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Refus insensé et abject des réformes politiques : Après les condamnations des USA et de la France, quelle pression sur Faure qui refuse le jeu démocratique ?

Togo - Politique
Ils n’ont pas manqué à la tradition. Ils ont encore dit des choses après que Faure Gnassingbé et « ses » députés ont refusé de limiter le nombre de mandats du président de la république et de modifier le mode de scrutin. Les ambassadeurs de France et d’Amérique ont « fait plaisir » aux Togolais en se prononçant, chacun à sa façon, sur l’attitude adoptée par le pouvoir de Lomé. L’opinion nationale est blasée de ces discours qui ne cachent pas la complicité passive avec un pouvoir qui refuse de jouer le jeu de la démocratie.
Comme à leur habitude

C’est M. Whitehead, ambassadeur des Etats-Unis au Togo, qui est le premier à se prononcer. A l’occasion de la célébration de la fête nationale de son pays, il a prononcé un discours de circonstances le jeudi 3 juillet. M. Whitehead a évoqué des sujets de sécurité, d’économie et aussi de politique. Avant d’annoncer le triple objectif du prochain sommet qui va rassembler le président Obama et des chefs d’Etat africains, le diplomate américain a déclaré sans ambages que le Togo a du pain sur la planche dans le processus de construction d’un véritable Etat de droit. « Il y a encore du travail à faire pour renforcer les institutions démocratiques au Togo » a-t-il indiqué, soulignant le chantier qui attend par exemple au plan de la justice : « nous nous félicitons de l’acceptation des réformes qui peuvent améliorer l’impartialité et l’efficacité du processus judiciaire ».

En outre, l’ambassadeur américain a exprimé sa déception et sa frustration devant les choix hasardeux et incompréhensibles du pouvoir togolais. Selon lui, Faure Gnassingbé et les siens font preuve d’une extrême lenteur dans la réalisation des promesses et engagements. Il a déclaré dans ce sens que « nous avons été encouragés par l’engagement déclaré du gouvernement togolais à réaliser les réformes constitutionnelles mais déçus qu’aucun progrès significatif n’ait été accompli ». Il est conscient que l’horizon ne promet rien à moins que les acteurs politiques se montrent capables « de flexibilité, de générosité et d’esprit de compromis ». Il esquisse alors quelques chantiers vitaux pour la démocratie togolaise : « nous espérons voir un plus grand succès pour les réformes institutionnelles toujours en jeu, y compris la recomposition de la CENI pour refléter plus exactement le paysage politique actuel, et la création d’un cadre dans lequel les élections locales peuvent se tenir ».

Dix jours plus tard, son homologue de la France est aussi monté au créneau, à la même occasion, c’est-à-dire celle de l’anniversaire de la fête nationale de son pays la France. Le discours de M. Warnery en fin de mission au Togo a le même contenu que celui de M. Whitehead, à peu de choses de près. Les sujets sont les mêmes : la coopération bilatérale, le développement du Togo et les problèmes politiques du pays. Certainement choqué par la manière par laquelle l’Etat Togolais a chassé le groupe français Accor de l’hôtel Sarakawa, M. l’ambassadeur a tissé un lien évident entre les hérésies de la justice et le progrès économique d’un pays. En effet, après avoir constaté qu’ « il reste beaucoup de choses à faire dans le domaine de la construction de l’Etat de droit », M. Warney a lâché une belle pique ; « il s’agit de la mise en place au profit des acteurs économiques d’un environnement transparent et prévisible sur les plans douaniers et fiscaux, la transparence des appels d’offres, le respect des arbitrages et enfin le bon fonctionnement de la justice dans le respect des textes et des droits de la personne et à l’exclusion de toute autre considération extrajuridique ». D’où la conclusion logique : « mieux vaut un bon appel d’offres qu’une mauvaise décision d’expulsion ».

Au plan strictement politique, M. Warnery n’a pas caché sa déception de voir que les promesses liées à l’organisation des élections locales n’ont pas été tenues ; Dans le même sens, il a manifesté sa surprise et son abasourdissement devant le vote de rejet des réformes politiques émis par les députés de Faure Gnassingbé le 30 juin dernier. « Et d’autant plus surpris de voir le 30 juin dernier, sous nos yeux incrédules, les députés de la majorité rejeter le projet de réformes constitutionnelles déposé par le gouvernement », a indiqué M. Warnery. Il clôt le sujet sur cette phrase presque de dépit : « Tout est donc, hélas, à recommencer ».

