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Interview/31 mai 1957 et la marche vers l’indépendance du Togo/Seth Kluvia estime que : " ...l’histoire du Togo doit être réécrite de fond en comble"

Togo - Politique
Que savez-vous de la date du 31 mai 1957 dans l’histoire du Togo ? Je veux dire, l’histoire, celle-là que nous avons tous étudiée à l’école ou de nos recherches ? Vous serez rares à pouvoir nous donner une réponse fiable. Parce que l’histoire du Togo en elle-même n’est pas encore précise. Et le travail fait par la CVJR pour la réhabilitation de l’histoire du Togo ne prend en compte que la période 1958 à 2005. 1958, juste au lendemain des faits dont nous voulons vous parler aujourd’hui.

Cette date du 31 mai 1957 est en fait le départ de la marche du Togo vers l’indépendance de 1960. Alors que la France devrait hisser le drapeau de l’autonomisation du Togo dans le ciel, selon ce que nous racontent les anciens, et répondant à la tendance progressiste en présence des observateurs des Nations unies et les hauts dignitaires Français, trois Togolais ont vaillamment surgit pour arrêter le processus et déchirer ce drapeau en protestation pour dire que c’est de l’indépendance totale dont le Togo a besoin. 57 ans après nous sommes tombés sur un journal de cette période "le petit togolais libéré" qui nous indique ces noms : Komlangan Zunyetor, Nuworkpa Joseph et Lossah Gabriel comme étant les auteurs de cet acte de bravoure qui a ouvert la voie à l’indépendance du Togo en 1960. Et c’est Seth Matheli Kluvia de APED -Togo qui nous raconte ces faits qui se déroulaient à l’époque de son adolescence. Pour lui, ces hommes doivent être rehabilités et l’histoire du Togo réécrite de fond en comble.
pa-lunion.com : Monsieur Seth Mathéli Kluvia, bonjour !

Seth Mathéli Kluvia : Bonjour !

Seth Mathéli Kluvia: Vous êtes le directeur exécutif d’APED – Togo, vous avez un peu l’histoire du Togo, et vous vous rappelez certainement de cette date du 31 mai 1957, une date que, nous oublions dans l’histoire du Togo, mais qui relève du départ même de la question de l’indépendance du Togo. Trois Togolais ont déchiré le drapeau que les français devraient installer à l’époque. Est-ce que vous êtes d’accord avec nous que, ces Togolais sont totalement oubliés, ce qui ne devrait pas être le cas ?

Seth Mathéli Kluvia : Oui. Je dirai que ce sont les oubliés de l’histoire du Togo. Et avec eux, a disparu aussi tout un temps de notre histoire, parce que personne n’en parle, et je dirai que, un pays ou une société sans histoire, c’est un corps sans âme. Donc, je suis tout à fait d’accord pour dire que, ce sont les oubliés de l’histoire.

Leurs noms, Komlangan Zougnéto, Nouwokpa Joseph et Lossa Gabriel, comment pensez-vous, qu’à l’occasion de cette journée, le Togo devra rendre hommage à ces personnes ?


Seth Mathéli Kluvia : Moi, je ne connais pas les noms. Je prends connaissance de ces noms, parce que, les évènements se sont passés quand j’étais encore jeune garçon, ne connaissant pas encore Lomé. Mais l’histoire a fait le tour. Et nous avons tous appris cela, c’était devenu une légende, pour dire que, sans leur action, l’histoire du Togo aurait été différente. Nous n’aurions pas peut être parlé d’indépendance, on deviendrait peut être un département d’Outre-mer de la France.


Mais, que s’est-il passé en effet, à l’époque, le 31 mai 1957 ?


Seth Mathéli Kluvia : Je crois que l’histoire a commencé véritablement un 46. En 1946, après la deuxième guerre mondiale où les puissances engagées dans la guerre, surtout la France, avaient promis aux Africains que, s’ils l’aidaient dans la guerre, ils les émanciperaient. Mais le mot émancipé utilisé par la France a été apprécié diversement. Pour certains, émanciper veut dire indépendant. Pour d’autre, c’est gagner plus de considération, peut être assimilation, et enfin dans la tête des dirigeants français, c’est l’assimilation. Donc, après la guerre, les africains ont commencé par bouger. Des mouvements de la négritude ont vu le jour, et des nationalistes ont commencé à paraître d’abord au Togo. Il y a eu déjà un premier mouvement au Togo où le cercle d’amitié formé par la France en 1930, pour changer avec la période allemande, était transformé donc en mouvement politique, en mouvement de revendication politique, demandant clairement, une émancipation plus avancée, la réunification des deux territoires, une partie rattachée à la Gold Coast, l’autre demeurée sous tutelle de la France. Donc, le premier mouvement de cette association ou de ce mouvement nationaliste, était de vouloir réunir les deux territoires.

Mouvement conduit par Sylvanus Olympio?


Seth Mathéli Kluvia : Par Sylvanus Olympio effectivement, qui était le secrétaire général du Cercle d’amitié pour la France et qui a changé donc en 46 pour prendre la tête du mouvement nationaliste. La France par contre a incité d’autres togolais à créer un mouvement de position.

C’est ce qu’on appelait les progressistes ?


Seth Mathéli Kluvia : Les progressistes, le PTP, le Parti Togolais du Progrès qui sont d’accord avec la politique de l’assimilation prônée par la France, où les peuples africains seraient émancipés progressivement pour, peut être un jour se prendre en charge. Mais, ce jour là, n’a jamais été fixé. Il n’y avait pas de date butoir. Mais apparemment, c’est la position défendue par les progressistes que les Français allaient installés le 31 mai 1957 là, avant la déchirure du drapeau par ces trois Togolais.


