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Présidentielle 2015 et manoeuvres de conservation à vie du pouvoir : Faure refuse toutes réformes et brandit l’Armée

Togo - Politique
Faure Gnassingbé flairait-il un mauvais coup ? A-t-il besoin de sonder l’opinion des officiers des forces armées, Ou encore le chef de l’Etat recherche-t-il un soutien ou une protection qui lui manqueraient ? Ces questions ne sont pas impertinentes, elles s’imposent depuis que le fils d’Eyadèma multiplie les rencontres « foraines » avec la grande muette qui, au Togo, est tout sauf muette.
Rapport général et refondation
L’opinion nationale ainsi que les observateurs de la vie politique togolaise n’ont pas manqué de remarquer le fait. Faure Gnassingbé est très intéressé par les rencontres avec les officiers des armées alors qu’on peut observer sans grande peine que la même sollicitude ne va pas de soi quand il s’agit d’autres groupes organisés ou d’autres corps de métier.

Il y eut d’une part le grand rapport des forces armées togolaises présenté le 6 juin 2014. A cette rencontre improvisée, le chef de l’Etat aurait devisé avec ses hôtes sur la refondation des forces de défense et de sécurité. Des sources indépendantes informent que les invités à la table de Faure Gnassingbé auraient été convoyés d’urgence à Lomé dans des conditions souvent déplorables sans que beaucoup sussent d’ailleurs pourquoi ils se rendaient au lieudit.
Toujours est-il que, suite aux échanges entre les officiers et le chef suprême des armées, une déclaration a été lue au nom des FAT comme sanctionnant le grand rapport 2014. Cette déclaration est un panégyrique à l’endroit de Faure Gnassingbé puisqu’elle s’ouvre sur des propos laudateurs comme « depuis votre avènement à la magistrature suprême de notre pays le Togo, la paix, la sécurité, la réconciliation, le développement économique et social, la promotion de l’Etat de droit et des libertés publiques furent au cœur de votre politique afin de permettre aux Togolaises et aux Togolais de mieux vivre sur la terre de nos aïeux ». La déclaration évoque ensuite le projet de refondation des forces armées annoncé en décembre 2013 dans le discours à la nation pour en affirmer l’engagement des forces armées à aider Faure Gnassingbé à le mettre en œuvre. On y lit que « nous prenons la pleine mesure des changements que cela impose, aussi bien sur le plan des mentalités que sur celui des comportements et nous engageons à relever avec discipline et professionnalisme les défis qui s’y associent ».

Il se tient d’autre part quelques jours plus tard c’est-à-dire le 7 juillet au Camp RIT de Lomé une nouvelle rencontre dédiée spécifiquement à la refondation de l’armée. A cette rencontre, Faure Gnassingbé est revenu sur le sujet de la refondation qui réorganise les structures des armées avec l’objectif de les rendre plus efficaces sur le terrain. Selon les innovations, il est créé dorénavant deux régions militaires et deux régions de gendarmerie, Lomé et Kara, cinq secteurs militaires dotés de brigades d’intervention rapide suivant les cinq régions administratives du pays. Pour Faure Gnassingbé s’adressant à ses interlocuteurs, « la refondation est rendue nécessaire par l’évolution des menaces qui peuvent aussi atteindre notre pays et l’instabilité de nombreux pays d’Afrique ». En conséquence, le chef de l’Etat lance cet appel : « j’attends de vous et de vos chefs la rigueur et l’engagement sans faille » a-t-il indiqué avant de durcir le ton : « je serai sans aucune faiblesse pour tous ceux qui ne voudraient pas comprendre que notre pays a besoin de tous pour aller de l’avant ».

Réels besoins de refondation

On ne saurait rejeter sans se leurrer la nécessité d’une refondation des armées au Togo. Figurant au nombre des armées les plus politiques et les plus politisées du continent et du monde, les forces armées togolaises ont grand besoin d’une action de réformes etde refondation. Présentes en politique depuis 1963, les forces armées togolaises ont accumulé contre elles tellement d’impairs et de crimes qu’il est facile de crier « enfin » face à un projet de refondation ou de réformes.

Selon les observateurs, un tel projet s’impose dans le contexte togolais parce qu’il peut contribuer à rendre la politique aux politiciens et à l’armée sa mission régalienne et républicaine. Au Togo, c’est un secret de Polichinelle que le pouvoir en place est soutenu à bout de bras par une partie des haut gradés ; on n’ignore pas non plus que les FAT sont le lieu de pratiques absolument inimaginables qui ne favorisent pas un contexte serein de démocratie et d’Etat de droit. Beaucoup de haut gradés sont des militants du parti au pouvoir – certains ne se cachent même pas pour le faire – et les nominations ainsi que les promotions ne suivent pas toujours les règles spécifiques aux corps.

