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Du Bon Usage du Droit

Togo - Opinions
“The True Administration of Justice is the Firmest Pillar of Good Government" inscription au fronton de la Court Supreme de l’État de New York

Évoquer le bon usage du droit, c’est insister sur la nécessité pour ceux qui élaborent la loi et ceux qui l’appliquent de prendre en compte, avant toute chose, les principes qui fondent le droit. Et dans le contexte où nous sommes, il s’agit précisément du droit républicain puisque le droit divin , le droit féodal et le droit totalitaire n’ont plus cour de nos jours ou ne doivent pas avoir cour au sein de notre espace politique.

Il est important de rappeler que le droit républicain que nous épousons est fondé sur les principes éthiques exposés par les Lumières en Europe au cours du 18e Siècle. Ces principes éthiques eux-mêmes étaient tirés des anciennes théories de la morale de la raison élaborées deux mille ans au paravent par les philosophes grecs de l’Antiquité à savoir essentiellement les Stoïciens et les Platoniciens. Ce que les penseurs de l’Age d’Or intellectuel grec antique avaient fait deux mille ans avant les Anglais, les Français et les Allemands des Lumières avait consisté à exercer la raison critique pour placer la personne humain, l’individu au centre de toutes les préoccupations de l’action publique, du jeu politique. Alors, pour faire bon usage du droit, il faut s’éclairer des enseignements de ces anciens.


Recourir aux fondamentaux, retourner à l’Éthique Originel


Que ce soit aux Etats-Unis, en France, en Angleterre ou en Allemagne, le constitutionaliste du républicanisme vise la garantie de deux principes fondateurs : le principe de Liberté et le principe d’Ordre. Et la question diagonale qui traverse toute réflexion constitutionaliste républicaine est : « Comment protéger la Liberté naturelle de l’individu tout en préservant l’Ordre social ? »
Et il faut préciser dans cette démarche que la liberté est une finalité et l’ordre est un moyen.

De là, le génie véritable de chaque nation se manifeste dans son habileté à trouver à cette
question critique une réponse adéquate qui garantisse les deux principes tout en restant cohérent avec l’histoire particulière de son peuple, son âme, son identité.

Quand tout est bien fait, les nuances par pays ne proviennent seulement que des histoires particulières des peuples, mais les principes universels demeurent à la base de la loi. Autrement dit, respecter l’esprit de la loi républicaine, c’est garantir dans son élaboration et dans son application ses principes fondateurs, la Liberté et l’Ordre.

Mais qu’est-ce que l’ordre républicain ?

Tandis que tous les théoriciens de la philosophie politique du républicanisme, principalement John Locke, Jean Jacques Rousseau et Emmanuel Kant, ont suffisamment traité du principe de liberté et d’autonomie de l’individu, ils étaient restés cependant timides ou vagues, en ce qui concerne l’ordre républicain. Ils n’ont pas eu l’audace idéaliste de leurs ancêtres stoïciens et platoniciens antiques.

Dans l’Antiquité, le génie particulier de Platon avait consisté à faire un parallèle entre les profiles de l’Âme humaine (la psychologie des caractères des hommes) et les divers systèmes politiques qu’ils engendrent forcément. En résumé, dans une société où les âmes en dominance ne sont pas à la fois bien instruites, courageuses et tempérées, cette société est toujours une société d’injustice et de désordre. Les anciens penseurs avaient compris qu’on ne peut pas séparer la politique de la morale.

Le maître stoïcien Zénon de Citium, après Platon, croyait carrément que seule la sagesse et la tolérance permettent aux hommes de vivre en bonne communauté, insinuant un ordre républicain fondé sur la morale rationnelle et des lois de volonté générale.

Au temps des Lumières, seul Kant avait effleuré l’ordre républicain, mais il l’a plutôt traité dans une perspective internationale dans son ‘’PROJET DE PAIX PERPÉTUELLE’’  en 1795. Rien n’est suffisamment élaboré sur l’ordre républicain à l’intérieur de l’État par Kant, il a traité de l’organisation des pouvoirs sans indiqué clairement ce qui fait l’essence de l’ordre durable dans la république. On voit bien que les anciens étaient allés plus loin et étaient plus clairs que les nouveaux sur cette question.

Alors fautes d’une définition précise et d’une théorisation explicite par les nouveaux penseurs des Lumières, les régimes républicains nés depuis lors ce sont saisis de la notion internationale de Paix de Kant et l’appliquent excessivement dans le contexte national. Et ils se servent souvent de la force répressive de la police pour arriver à cette fin.

