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CONTOUR GLOBAL OU Le CONTRAT MINé : Plus de 16 milliards versés par la CEET chaque année sur 25 ans

Togo - Economie et Finances
Le ministre Damipi : « C’est le prix à payer. Si on me trouve mieux, je prends »
Fin juillet 2014, le Conseil d’Administration de la Ceet a décidé de revoir les salaires à la baisse après deux ans de progression. En fait, le Conseil a trouvé avenant de faire marche arrière pour mettre en place une grille de reclassement plus conséquente et moins polémique après tout ce qui a été fait à la tête de cette boite depuis des lustres. Mécontents, les syndicalistes déposent un préavis de sit-in. Le Conseil d’Administration les invite à la table de discussions. Au finish, ils ont été chargés de réviser et de proposer un nouveau statut du personnel. Ceci, puisque l’ancien datant de 2006, du temps de Togo Electricité. Entre temps, des tracts sont distillés au sein de l’entreprise pour accuser l’ex- Dg et actuel ministre de tutelle Noupokou Damipi et l’ex Drh Abi Tchao d’être les instigateurs lointain et immédiat des remous sociaux que connait la Ceet aujourd’hui. Un fait curieux, sans doute. Nos investigations nous ont permis de déceler le jeu qui se trame réellement au sein de la nationale togolaise de l’énergie. Dossier !
Le diable sauveur

La CEB l’avait rejeté à l’époque puisque le trouvant non seulement trop cher, mais aussi trop contraignant vu les conditions de vente. Près de 200f le Kwh contre 58 f fixés par la Ceb aujourd’hui. En plus, c’est un contrat « take or paye » : autrement dit, une fois que le contrat est signé, même sans consommer, tu es contraint de payer. Et le prix est d’au moins 1,4 milliards le mois. Soit 16 milliards par année et ce, durant 25 ans. Mais que représentent les 16 milliards ? Une source confie que c’est le coût des frais d’entretien des six turbines, des frais du personnel de Contour Global et d’amortissements de la centrale. Vous trouvez ça normale ? », s’est indigné notre source. Au-delà de cette ardoise, c’est à la Ceet de fournir à Contour Global, le fuel nécessaire pour la production de l’énergie demandée. « C’est un vrai chantage d’escroc ! », s’est également indigné un observateur. « C’est le prix à payer ! Au moins nous avons de l’électricité aujourd’hui », répond le ministre Damipi de l’énergie, pendant que le Directeur Général Adjoint de la Ceet, Amouzou-Kpeto parle d’«un deal cruel sur la tête du Togo, un contrat achat vente des plus anormaux».

Et maintenant la garantie !

Pour être sûr de récupérer les 192,4 millions de dollars investis, Contour Global et ses parrains ont exigé et obtenu le gage des comptes de la Ceet. Autrement dit, quoiqu’il arrive et que les togolais aient de l’électricité ou pas, l’Etat togolais est contraint de payer 16 milliards par an à Contour Global et ce, durant toute une génération. Ainsi se résume le contrat qu’ont signé le pouvoir de Faure Gnassingbé et Contour Global avec ses partenaires : l’International Finance Corporation (IFC) et Overseas Private Investment (OPIC). Le tout, sous la conduite de Noupokou Damipi à l’époque Directeur Général de la Ceet et concepteur du contrat avec l’appui de N’guessan Etienne, à l’époque consultant et Mensah Leopold Gnininvi, alors ministre de l’énergie.

« Les crises ne sont que des opportunités d’affaires » disait Wistom Churchill
En effet , face aux caprices récurrentes des amis anglophones (Ghana et du Nigeria ) qui ne fournissaient plus régulièrement, depuis la fin des années 90, les puissances nécessaires à la centrale commune au Togo et au Bénin :la Ceb, les deux nouveaux chefs d’Etat, Faure Gnassingbé du Togo et Yayi Boni du Benin avaient besoin de se doter d’une nouvelle source d’approvisionnement. Ceci, afin non seulement de trouver une solution idoine à la crise de délestage qui sévissait à l’époque dans les deux pays, mais aussi et surtout d’espérer réaliser leurs ambitieux programmes de développement pour leurs pays respectifs. C’est donc au cœur de ce besoin pressant qu’a été brandie l’offre Contour Global.

