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Affaire Chebeya-Bazana : Inculpation de Paul Mwilambwe au Sénégal, en vertu de la compétence extraterritoriale

Afrique - Diplomatie
PARIS, France, 9 janvier 2015/African Press Organization (APO)/ -- A la suite de la plainte déposée à Dakar par la FIDH sur le fondement de la compétence extraterritoriale, Paul Mwilambwe a été inculpé par la justice sénégalaise et placé sous contrôle judiciaire, relançant ainsi l'affaire des défenseurs assassinés en RDC en juin 2010.


Paul Mwilambwe, suspect important dans l'affaire Chebeya-Bazana, a été inculpé par la justice sénégalaise, et placé sous contrôle judiciaire à Dakar, hier, jeudi 8 janvier 2014. Cette inculpation survient à la suite de la plainte en compétence extraterritoriale pour actes de torture déposée le 2 juin 2014, par les avocats du Groupe d'action judiciaire (GAJ) de la FIDH et des familles de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana, les deux défenseurs des droits humains congolais assassinés en juin 2010. Nos organisations et les familles des victimes se félicitent de l'action de la justice sénégalaise et attendent de cette procédure judiciaire qu'elle contribue à faire la lumière sur les responsabilités dans l'assassinat et la disparition de ces deux éminents défenseurs des droits humains.


« L'inculpation de Paul Mwilanbwe et son audition par un juge d'instruction indépendant constituent une étape fondamentale vers la vérité et, nous l'espérons vers la justice, qui sont refusées aux familles des victimes en RDC », a déclaré Patrick Baudouin, président d'Honneur de la FIDH. « Depuis l'affaire Hissène Habré, c'est la première fois qu'une procédure en compétence extraterritoriale est initiée au Sénégal et cette étape constitue un signal fort et positif que la justice sénégalaise entend contribuer de façon substantielle à la lutte contre l'impunité des crimes les plus graves perpétrés sur le continent africain » a-t-il ajouté.


Le 10 janvier 2014, les avocats du GAJ et des familles Chebeya et Bazana avaient déjà déposé une plainte simple contre Paul Mwilambwe et tous autres pour crime de torture, sur la base de la loi sénégalaise de compétence extra territoriale du 12 février 2007, qui intègre en droit sénégalais la Convention des Nations unies contre la torture. Selon cette disposition du Code pénal sénégalais, les tribunaux sénégalais peuvent juger toute personne suspectée de torture, si elle se trouve au Sénégal, même si la victime ou l'auteur du crime ne sont pas sénégalais et que le crime n'a pas été perpétré au Sénégal.


Cette plainte étant demeurée sans réponse, la FIDH et les familles avaient déposé une nouvelle plainte, avec constitution de partie civile, le 2 juin 2014, ce qui, en vertu du droit sénégalais, enclenche quasi automatiquement la mise en mouvement de l'action publique. La justice sénégalaise donnait suite à cette nouvelle plainte dès août 2014 en auditionnant les parties civiles, ouvrant formellement la procédure judiciaire.


« En l'absence de procédure équitable en République démocratique du Congo, nous avons initié cette procédure au Sénégal afin qu'une enquête impartiale et indépendante puisse être ouverte et que toute la lumière soit faite sur l'assassinat et la disparition forcée dont ont été victimes Floribert Chebeya et Fidèle Bazana. Elle avait notamment pour but de faire entendre Paul Mwilambe, un acteur de cette tragédie, par un juge indépendant, ce qui a été fait aujourd'hui » a déclaré Me Assane Dioma Ndiaye, avocat du GAJ de la FIDH et des familles Chebeya et Bazana.


Major de la Police nationale congolaise à l'époque de l'enlèvement de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana, Paul Mwilambwe était en charge de la sécurité du bureau du Général John Numbi, le chef de la Police nationale au moment des faits, dans les locaux duquel ont été assassinés les deux défenseurs des droits humains. Peu après les faits, Paul Mwilambwe avait pris la fuite vers un pays d'Afrique avant de se rendre au Sénégal. Au cours de sa fuite, il avait témoigné devant la caméra de France 24 et dénoncé, outre sa participation, le rôle et l'implication de hauts gradés de la police congolaise, dont le général John Numbi, dans l'assassinat et la disparition forcée des deux défenseurs.


« Cette inculpation constitue, pour nous, un grand espoir de vérité et de justice qui nous sont refusés au Congo où la justice est enlisée. Je veux savoir où mon mari est enterré, je veux que l'on me dise où il est et je veux pouvoir l'enterrer dignement » a déclaré Marie-José Bazana, l'épouse de Fidèle Bazana dont le corps n'a toujours pas été retrouvé.


Rappel des faits : 
Le 2 juin 2010, Floribert Chebeya, directeur exécutif de l'ONG la Voix des sans voix (VSV) est retrouvé mort dans sa voiture dans un faubourg de Kinshasa et Fidèle Bazana, son proche collaborateur est porté disparu. La veille, les deux défenseurs des droits humains s'étaient présentés à la Direction de la PNC pour y rencontrer son directeur, l'Inspecteur-général et général John Numbi, et n'en sont pas sortis vivants. Face à l'émoi provoqué par le meurtre de Floribert Chebeya et la disparition de Fidèle Bazana, le pouvoir congolais est obligé d'ouvrir une enquête qui abouti à la suspension à titre conservatoire du général John Numbi et à l'inculpation, pour assassinats, de 8 policiers dont Paul Mwilambwe qui est en fuite.


A l'issue d'un procès marqué par de nombreux incidents (voir le rapport de l'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme), la Cour militaire de Kinshasa reconnaît le 23 juin 2011 la responsabilité civile de l'État congolais dans l'assassinat de M. Chebeya, ainsi que dans l'enlèvement et la détention illégale de M. Bazana par plusieurs de ses agents et condamne 5 des 8 policiers accusés, dont 4 à la peine capitale et un à la prison à perpétuité. Trois des condamnés à mort sont toujours en fuite, et trois policiers dont l'instruction avait pourtant révélé le rôle dans la disparition de Fidèle Bazana, ont été acquittés. Le 7 mai 2013, la Haute cour militaire, saisie en tant que juridiction d'appel, se déclare incompétente pour instruire des questions procédurales et décide de saisir la Cour suprême de justice, qui fait office de Cour constitutionnelle, ce qui suspend de fait la procédure judiciaire d'appel qui reste à ce jour en RDC dans l'impasse. En outre, aucune procédure judiciaire n'a jamais été engagée par les autorités congolaises pour instruire le rôle joué par le général John Numbi, qui a depuis été remplacé à la tête de la police nationale, malgré l'existence de preuves et le dépôt de plaintes nominatives par les familles des deux défenseurs.


Organisations signataires : FIDH, VSV (La voix des sans voix), LE (Ligue des Electeurs), ASADHO (Association africaine des droits de l'Homme), GL (Groupe Lotus), ANMDH (Les amis de Nelson Mandela pour la défense des droits humains), LSDH (Ligue sénégalaise des droits humains), RADDHO (Rencontre africaine pour la défense des droits de l'Homme) et ONDH (Organisation nationale des droits de l'Homme).