune compassion de qui que ce soit. Les peuples portent, pendant un temps, leurs douleurs par leurs mots, leurs plaintes, leurs soupirs, leurs larmes… mais au bon moment, ils savent porter leurs douleurs par eux-mêmes. Le temps, lui seul, sait mettre la haine suffisante dans les cœurs au moment où il le faut. Et la haine sait transformer les peuples en foule quand il le faut. Et la foule sait être foule avec toute l’animosité, toute la violence, toute l’horreur que cela peut impliquer quand il le faut, devant qui il le faut. Nos frères du Burkina Faso ne viennent-ils pas juste de nous le démontrer ?
Oui, ce soir, en écrivant ces mots, je ne plains plus le peuple togolais. La tyrannie lui a déjà tout fait souffrir. « Si l’averse n’a pas pu noyer l’orphelin, ce n’est pas la rosée qui le noiera. », sagesse des anciens.
Ma compassion va plutôt à Faure Gnassingbé, ses frères, ses sœurs, son entourage, son clan, ses officiers, ses sympathisants, sa soldatesque brute et ignare, ses milices déshumanisées, les jeunes qui le soutiennent… Parce que c’est eux qui viennent de pousser le peuple togolais à franchir un pas supplémentaire : celui vers la haine, la révolte, devenant obligatoires, inévitables, quand un peuple se sent trop brimé, trop humilié. Et c’est eux que ce peuple togolais, les narines fumantes de ses revanches encaissées pendant cinquante ans, c’est eux que ce peuple traquera, frappera, tuera, mutilera, en riant, quand la haine aura suffisamment fini par faire de lui une foule, une foule en révolte. Demain. Après-demain. Un jour.