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Chute de Blaise Compaoré en moins de 24 heures: Les leçons à tirer par Faure Gnassingbé, le message envoyé au peuple togolais …

Togo - Politique

Il était une fois Blaise Compaoré, président de la République du Burkina Faso. C’est désormais ainsi qu’il faut aborder l’histoire de ce braconnier de la démocratie – ils sont nombreux sur le continent – et membre à part entière de la « négraille ». En moins de 24 heures, le château de carte s’est écroulé, et le monsieur qui, du haut de son piédestal, jouait au dur à cuire, est devenu…zéro ! Une triste fin qui devra faire réfléchir les prétendants aux règnes sans fin en Afrique, notamment du côté de Lomé.
Un sort réglé en moins de 24 heures

Blaise Compaoré, tout-puissant président du Burkina Faso depuis 1987 à la suite de l’assassinat du panafricaniste Thomas Sankara, qui avait la mainmise sur toutes les institutions de la République, chassé aussi facilement du pouvoir comme un malpropre ?! Cela doit sonner encore chez certains comme une boutade, surtout que l’homme n’était pas prêt à partir et voulait mettre le bistouri dans la Constitution de son pays, sauter notamment le verrou de la limitation du mandat présidentiel instauré par l’article 37 pour s’offrir quinze (15) ans de plus. C’est pourtant la réalité, et c’est justement ce projet qui lui a été fatal.

Jeudi 30 octobre 2014. Le désormais ex-président du Faso n’oubliera pas de si tôt, car c’est à cette date que son sort a été réglé par le peuple. Vieux, jeunes, hommes, femmes, tous étaient sortis dans les rues ce jour où devrait avoir lieu le vote du projet tant contesté de modification de l’article 37 de la Constitution. Pneus brûlés, barricades posées, parlement attaqué et incendié, maisons des proches du pouvoir brûlées, édifices publics vandalisés, sauve-qui-peut des dignitaires du pouvoir…rien n’a résisté devant la furie du peuple burkinabé qui a décidé de prendre son destin en mains. A la mi-journée, le pouvoir « démocraticide » de Blaise Compaoré est tombé en quelques heures seulement de manifestation. Même s’il a tenté de bluffer les contestataires, annonçant dans la foulée le retrait du projet funeste et promettant quitter le pouvoir en novembre 2015 au terme de son mandat – il ne l’a même pas terminé finalement -, il a fini par abdiquer et annoncer dans la journée de vendredi, son retrait définitif du pouvoir. A Dieu pouvoir, honneurs, richesses, jouissances, ripailles… ! Aujourd’hui il est exilé en Côte d’Ivoire, en attendant de voir à quelle sauce il sera bouffé, pour ses dégâts commis en 27 ans de règne. « Les 24 heures Chrono de Blaise Compaoré », c’est ainsi que l’on devra rebaptiser la journée du jeudi 30 octobre 2014, et cela ferait un bon titre de film. Avis donc aux cinéastes. Moralité de toute cette histoire, les dictatures en Afrique ne sont que des colosses aux pieds d’argile, juste fondées sur l’armée, la chape de plomb, la culture de la peur.

Un message clair à la « négraille »

Blaise Compaoré est parti, pour toujours. Mais il n’est pas la seule calamité démocratique sur le continent africain. Ils sont nombreux, ces dirigeants à vouloir s’éterniser au pouvoir et à user de la force militaire et de tous les artifices pour y parvenir. La formule la plus courante consiste à mettre le bistouri dans la Constitution de leur pays et sauter le verrou de la limitation du mandat présidentiel, et le tour est joué. Joseph Kabila en République démocratique du Congo (Rdc), Paul Biya au Cameroun, Dénis Sassou Nguesso au Congo Brazzaville, Boni Yayi au Bénin, Faure Gnassingbé au Togo – on y revient -, entre autres, sont dans le starting-block. Mais le peuple burkinabé vient de prouver que cette idée peut leur être fatale.

Florent Geel, le responsable du bureau Afrique de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (Fidh) a bien relevé la portée du cas Blaise Compaoré. « L’enseignement qu’il faut tirer de ce mouvement est double. Premièrement, je pense que Blaise Compaoré aurait pu amorcer une transition il y a quelques années en douceur, permettant pour lui de se retirer du pouvoir. Il a voulu passer en force et il en paie aujourd’hui le prix fort. C’est un signal fort pour les prochaines élections puisqu’en 2014 et 2016, il va y avoir 52 élections sur le continent africain dont 25 élections présidentielles dans 27 pays d’Afrique, c’est énorme – et c’est un signal fort pour tous ceux qui souhaiteraient passer en force. Il y en a un certain nombre. Je pense à la RDC, au Congo ou d’autres pays. C’est un signal fort à ces dirigeants africains sur le fait que l’Afrique a changé. On ne peut plus s’imposer ou conserver le pouvoir pour ses propres intérêts. Il faut tenir compte maintenant des peuples, de la société civile et des citoyens (…) Les Burkinabè portent très clairement les espoirs de grandes parties de peuples africains qui entendent aujourd’hui en 2014, dire que l’Afrique a changé et que leur vote doit effectivement compter. On ne peut plus leur imposer des dirigeants qu’ils n’ont pas librement choisis et affirment ainsi que cet événement démocratique, sans être un printemps démocratique, est une maturité de l’Afrique. Il doit accompagner un réel développement que les Africains dans toutes leurs diversités attendent, souhaitent et veulent construire. Ceci passe par un minimum de pouvoirs, de contre-pouvoirs, une presse libre et indépendante, une société civile qui peut s’exprimer… Il y a donc de très nombreux enjeux sur le continent africain aujourd’hui, et ce qui se passe au Burkina est un message très clair aux dirigeants africains affirmant qu’aujourd’hui tout n’est plus possible », a-t-il déclaré. A bon entendeur…

Allo le 228, allô Faure Gnassingbé !!!