Exactement ! La proclamation, l’installation de la république autonome du Togo, où un gouvernement avait été composé, avec à la tête un premier ministre togolais, et des ministres à la fois togolais et français. Donc, un gouvernement mixte, mais sous la responsabilité du gouverneur français. Donc, c’est ça ce qu’ils appellent, la république autonome qui devait progressivement donc nous amener à l’émancipation. Je ne mentionne pas le mot indépendance parce que ça n’avait pas du tout été à l’ordre du jour de tout le mouvement politique mené par le PTP. Donc, l’ONU même, en posant la question sur l’indépendance, demandait aux dirigeants du mouvement nationaliste, sous quelle puissance, si le Togo devenait indépendant, on aimerait se placer. Donc, vous voyez, la question même était biaisée au niveau de l’ONU. Et les progressistes eux, se disent bon, un pays africain ne pourrait pas devenir indépendant, c’est très tôt. Et qu’il faudrait passer par l’assimilation, où vous deviendraient tous des citoyens français, avec les mêmes droits, les mêmes devoirs. C’était un projet du Général De Gaul, jugé trop ambitieux et trop couteux qui n’avait pas reçu véritablement l’aval des institutions de la France. Mais l’idée quand même de l’émancipation était toujours là, soutenu par la France.


Est-ce que l’idée d’avant s’est arrêtée le jour là avec l’action de ces trois togolais, semble-il, qui ont déchiré le drapeau. Qu’est-ce qui s’est passé juste après avoir déchiré le drapeau.


Seth Mathéli Kluvia : Oui, lors de la cérémonie de montée de ce drapeau qui devrait consacrer la république autonome, il y avait les observateurs des Nations Unies. Le cas du Togo était particulier, parce que le Togo était sous mandat des Nations Unies, placée sous tutelle de la France. Donc, il faut qu’il y ait accord entre la France et les Nations Unies. Et la France a dit, voilà ce que les togolais ont choisi, c’est l’émancipation progressive. Hors, nous avions appris que, Olympio entre temps, avec le soutien financier de Papa Augustino De Souza, s’est rendu aux Nations Unies, pour dire que non, ce n’est pas ce qu’ils voulaient. Mais, marcher vers l’indépendance. Donc, il y a deux sons de cloche. C’est pourquoi les Nations Unies ont envoyé des observateurs à la cérémonie de levée du drapeau de la république autonome. Et si ce drapeau avait été monté, qu’il n’y avait pas eu d’incident, ce serait conclu entre la France et les Nations Unies que bon, le peuple a effectivement choisi ça. L’histoire du Togo aurait été différente. Donc, l’action de ces jeunes de la JUVENTO, qui ont eu le courage de braver les forces armées autour du drapeau, pour aller saisir ce drapeau, le déchiré, a montré aux deux observateurs que, ce que la France soutenait, n’était pas vrai. Le peuple a une autre aspiration.


Et c’était le début de la marche vers la véritable indépendance de 1960.

Seth Mathéli Kluvia : Voilà. Et c’est pourquoi, ils ont demandé à ce qu’il y ait un référendum sur la question.

Est-ce que vous pensez aujourd’hui que le Togo doit donner une place véritable à ces jeunes, chercher leurs vrais noms, ici, c’est le petit togolais libéré, un ancien journal qui paraissait trois jours avant le premier anniversaire, donc de cet évènement, qui nous donne le nom de ce jeune, je rappelle, Komlagan Zougnéto, Nouwokpa Joseph et Lossa Gabriel. Pensez-vous que la nation togolaise doit leur réserver une place importante ?


Seth Mathéli Kluvia : Oui. S’il n’y avait pas eu leur action, le cours de l’histoire du Togo aurait basculé. Parce que le projet d’assimilation progressive, n’avait pas de date buttoir. Donc, l’action de ces jeunes a provoqué un séisme dans la classe politique de l’époque, et a fait que le destin du Togo a changé. Cela a changé le destin des autres pays francophones qui étaient encore sous colonisation de la France. Le cas du Togo les a surpris. Ils se sont dits, mais, s’il y a une révolte généralisée dans les autres colonies, ça va coûter trop cher à la France. Donc, la France s’est dépêché d’accorder l’indépendance, à non plus à ces colonies, mais en signant des accords de coopération qui en fait, remettaient ces pays indépendants sous tutelle de la France.


Ma question demeure. Monsieur Kluvia, est-ce que vous pensez aujourd’hui que, Faure Gnassingbé ou les autorités actuelles doivent préserver une place prépondérante à ces jeunes ?

Seth Matéli Kluvia : La nation toute entière doit réhabiliter l’histoire. Ce que la CVJR a fait, c’est de 58, juste au lendemain de cet évènement. Or, sans cet évènement, il n’y aurait pas eu 1958. Donc, la réponse à votre question, c’est que, la nation toute entière doit ressusciter, réhabiliter l’histoire, pour que ces hommes, qui ont eu le courage de poser cet acte et d’autres personnes qui ont posé d’autres actes, ayant conduit à cette bravoure de ces jeunes, puissent être réhabilité, pour pouvoir comprendre même, d’où nous venons, car, sans ça, on serait comme un nénuphar et jamais un arbre ayant des racines.

Monsieur Seth Matéli Kluvia, merci.


Je vous en prie