Bien d’observateurs notent généralement que les postes de décision et les postes sensibles sont le plus souvent confiés à des frères de tribu ou à des obligés qui ne peuvent pas faire autre chose que ce que le chef leur demande de f aire. Si l’on ajoute les conditions de vie et de travail des hommes de troupe et des agents de police ou de gendarmerie, si l’on soulève les conditions de recrutement dans les forces de défense surtout et par-dessus tout s’il faut relever que le chef de l’Etat, à l’instar de feu son père Gnassingbé Eyadèma distribue publiquement de l’argent aux soldats et à leurs chefs, ce qui est un signe de mauvaise pratique ambiante, on arrive très vite à la conclusion évidente que les forces de défense ont vraiment besoin de réformes et de refondation. Mais alors est-ce l’agenda de Faure Gnassingbé ?

Des soupçons fondés

En rencontrant les forces armées deux fois en l’espace d’un mois, Faure Gnassingbé a-t-il pour souci de créer les conditions d’une armée en laquelle les populations peuvent se reconnaître ? Rien ne le prouve ni ne le garantit.
A la deuxième rencontre, Faure Gnassingbé lui-même a levé le coin de voile sur ses motivations. Il a plutôt lié son projet à la question de piraterie maritime, de terrorisme et d’insécurité dans le monde et dans la sous-région. Il a clairement dit que « la réforme est rendue nécessaire par l’évolution des menaces qui peuvent aussi atteindre notre pays et l’instabilité de nombreux pays d’Afrique ». Question logique : est-ce que ces motivations suffisent pour empêcher les poissons de dormir par un projet de refondation des armées ? Autrement dit, la réforme annoncée repose sur des motivations extérieures et Faure Gnassingbé ne veut peut-être pas que des islamistes envahissent le Togo ou qu’ils y perpètrent des attentats. Remarque sèche : si les forces de défense de la France ou des Etats-Unis se révèlent impuissantes à empêcher les islamistes de frapper où et quand ils veulent, que peuvent faire les forces armées togolaises même quand elles seront réformées ou refondées ?

De plus, on a le sentiment que Faure Gnassingbé n’arrive pas à cerner vraiment lui-même les contours de ce qu’il veut faire. Au même moment où il évoque les « menaces qui peuvent aussi atteindre » le Togo, il s’autorise une menace alambiquée à l’endroit de ses interlocuteurs. Quel sens faut-il donner en vérité dans ce contexte à une déclaration du genre : « je serai sans aucune faiblesse pour tous ceux qui ne voudraient pas comprendre que notre pays a besoin de tous pour aller de l’avant » ? Quel rapport y a-t-il entre la piraterie maritime ou le terrorisme et le vivre-ensemble au Togo ?

C’est à ce niveau que surgissent les soupçons qui ne sont pas infondés. Pourquoi FAURE Gnassingbé a-t-il senti le besoin de durcir le ton et de menacer ainsi les haut gradés ? Quand on fait le tour des hypothèses, on se rend compte au bout que les rencontres avec les forces armées ont des non-dits et des sous-entendus. Sans admettre l’hypothèse de ces observateurs pour qui Faure Gnassingbé se rapproche des forces armées dans le but de se prémunir conte d’éventuels troubles socio-politiques aux conséquences insoupçonnables du fait du refus des réformes politiques dans la perspective de la présidentielle de 2015, on ne peut pas ne pas soutenir que les arguments de lutte contre la piraterie maritime et l’insécurité sous-régionale sont faux et que, au fond, il y a anguille sous roche.

Etant donné que ce sont les haut gradés qui ont remis à Faure Gnassingbé le pouvoir d’Etat le 5 février 2005, il est logique de croire qu’il est enthousiaste à resserrer ses rapports avec les forces armées afin de s’assurer leur caution. Peut-être le chef de l’Etat a-t-il eu vent de fissures dans l’édifice et il s’est hâté de parer au plus pressé en voyant et revoyant les hauts gradés et leurs troupes. Dans tous les cas, ces deux rencontres en l’espace d’un mois ont tout pour faire ouvrir de grands yeux à quiconque vu que le chef de l’Etat ne montre pas le même enthousiasme à rencontrer d’autres groupes organisés ou d’autres corps de métier.

Au surplus, dans un pays où la réalité du pouvoir est aux mains des hauts gradés, on comprend très vite tout ce qui peut tourner autour de rencontres assidues avec eux. Faure Gnassingbé n’a peut-être pas le choix s’il veut demeurer président jusqu’à la fin des temps.

Nima Zara