La Société International de droit américain spécialisée dans la production de l’électricité s’est engagée à assurer une production optimale de 100 Mgw au moyen de turbines fonctionnelles à gaz naturel, au gaz oil ou au fuel lourd à installer dans les deux pays respectifs. Le cout de réalisation s’élève à 192,4 millions de dollars, avec les conditions telles que mentionnées en haut. A l’époque le Benin l’avait également écarté tout simplement. Seul le Togo a accepté prendre en charge, ce lourd bébé qui se nomme Contour Global. Le processus d’acquisition est rentré dans sa phase active en octobre 2006 par la signature d’une convention de concession entre le Togo et la société Contour Global Togo SA. Cela a été suivi d’un contrat d’achat d’énergie conclu le 5 juin 2007 avec la Ceet. Les discussions n’ont abouti à la signature des documents financiers que le 6 mai 2009, mettant ainsi en vigueur, la convention de concession et le contrat d’achat d’énergie.

Aujourd’hui, la Ceet crie à l’étouffement. Le contrat que certains aiment appeler contrat Damipi représenterait aujourd’hui, selon des sources internes à la togolaise d’énergie, la vrai leste qui empêche la Ceet d’exécuter aisément ses chantiers. Plus de 16 milliards à payer chaque année contre une masse salariale d’à peine 650 000 millions, soit à peine 8% du chiffre d’affaires de la compagnie pendant que l’Ohada autorise jusqu’à 25% du chiffre d’affaires. « L’agent de la Ceet, est un parent pauvre », disait l’autre.

Djeteli et le nœud Contour Global

En prenant les commandes de la togolaise d’énergie en 2011, Gnandé Djeteli s’est engagé sur deux axes principaux à savoir : le redéploiement du réseau et l’assainissement de la gestion avec au centre de la politique de management « l’Homme », c'est-à-dire valoriser l’agent de la Ceet. C’est dans cette dynamique que la revalorisation de Novembre 2012 a été décidée. Mais elle a été une « bêtise », selon les termes d’un syndicaliste. En effet sans aucune base transversale, truffée d’injustice avec son lot de frustrations, la méthode choisie alors par l’équipe Djeteli pour revaloriser l’agent de la Ceet conduisait plutôt vers un résultat suicidaire : l’implosion de la boite. Sommer par le Président du Conseil d’Administration Foli Bazi Katari, l’ingénieur de Bassar (une préfecture du nord Togo) que ses collègues aiment appeler affectueusement « Mensah » du fait de ses profonds encrages au sud, a dû vite rebrousser chemin. Ceci, en attendant que les syndicalistes proposent eux-mêmes une formule plus favorable. Fin de parenthèse.

Sur le chantier de l’assainissement des dépenses, après la réorganisation du processus d’attribution des marchés, le décèlement des réseaux mafieux au sein de la boite, Gnandé Djeteli s’attaque ensuite à l’ardoise Contour Global. C’est ainsi que par courrier datant du 12 Décembre 2012 adressé à la Banque Africaine de Développement (Bad), le Dg de la Ceet demande une facilitation afin de permettre la relecture du contrat liant la togolaise d’énergie électrique à Contour Global. Sur cette initiative, Gnandé Djeteli se fit d’abord taper sur le doigt pour violation de procédure. C’était au ministre des finances de saisir la Bad pour une telle demande, lui a-t-on rappelé. La procédure a été donc reprise. Un groupe de facilitation a été mis en place composé entre autres de cadres du secteur de l’énergie et de représentants de la Ceet dont notamment le Directeur Général adjoint Amouzou Kpeto et le Directeur Général de l’énergie M. Abiou. Le cabinet Mac Dermott a été chargé de revisiter le fameux contrat contesté. Depuis quelques mois, le rapport de son étude est disponible en un document de 90 pages, selon le ministre Damipi. Un document que nous n’avons pu voir mais dont le ministre a choisi de nous lire quelques lignes du résumé lors de notre entretien.

