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80 véhicules Land-Cruiser d’une valeur de 1,5 milliard sont gracieusement offerts aux FAT

Togo - Societe


Pendant que la Santé et l’Education sont paralysées
Les manifestations des agents de l’Etat se suivent, mais ne se ressemblent plus. Alors que les secteurs de la santé, de l’éducation et de l’administration publique crient leur mécontentement devant leurs conditions misérables de vie et de travail, Faure Gnassingbé a affiché mardi dernier son indifférence à leur égard en choisissant de caresser les Forces armées togolaises (FAT) dans le sens du poil : 80 véhicules tout terrain viennent de leur être offerts pour, dit-on, lutter contre l’insécurité dans le pays. A quel prix l’unité ?
En ces périodes critiques de la vie de la nation, de quoi les populations ont-elles le plus besoin ? Depuis le début de l’année, les mouvements d’humeur se succèdent, et cette semaine encore, un sit-in suivi de trois jours de grève ont été décrétés par la base de la Synergie des travailleurs du Togo (STT), avec pour objectif d’obtenir satisfaction à leurs revendications au sujet du redressement des salaires sur le dernier SMIG, l’augmentation de la valeur indiciaire et le règlement effectif des retards de salaires chiffrés à un peu plus de 909 millions de FCFA. Mais comme pour narguer l’ensemble des travailleurs du Togo et afficher son mépris à leur égard, Faure Gnassingbé, en pleine grève des fonctionnaires de l’Etat, s’affiche sur les écrans de la TVT dans une cérémonie officielle au cours de laquelle il offre 80 véhicules aux FAT.

Lorsqu’hier nous nous sommes intéressés à l’acte posé par Faure Gnassingbé, nous avons découvert que ce sont des nouvelles marques de véhicules pick-up Toyota Land-Cruiser HZJ79L dont le prix unitaire sur la toile est de 28.000 Euros, soit 18.366.796 FCFA. Et pour les 80 véhicules offerts par le chef de l’Etat, le coût total s’élèverait à 1.469.343.680 FCFA, presque 1,5 milliard de FCFA, sans compter le transport.

On se rappelle que c’était en décembre 2013 que la refondation de l’armée a été décidée par le chef de l’Etat. Mais déjà en avril de la même année, les autorités avaient annoncé la tenue des grandes assises de la santé et de l’éducation du Togo, et par deux fois, ces rencontres ont été reportées à une date ultérieure. Nonobstant ces reports, en juin 2014, sans avoir trouvé des solutions aux maux qui minent la santé et l’éducation – des secteurs qualifiés de prioritaires par les instances nationales et internationales – Faure Gnassingbé avait entamé des tournées dans les garnisons du pays pour parler « refondation des FAT ». La police a aussi connu « sa refondation » le 13 janvier 2015, une semaine après que le journal LIBERTE a dénoncé les conditions d’incarcération et l’inexistence du statut particulier du corps de la police.

Et mardi dernier, Faure Gnassingbé franchit une étape supplémentaire dans la recherche de la protection de son pouvoir par l’armée en décidant d’offrir 80 véhicules d’une valeur de près de 1,5 milliard de FCFA aux FAT. Or les 909 millions dus aux enseignants par l’Etat ne sont pas toujours versés, et dans l’envie de narguer les grévistes, les autorités proposent de régler ces retards de salaires en quatre tranches alors que selon les explications de Dr Gilbert Tsolényanu, chaque enseignant bénéficiaire ne toucherait qu’environ 6.000 FCFA de ce montant. Faure Gnassingbé et son gouvernement ne seraient pas capables de verser ce retard de salaire en une seule tranche, mais sont disposés à décaisser 1,5 milliard cash pour offrir des véhicules climatisés aux FAT pour « des missions de surveillance ». Malgré toutes ces sollicitudes, l’insécurité ne connaît pas de décrue dans le pays.

Qui a offert ce matériel aux FAT ? Est-ce l’Etat togolais par le biais des contribuables, ou Faure Gnassingbé à titre personnel, puisque dans le quotidien « Togo-Presse » N°9478 d’hier mercredi, on lit : «…Par ce geste, le président Faure Essozimna Gnassingbé vient de respecter sa parole d’honneur. Puisqu’il avait promis, dans le cadre de la refondation des Fat, de donner des moyens pour permettre aux forces de sécurité et de défense de jouer pleinement leur rôle par l’amélioration de la qualité de leurs prestations de service » ? Dans tous les cas, les autorités savent tenir leurs promesses quand il s’agit d’un secteur disposant d’arguments convaincants pour obtenir satisfaction à ses doléances.

