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Togo-Secteur de la santé : les agents en colère contre le Premier ministre

Togo - Societe
Togo-Mardi 03 février 2015, 8h 34 min, une équipe de reporters de kusasanews s’est rendue au CHU Sylvanus Olympio. Tous les agents sont à leurs postes. En petits groupes, ils commentent les propos tenus par le Premier ministre la veille au CHR Lomé-commune.

« Ahoomey-Zunu se prend pour qui pour nous menacer en ces termes ? C’est une provocation intolérable. Pourquoi s’intéresse-t-il seulement aux trucs aléatoires ? Est- ce qu’il imagine un peu les conditions dans lesquelles nous travaillons ici ? », s’indigne un agent qui remarque la présence des reporters et s’adresse désormais à eux : « Tenez monsieur le journaliste, le rythme de travail ici est infernal. Tout le matériel de travail est usé, alors que l’hôpital même n’en achète pas. Ils attendent seulement qu’on leur fasse des dons de matériels qui ont été déjà utilisés ailleurs. Des matériels qui sont hors d’usage et que les gens veulent s’en débarrasser, c’est ça qu’on nous amène ici et on organise des cérémonies de réception en grand pompe, on crie sur les toits qu’on a enrichi les hôpitaux de nouveaux matériels de travail, alors que les trucs ne sont même pas bons. Avec notre rythme de travail, au bout d’une semaine, ces appareils sont inutilisables ».

A un autre de renchérir : « Regardez dans les couloirs, vous voyez toutes ces femmes enceintes à terme couchées à même le sol, par faute de bancs ? Suivez-nous au bloc et vous verrez que nous examinons aussi des femmes à même le sol. Il n’y a pas suffisamment de lits pour les mettre dessus. Et à la fin, nous avons mal aux reins, puisqu’on fait tout en position accroupie… Regardez vous-mêmes le vrai visage de l’hôpital togolais en 2015 ! Est-ce qu’on peut bien soigner les gens dans ces conditions ? Quand on leur parle, ils politisent tout. Ils ne voient même pas la souffrance du peuple ». Il poursuit: « Les Togolais meurent tous les jours. S’il faut fermer les hôpitaux pendant 24 ou 48 heures pour qu’on règle tous les problèmes, même s’il doit avoir des morts, c’est mieux que de laisser mourir les gens tous les jours et continuellement…Si nos hôpitaux étaient bons, lui-même quand il était malade, pourquoi il ne s’est pas fait soigner au pays ? En responsables conscients, arrangez vos hôpitaux pour qu’on donne des soins adéquats aux patients. On peut tout traiter ici sur place s’il y a des moyens. Les gens tombent malade, ils fuient leur propre pays pour aller se faire soigner en Europe. Alors que ceux qui sont en Europe ne connaissent pas tout ce qu’on appelle maladie tropicale. Les trucs s’aggravent ici avant qu’on court vers l’Europe, alors que les Blancs traitent les maladies dès qu’elles se déclenchent. Mais c’est quand la maladie atteint un stade qu’on appelle historique que l’africain court vers les hôpitaux européens avec tous les risques que cela comporte. » Son collègue lui arrache la parole : « Je vais vous faire une confidence. Quand le Premier Ministre était évacué en Europe pour suivre l’opération chirurgicale à la suite de son appendicite, le premier chirurgien qui devait l’opérer a failli aggraver son cas, voire le tuer carrément. Je suis sérieux ! Le jeune chirurgien, suivant les nouvelles techniques modernes voulait lui faire ce que nous appelons ici « petite souris ». Il a fallu la prompte réaction d’un médecin africain pour attirer son attention sur la spécificité du cas qui doit être traité comme cela se fait en Afrique. Vous voyez le risque que nos gouvernants prennent en refusant d’équiper nos hôpitaux ? ».

