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Pour qui était cet « assassin » qui pèse sur ma conscience ?

Togo - Opinions

Note de lecture de « La Légende de l’Assassin » de Kangni Alem
Apollinaire est avocat. Il a 70 ans. A un diabète, du cholestérol, fait de l’hypertension, mais entretient plusieurs maîtresses (aucun détail n’est à négliger sur le personnage). Il est l’un des hommes de droit les plus connus et fortunés de TiBrava (pays-ville de la légende de Kangni Alem ressemblant trait pour trait au Togo et qu’il a déjà peint, pittoresque, dans plusieurs de ses romans et nouvelles).
A la veille de sa retraite volontaire, Apollinaire décide de revenir sur l’une des trois affaires qu’il a perdues durant sa carrière. Décision plutôt surprenante de la part d’un homme qui avoue avoir choisi le droit par facilité, affirme, goguenard, s’être enrichi sur le dos de la veuve et de l’orphelin, déclare avoir le même rapport avec le droit que celui qu’il a avec ses maîtresses, préférant, la plupart du temps, la manipulation à la sincérité des sentiments, confesse avoir obtenu son diplôme de droit, à Poitiers, sans efforts, entre plusieurs séances de rugby.
L’affaire est celle de l’inculpation pour meurtre et la mise à mort de K.A., à la suite d’un procès des plus rocambolesques en avril 1978, dans un TiBrava fraîchement indépendant dirigé par « le Timonier » et son « parti solitaire ». K.A, une presque-légende de la barbarie, du meurtre et de la méchanceté pour l’opinion nationale de TiBrava, psychopathe présumé cloué au pilori même par le « journal unique du parti solitaire ».

Avocat commis d’office du présumé criminel à l’époque, Apollinaire, avec un arrière-goût de remord, pense avoir négligé, bâclé l’affaire, laissé des pistes inexplorées et des indices non décodés, malgré le climat hostile dans lequel il avait travaillé. Et la seule piste explorable qui s’offrait à lui plus de 30 ans après l’exécution de l’accusé le menait au Révérend Supérieur Gail Hightower de l’Eglise des Saints de Dieu, un conducteur de brebis égarées sur les plateaux de Dayes Afiadenyigban, Hightower dont la pugnacité devant les obrafos et autres « bras armés du Diable » du coin n’a d’égal que la loufoquerie de ses méthodes utilisées pour les combats… Périple.

Deux cents pages entre farce sociale et roman noir, intrigue inspirée d’un fait divers très connu au Togo, où Kangni Alem, fidèle à cette verve satirique ayant fait le charme de ses précédentes fictions, La Gazelle s’agenouille pour pleurer, Cola-Cola Jazz, Un rêve d’Albatros… nous restitue, à travers des flash-back de la carrière mouvementée de son personnage principal, des anecdotes politico-sociales (le pleurer-rire des années 90 à TiBrava et sa flopée d’hommes politiques fourbes à l’instar de l’énigmatique Gladja Yibo, voleur éhonté du fauteuil du Timonier), des scènes de ville très plaisantes (« La Grenouille, tu es bordelle, ton vagin sent la morue ! », insulte le buveur éméché devant un bar) la réalité d’un pays enfiévré entre frustrations sociales, agitations politiques, manipulations religieuses…
« Le pays fonctionne ainsi depuis la fin des colonies, on joue avec les mots, les mythes et autres légendes», lance, exaspéré, le personnage principal dans l’un de ses flash-back. On rit. On rit beaucoup. Un régal. Un vrai.

Kangni Alem,  « La Légende de l’Assassin», Editions J-C Lattès, 2015, 18 euros


Note : Le livre sort en librairie le 11 mars 2015