A en croire le patron des Mines et énergie du Togo, le cabinet Dermott ne reprocherait rien au contrat Contour Global mais reconnaitrait quand même que les parties peuvent discuter d’une révision du prix d’achat-vente si elles le souhaitent. « Il revient donc à la Ceet de réagir », a chargé le ministre. Du coté de l’équipe Djeteli, on ne reconnait pas avoir reçu un rapport du genre ce dont parle le ministre, mais je n’ai reçu que des portions de rapport qu’on nous envoie d’ailleurs à compte goutte s’est défendu Yaovi Amouzou-Kpeto. Plus loin l’adjoint de Djeteli décrédibilise entièrement le choix de Mac Demott, un cabinet qui selon lui aurait été choisi de gré à gré, sans que eux initiateurs de la demande de facilitation n’aient été associés à l’élaboration des termes de références devant conduire au choix du cabinet en question. « Pire, le cabinet veut nous amener à faire son travail à sa place » a-t-il ajouté. Ceci dit, aucune issue n’est encore trouvée à ce jour pour libérer l’Etat togolais du joug de Contour Global. Ce qui fait dire à Kpeto qu’il s’agit d’un « contrat béton », pendant que son patron Djeteli parle d’une mauvaise foi. « C’est une chose que d’avoir fait une erreur, mais la grandeur d’un homme est de reconnaitre ses fautes et d’accepter les corriger », a résumé l’ex directeur de l’office du Bts. Pour le ministre Damipi, le Togo ne peut pas trouver mieux aujourd’hui que Contour Global. A l’en croire, « le Benin qui l’avait refusé a choisi de se doter de deux groupes électrogène de 80 Mgw chacun. Aujourd’hui, un des groupes est tombé en panne et le Benin songerait à reprendre l’offre Contour Global », parole de Damipi. A la question pourquoi le ministère n’appui pas la Ceet dans sa volonté de trouver une autre alternative ou réviser le contrat Contour Global, le ministre répond : « Si on me trouve mieux, je prends ».

Vers le cataclysme ?

Depuis l’installation de la centrale, la Ceet a commencé par solliciter concrètement Contour Global vers fin 2012 quand la Ceb a clairement déclaré son incapacité à fournir les 170 Mgw habituels dont a besoin le pays de Faure Gnassingbé à ses heures de pointe. C’est alors que deux des six turbines de la Cgt sont régulièrement mises en marche pour une capacité commune de production de 30 Mgw. Ceci dit, la Ceet ne sollicite à ce jour qu’une production partielle de Contour Global. Pourtant, elle paye pour la totale. Dans les rubriques qui composent les 16 milliards annuel à verser, la togolaise d’énergie paye par exemple 600 millions de francs pour l’entretien des six turbines comme si elles tournaient en plein temps. Or, la Ceet n’en sollicite que deux, dans le pire des cas et ce, ponctuellement d’ailleurs. Aujourd’hui la compagnie d’énergie électrique du Togo se dit essoufflée. Les projets de redéploiement du réseau sont pris en otage et « le bilan pour l’année 2015 s’annoncent en rouge si on continue par jeter autant d’argent dehors », prédit une source de la boite.

À défaut de réviser le contrat Contour Global, deux alternatives s’offrent à l’Etat togolais : soit augmenter à 16 milliards la subvention de 3 milliards qu’il accorde jusqu’ici à la Ceet ou augmenter le prix du Kwh. Et ça, c’est une autre paire de manche. A suivre !

FRATERNITE N°158 du 22 OCT 14