Cette colère est généralisée dans tous les services que nous avons visités ce matin au CHU Sylvanus Olympio. Tous déplorent les propos du Premier Ministre. Un médecin spécialisé rencontré à l’entrée du bloc de la maternité confie ses peines : « Ici nous travaillons comme des fous. Quand il y a grève toutes les activités pèsent sur nous seuls ici, le service tourne 24 heures sur 24, puisque nous continuons à opérer les femmes enceintes contrairement à ce que raconte le Premier Ministre. Le collègue qui était de garde samedi par exemple a opéré 14 femmes, celui de dimanche 9 femmes, ainsi de suite ». « L’hôpital ne nous fait même pas manger. Ils disent que nous sommes des étudiants en médecine spécialisée et donc nous devons nous débrouiller. Et c’est nous-mêmes qui devrons aller chercher ce que les jeunes qui nous aide lors de des opérations de césarienne, vont manger. Pathétique ! », conclut-il visiblement très en colère.

Le Premier Ministre Arthème Ahoomey-Zunu, lors d’une visite inopinée qu’il a effectuée le lundi au Centre Hospitalier Régional de Lomé, dit avoir fait l’amer constat selon lequel tout l’hôpital est paralysé par un mouvement de grève. Très furieux, il s’en est pris en des termes plutôt « menaçants » au personnel soignant, surtout aux responsables de la Synergie des Travailleurs du Togo (STT) qui ont lancé le mot d’ordre de grève. Pour le Premier Ministre, les revendications des fonctionnaires n’ont rien de social. « Je pense que, en tant que gouvernement, sur les quatre dernières années, nous avons fait des efforts dans les secteurs de la santé et de l’éducation, en termes de primes, en termes d’amélioration des salaires et d’autres points. Mais il reste beaucoup à faire en ce qui concerne les services. Le service chirurgical du CHU Sylvanus Olympio est dans un état lamentable. Les blocs ne peuvent pas être considérés comme de vrais blocs en 2015. Les laboratoires n’ont même pas d’instruments pour travailler. C’est des choses que nous devons corrigés. Et je pense qu’avec vous nous devons faire une petite pause en termes de réclamations des primes de tous les jours, pour que nous puissions nous occuper des services désormais… Je constate que lorsqu’on lance un mot d’ordre de grève dans l’administration générale, il n’y a que les secteurs de la santé et de l’éducation qui font grève. On se pose la question de savoir pourquoi ? », a observé le chef du gouvernement excédé.

Arthème Ahoomey-Zunu a alors invité les agents de ces deux secteurs à revoir leur attitude face aux mots d’ordre de grève : « Si vous faites grève pour réclamer les matériels de travail, si vous dénoncer le fait que le bloc opératoire est sale et se trouve dans un état délabré, nous-mêmes nous nous mettrons derrière vous. Mais quand vous continuez à faire des réclamations sur les salaires et les primes malgré tous les efforts qui ont été faits sur les cinq dernières années, ça veut dire qu’il y a un problème… Nous ne pouvons pas continuer ainsi. Est-ce que vous trouvez normal qu’un médecin perçoive son salaire et refuse après de soigner une simple blessure ? Ça veut dire que ceux qui lancent ces grèves utilisent l’administration pour prendre le pays en otage. Nous ne pouvons pas l’accepter (…) Honnêtement, lorsque je vois les raisons pour lesquelles on lance les mots d’ordre de grève, est-ce que c’est pour ça qu’il faut prendre tout un pays en otage ? C’est pour ça qu’il faut fermer le bloc opératoire ? Et vous suivez ça, vous pensez que c’est pour les primes qu’ils lancent les mots d’ordre de grève ? C’est faux ! Voilà ce qu’ils disent, et je veux que vous le sachiez : le brancardier n’a pas fait des études, mais il a vu son salaire augmenté par deux et a rattrapé ceux qui ont étudié. Il faut donc augmenter les salaires de ceux qui ont fait des études pour creuser l’écart. Est-ce que ça c’est une réclamation sérieuse ? ».

Dans l’après-midi, il a eu une rencontre à son cabinet avec toutes les centrales syndicales et a dénoncé à cette occasion, leur complicité aux mots d’ordre de grève de la STT. Puisque selon lui, les membres des autres centrales syndicales observent ces mots d’ordre. Ce qui n’est pas normal à son avis. Les discussions se poursuivront dans les jours à venir en comité technique, pour trouver des approches de solutions à la plateforme revendicative en huit points de la STT.

Journal kusasanews