A ceux qui se limiteraient simplement à la phrase : « 80 véhicules pick-up de marque Toyota », il est utile de rappeler que 80 véhicules, c’est presque 1,5 milliard de FCFA. Et ce montant dépasse le budget cumulé de 34 districts sanitaires au Togo, de Lomé à Cinkassé, conformément au projet de budget 2015 soumis à l’Assemblée nationale en décembre dernier. Pendant qu’on refuse d’accéder aux revendications des agents de l’Etat au motif que le pays n’aurait pas de ressources, on décaisse aisément sans compter pour offrir des véhicules aux FAT.

Mais dans le même temps, le corps des sapeurs-pompiers qui fait partie des forces de sécurité, se retrouve être le parent pauvre de cette refondation. De combien de véhicules de secours dispose ce corps pour aider la population togolaise lors des sinistres et accidents de circulation qui ne manquent pas sur nos routes, puisque de par sa configuration, aucun des pick-up n’est configuré pour jouer le rôle de voiture de secours ?

Le Togo a été admis à l’initiative des Pays pauvres très endettés (PPTE) en 2009, mais parce que les autorités refusent que les partenaires en développement aient leurs yeux dans la gestion des finances publiques, le pays a dû faire face à l’organisation des législatives de juillet 2013 sur propres moyens et les autorités se préparent encore à faire tenir l’élection présidentielle, sans apport extérieur. Mais voilà encore que du matériel d’une valeur de 1,5 milliard vient d’être offert aux FAT. Soit. Alors il n’y a pas de raison que face aux revendications des agents de la fonction publique, les autorités arguent « le manque d’argent » pour justifier le refus de les satisfaire. Le malheur des gouvernants dans la situation actuelle est que les travailleurs grévistes sont des intellectuels qui sont au courant de la manière dont les finances du pays sont gérées. Si « le Togo n’a pas besoin de partenaires », comme le chante si bien le ministre de l’Economie et des Finances qui boucle déjà 8 ans au même poste, alors les travailleurs doivent pouvoir obtenir satisfaction, vaille que vaille. Et ce ne seront certainement pas les rumeurs sur leur prochaine arrestation qui les feront fléchir, loin de là. Il suffit de décrypter leurs méthodes d’action pour s’en convaincre.

Dans les attributions de la Direction nationale de contrôle des marchés publics (DNCMP), il est stipulé qu’au-delà d’un certain montant pour toute commande, l’administration devrait lancer un appel d’offres afin de profiter de la concurrence et éviter les systèmes gré à gré. Ainsi de par le montant de la commande des véhicules, nous nous sommes adressés hier après-midi au secrétariat de la DNCMP pour comprendre. La secrétaire, après un moment d’attente, est revenue nous dire avoir joint le directeur qui, à son tour, nous fait dire de nous adresser à l’autorité contractante au sein de l’armée. Mais à la question de savoir si un appel d’offres a été lancé, elle a dit ne rien savoir. Visiblement, comme il s’agit du matériel relevant de l’armée, personne ne veut renseigner la presse. Mais poussés par une curiosité saine, nous avons parcouru les appels d’offres publiés sur le site de la DNCMP et seul est disponible l’Avis d’appel d’offres N°AAO/001/MDAC/PRMP/DS-FAT/B1/2014 relatif à l’acquisition de trois (03) véhicules 4×4 station wagon, publié le 10/02/2014 et repris le 10 février 2015 ! Nulle part il n’apparaît une commande pour l’acquisition de 80 véhicules pick-up. « L’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté », disait Jean-Jacques Rousseau. C’est pour obliger tous les services à la transparence qu’au-delà d’un certain seuil, l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP) exige que toute commande fasse l’objet d’appel d’offres. Mais voilà que le ministre de la Défense et des Anciens combattants, Faure Gnassingbé outrepasse ses prérogatives et « fait ce qu’il veut » pour acquérir 80 véhicules. Et ce n’est pas René Kapou, Directeur général de l’ARMP et militant convaincu de l’Unir qui oserait demander des comptes à son mentor.

Abbé Faria