La CEDEAO aussi

Le 45ème sommet des pays membres de l’organisation politico-économique sous-régionale s’est tenue le 10 juillet dernier à Accra, Ghana. Au cours de ce sommet, les chefs d’Etat et de gouvernement présents ont abordé les questions de sécurité et de paix de même que sur les questions liées aux pratiques démocratiques dans la communauté. Selon le communiqué ayant sanctionné ce sommet, la démocratie est en bonne voie en Afrique de l’Ouest : « ils notent l’attachement de la communauté aux valeurs et à la pratique de la démocratie et de la bonne gouvernance qui a progressivement renforcé la culture démocratique dans les Etats membres et a permis de s’assurer que tous les Etats membres de la CEDEAO sont désormais dirigés par les gouvernements démocratiquement élus ».

Sur cette base, le sommet a tracé le cahier de charges que devront respecter les pays dans lesquels des élections sont attendues l’année prochaine. Le sommet des chefs d’Etat et de gouvernement a dès lors rappelé l’engagement de la CEDEAO «  à veiller à ce que les processus précédant et portant sur la tenue effective de ces élections soient libres, justes et crédibles, conformément aux principes de convergence constitutionnelle et d’élections démocratiques du protocole additionnel de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance et selon les normes acceptables sur le plan international ». Un véritable cahier de charges.

Quoi de concret ?

Les Togolais, qu’ils soient militants des forces politiques qui réclament l’alternance ou non, sont maintenant blasés par ces discours et ces communiqués ronflants. Ce n’est pas d’aujourd’hui que datent en effet ces prises de position ; ce n’est pas nouveau que des ambassadeurs accrédités au Togo expriment leur désaccord devant les choix politiques du pouvoir RPT devenu UNIR. Tout le monde sait qu’il n’est pas nouveau non plus que la CEDEAO réitère son engagement au respect des principes de démocratie et d’élections crédibles.

Pour l’essentiel, les Togolais et les observateurs savent que cela ne va pas plus loin que les gorges chaudes. Les souvenirs sont vivaces dans les mémoires et dans les chairs : l’Union européenne a multiplié les rapports de mission d’observation électorale ainsi que les déclarations de rappel à l’ordre, sans suite ; les Etats-Unis, par pudeur, se cachent dorénavant derrière le paravent au voile déchiré de la lutte contre le terrorisme et contre la piraterie maritime pour fournir des armes de guerre à Faure Gnassingbé et par ricochet se sont constitués en soutien de choix à la tyrannie héréditaire de Faure Gnassingbé. Que dire de la France de l’ambassadeur Warnery ? Les Togolais se souviennent encore de ces soldats français qui devraient venir secourir la démocratie au Togo en 1991 mais qui se sont retrouvés à Cotonou en tourisme sexuel imprévu. Depuis, la France de Chirac à Hollande en passant par Sarkozy a joué le jeu de l’hypocrisie diplomatique. Les intérêts sont passés avant toute autre considération.

La CEDEAO ? C’est le comble du ridicule. Cette CEDEAO fut la première à crier haro sur la succession dynastique de février 2005, mais ce fut elle encore qui a joué les entremetteurs pour le fils d’Eyadèma, implorant ici et là qu’on valide la honte et l’ignominie électorales de cette année pour installer le putschiste Faure Gnassingbé confortablement dans le fauteuil présidentiel. Cinq cents Togolais au bas mot en sont morts : peu leur en chaut ! C’est la même CEDEAO qui, aujourd’hui, a le toupet de dire que « tous les Etats membres sont désormais dirigés par des gouvernements démocratiquement élus ». Au-delà du ridicule de cette position, il faut bien se demander ce que cette CEDEAO peut faire contre MM. Compaoré et Faure Gnassingbé qui sont inflexibles sur la présidence à vie. La Gambie ne fait-elle plus partie de la CEDEAO ? On y comprend que ce sommet, comme les précédents, a produit des discours, rien de plus.

Si tant est que la communauté internationale continue de placer la démocratie au coeur de ses préoccupations, la CEDEAO, la France, les Etats-Unis et l’Union européenne doivent changer de fusil d’épaule et mettre la pression sur Faure. Pour l’instauration de l’état de droit et la bonne gouvernance au Togo, le jeu en vaut la chandelle.

Nima Zara