On l’a relevé plus d’une fois déjà, les peuples burkinabé et togolais sont confrontés aux mêmes problèmes en 2015. Ils ont des dirigeants respectifs qui veulent s’éterniser au pouvoir, contre le gré de leurs populations qui aspirent depuis des décennies à l’alternance, et manœuvrent pour atteindre cet objectif.

Si Blaise Compaoré devrait tripatouiller la Constitution de son pays pour se représenter à sa propre succession en novembre 2015, Faure Gnassingbé, lui, n’y est pas contraint, mais urge de subterfuges. Pour pouvoir jouer la prolongation l’année prochaine, il refuse de mettre en œuvre les réformes constitutionnelles et institutionnelles recommandées par l’Accord politique global (Apg), restant résolument sourd aux appels de l’opposition, des églises, des diplomates, de la communauté internationale. Le défaut de réformes devrait lui permettre de prétexter de la Constitution tripatouillée le 31 décembre 2002 où le verrou de la limitation du mandat présidentiel a été sauté par son défunt père pour justifier sa candidature. L’homme prudent voit le mal venir de loin, dit-on. En homme intelligent, moulé aux civilités démocratiques car ayant été formé dans les grandes écoles occidentales et qui sait tirer les leçons des malheurs des autres, Faure Gnassingbé devra garder à l’œil le sort de son seul parrain sur le continent Blaise Compaoré, et faire le bon choix pour le peuple togolais, mais aussi pour lui-même et sa famille. Même si tous les Africains épris d’alternance sont contents pour le peuple burkinabé, la manière dont le Facilitateur a fini est pitoyable. Le tout-puissant Blaise Compaoré qui avait la mainmise sur tous les pouvoirs, dirigé de façon autoritaire son pays durant 27 ans, amassé plein de richesses, jouissait allégrement du pouvoir, des honneurs… a tout perdu en moins de 24 heures, à cause de son entêtement, et est contraint de s’exiler en Cote d’Ivoire. Et ce n’est que le début de ses mésaventures, car il devra répondre de ses actes devant le tribunal du peuple. Les dossiers Thomas Sankara, Norbert Zongo, entre autres, devraient être ressuscités sous peu.

Faure Gnassingbé devra s’éviter une fin pareille de fugitif en refusant d’aller à l’encontre de la volonté du peuple togolais qui aspire à l’alternance au pouvoir. Il doit surtout se rappeler que le Togo se veut une République, mais sa famille politique est au pouvoir depuis bientôt un demi-siècle. Quitter le pouvoir en 2015 après ses deux mandats n’irait qu’à son propre avantage.

Un cas d’école pour le peuple togolais

Ce jeudi 30 octobre, les Togolais qui auront compati au sort de Blaise Compaoré se compteraient au bout des doigts. A part peut-être le Prince de la République, les profiteurs qui écument son entourage et les lèche-bottes qui s’en tirent aussi à bon compte, pas sûr qu’il y ait des Togolais à s’attrister de la chute de leur Facilitateur chéri. Un euphémisme pour ne pas dire qu’ils étaient aux anges, et visiblement bien plus que les Burkinabés eux-mêmes. On croirait que c’est Faure Gnassingbé qui était tombé. C’est simplement une réaction naturelle d’un peuple dont l’aspiration à l’alternance est étouffée par un clan depuis un demi-siècle. Mais une chose est de désirer l’alternance, une autre est d’agir pour permettre son avènement.

Tout comme au Togo, on avait au Burkina aussi un régime autocratique qui s’est toujours employé à détourner les suffrages populaires, confisquant ainsi le seul moyen donné au peuple de choisir librement ses dirigeants, et à diriger le pays avec la force, étouffant l’opposition. Etant à bout de souffle, le peuple burkinabé a décidé de prendre son destin en main. A l’appel de l’opposition et de la société civile qui ont réussi à s’entendre pour l’intérêt général – on reviendra forcément sur cette problématique -, les Burkinabés sont descendus en masse dans la rue pour s’exprimer, leurs appels tous azimuts par les voies orthodoxes n’ayant jamais été entendus par Blaise Compaoré. Devant la furie du peuple épris d’alternance et seul détenteur de la légitimité, malgré les armes, il n’a pas tenu 24 heures. C’est la preuve que la lutte populaire est invincible, et l’alliance électorale de l’opposition dénommée CAP 2015 et son candidat choisi Jean-Pierre Fabre l’ont réitéré vendredi dernier. Les Togolais veulent-ils vraiment l’alternance ? « (…) A eux de prendre leurs responsabilités, au lieu d’attendre un Messie qui viendrait leur offrir leur liberté sur un plateau d’or », relève un analyste.

Tino Kossi