Vous etes sur la version ARCHIVES. Cliquez ici pour afficher la nouvelle version de iciLome.com
 4:07:22 PM Samedi, 20 Avril 2024 | 
Actualité  |  Immobilier  |  Annonces classées  |  Forums  |  Annuaire  |  Videos  |  Photos 


La mésaventure d'un reporter avec les militaires hier à la marche de CAP 2015

Togo - Societe
Entre le ministre Bawara et les manifestants les versions divergent quant à la présence de militaires hier en ville pour réprimer la manifestation de l'opposition. Nous vous présentons ici la petite mésaventure d'un confrère avec des militaires hier en ville. Témoignage
Quand le ministre Gilbert Bawara développe des arguties dans l’émission « Au cœur de la Nation » que les militaires n’étaient pas sortis lors de la répression de la marche du CAP 2015, il donne l’impression de prendre les Togolais, surtout les journalistes qui ont pris les images, pour des « fous ».

Alors nous qui avons été agressé par ces militaires derrière la BTCI, dans le quartier Zongo, serions descendus d’une autre planète. Voici donc ce qui s’est passé à cet endroit le vendredi 21 novembre 2014 vers à 14H40 : deux jeeps remplis de militaires portant leur casque en forme de calebasse, des gilets par balles venaient de s’immobiliser derrière la BTCI. Chacun des jeeps contenaient une dizaine de militaires. Trois de mes collègues et moi faisions notre travail de journalistes en filmant la scène. Soudain, un des militaires nous a invectivé : « Hé vous là, donnez-moi votre appareil ». Et il s’avançait vers nous son fusil et un gros bâton à la main. Il était suivi par trois autres militaires. Ils se ruaient sur nous. Mais nous n’avions pas pris la fuite. J’ai tenté de leur faire comprendre que nous étions en train de faire notre travail, comme eux aussi font le leur. Mais cette tentative pour calmer ces militaires a été vaine. Un des militaires s’est presque jeté sur mon collègue, voulant lui arracher sa caméra. Ce dernier résiste. Il a même réussi à se dégager. « Donne-moi ton arme, je te donnerai ma caméra », lui lance mon collègue. Pendant ce temps, un autre militaire tentait également d’arracher mon appareil photo numérique. Mais je ne lui ai pas donné ce plaisir. Et un autre militaire de crier aux autres qui attendaient dans le véhicule : « J’ai besoin encore de quatre hommes ici. Encerclons-les et embarquons-les. Ils nous embêtent ici ». A ces propos, nous avons commencé par rire, parce que ces militaires nous étonnaient par leur zèle.

C’est ensuite que l’un d’eux a eu la présence d’esprit de demander à voir nos cartes professionnelles. Ce que nous avons fait sortir. Mais là aussi, deux d’entre eux nous ont montré la haine qu’ils ont pour la presse privée dans ce pays. « Vous êtes de Togopresse ? S’ils ne sont pas de Togopresse alors embarquons-les tous », disaient un des militaires. A ce moment, ils ont commencé par nous encercler. Mes collègues et moi étions restés sereins. Pas de panique. Nous avons gardé notre sourire mais très fermes en ce qui concerne nos matériels de travail. Mais comme dans tout groupe, il y a toujours au moins un lucide, un des militaires a demandé aux autres de nous laisser. « Au moins quand vous voulez prendre les photos, il fallait nous demander d’abord non. Vous êtes venus en braquant vos caméras et appareils photos sur nous. Ce que nous faisons, c’est mauvais ? Nous tentons de maintenir l’ordre », a-t-il dit, comme s’il appartenait aux militaires de maintenir l’ordre dans la ville lors d’une manifestation publique.

« Dans une manifestation qui a dégénéré, avec des course-poursuites entre manifestants et forces de l’ordre et même avec vous les militaires, les journalistes n’ont pas besoin de demander la permission à qui que ce soit avant de prendre des vues. Pas même à vous, les militaires », lui ai-je répondu. A ces mots, ils ont voulu encore nous bousculer. Mais on ne savait pas ce qui leur a fait changer d’avis pour qu’ils regagnent finalement leurs jeeps pour démarrer en trombe avec un « à tout à l’heure » de l’un d’eux.

Après cette mésaventure, nous avons encore rencontré d’autres militaires dans leurs jeeps dans la ville, notamment à Deckon et à Bè, les points chauds des échauffourées.

Et quand devant mon poste téléviseur le soir à 21 heures, j’entends le ministre Gilbert Bawara dire qu’il n’y avait pas de militaires dans les rues lors de la répression de la manifestation, j’étais tombé des nus. Mais, nous sommes dans quel pays au juste ? Sacrés dirigeants !

NB : Il faut que les corps habillés (militaires, policiers et gendarmes) sachent que la population, surtout les journalistes ne sont pas leurs ennemis. Notre mission, c’est informer le peuple de ce qui se passe ici et ailleurs. Et nous nous efforçons de le faire avec professionnalisme et respect des règles de la déontologie du métier.
Quand nous voyons les corps habillés écouter les émissions sur nos radios ou lire nos journaux, nous sommes fiers. Personne ne peut leur dénier ce droit de s’informer. Alors chers militaires, policiers et gendarmes, aidez-nous à mieux vous servir. C’est aussi ça l’expression de la vraie démocratie.

Isy K
Journaliste freelance