Il est prouvé avec le temps que l’ordre républicain maintenu à travers une pacification policière est loin d’être un moyen suffisant pour obtenir l’ordre véritable qui induise la liberté républicaine au sein d’un État. Car le climat de paix sociale peut être trompeur. La tranquillité, le silence, le manque d’agitation publique peut cacher un bouillonnement intérieur dans les cœurs, qui n’attend que d’atteindre un trop plein pour déborder comme une mer de feu. Ainsi il vaut mieux conclure que c’est plutôt la sérénité dans les cœurs qui fonde l’ordre républicain véritable et non la paix sociale apparente qui est souvent trompeuse.

C’est bien soucieux de cette nuance très importante que les anciens de la Grèce avaient exigé que dans la République les citoyens soient gouvernés par des lois impersonnelles adoptées par des législateurs instruits et éclairés, et que la loi doit être appliquée par des magistrats à la fois instruits ,courageux et tempérés. Il faut surtout se référer à Platon à ce sujet.

Donc dans l’entendement des précurseurs antiques du républicanisme, la cité doit être administrée par les meilleurs citoyens, et ici qui dit meilleurs citoyens parle de ceux qui rassemblent à la fois les trois vertus publics fondamentaux : l’ Instruction, le Courage, et la Tempérance. L’instruction permet d’avoir la connaissance, l’expérience et les informations suffisantes pour prendre des décisions éclairées et bénéfiques pour tous. Le courage permet d’avoir la confiance en soi pour aller au-devant des défis grandioses immanquables qui se posent au peuple, et la tempérance permet d’avoir la maîtrise de soi pour discipliner ses pulsions personnelles, claniques ou partisanes internes qui poussent à la corruption et aux excès de luxures et de violence.

Bien légiférer et bien administrer au Togo


Pour traiter du cas particulier du Togo, où l’exigence des réformes constitutionnelles et institutionnelles démeure une questionne épineuse, il faut impérieusement rappeler aux acteurs actuels qu’il doivent :

1- dans un premier temps prendre une connaissance approfondie de l’histoire particulière, objective et véritable du Togo. Le Togo moderne a 130 ans d’histoire. Il faut bien connaître cette histoire dans son objectivité afin de bien légiférer pour ne pas frustrer l’âme et déformer l’identité du peuple.

2- dans un deuxième temps, les acteurs doivent s’instruire suffisamment du système politique de républicanisme depuis ses origines afin de mieux définir les principes, de bien distinguer les finalités et les moyens pour s’aider à mieux administrer le pays dans un ordre durable vers un idéal noble qui garantisse la liberté de la personne pour rendre ainsi sa dignité à chaque citoyen.

Dans ce sens, un débat franc sur la constitutionalité ou la scientificité d’une loi fondamentale ne sera pas réduit à une réflexion exclusivement juridique. Un tel débat devra être global dans une approche holistique qui tire des conclusions synthétiques transversales où les sciences et les arts les plus proches de la politique interviendront à savoir essentiellement l’histoire, le droit, la sociologie, la philosophie, l’économie politique.

Le débat contradictoire que des juristes Togolais, Dodji Kokoro et Komi Wolu tentent d’initier sur la question de la loi fondamentale s’enrichira et trouvera de meilleures conclusions s’il ne se confine pas dans le juridisme. La difficulté politique au Togo tient moins directement du droit, il tient plus directement de l’Éthique.

Il faut saluer les contributions que l’écrivain Agbotta Zinsou a faite sur la question dans son article ‘’Scientifiquement Hors-la Loi’’ publié hier par togocity.com et l’interview accordée par l’ancien Secrétaire Général de l’UCJG, directeur de l’APED Seth Kluvia au journal Pa-Lunion sur les événements décisifs du 31 Mai 1957 et publiée hier sur Icilome.com . Ce sont des points de vue et des informations qui enrichissent à quelque niveau ce débat important.

En somme, pour conclure, nous devons avoir l’ambition de faire gouverner la cité par les meilleurs citoyens tels que définis par le républicanisme à son origine ; et il faut viser toujours et sans relâche la liberté naturelle de la personne humaine, de l’individu, comme finalité de l’action politique au sein de la République. Car c’est dans la liberté républicaine que l’individu déploie toutes ses potentialités et contribue efficacement à la prospérité collective. Le législateur et le magistrat sélectionnés parmi les meilleurs en vertus publics - instruction, courage et tempérance - doivent veiller à cela.


Michel KINVI