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Fin des travaux des Etats généraux…L’Administration publique togolaise en quête d’efficacité

LE REPUBLICAIN NUMERO 60 / DECEMBRE 2006
 Le mardi, 5 décembre 2006, le Chef du Gouvernement d’Union Nationale, Me Yawovi Agboyibo, a ouvert les travaux des états généraux de l’Administration Publique à l’Hôtel Corinthia 2 Février.
Selon Togo Presse, « des spécialistes, membres des centrales syndicales, du patronat et du pouvoir public réfléchissent depuis hier, dans le cadre des travaux des états généraux pour trouver des solutions idoines aux nombreux dysfonctionnements constatés dans l’administration publique togolaise ».
Puis dans son allocution d’ouverture, le Premier Ministre a déclaré :
« Depuis l’accession du Togo à la souveraineté internationale, notre administration a, certes, subi des réformes visant à la rendre plus performante. Mais force est de constater qu’à ce jour, elle demeure inefficace parce que caractérisée par une certaine lourdeur, une certaine lenteur et un laisser-aller inacceptable ».
Déjà, avant ces assises, Agbeyome Kodjo avait identifié les dysfonctionnements comme suit :
« … Ces dysfonctionnements se traduisent par le déclin de l’autorité de l’Etat, l’inefficacité de la fonction publique, l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques, l’isolement diplomatique de notre pays , le marasme économique et financier, la gestion patrimoniale et opaque des finances publiques. »
A l’issue des travaux qui ont pris fin samedi dernier, les participants ont pris « un train de mesures et résolutions comme des remèdes appropriés pour faire sortir l’administration du Togo de sa léthargie en la modernisant ».
L’administration publique au sein de laquelle évoluent des hommes et des femmes de tous les domaines du savoir est le plus gros employeur du Togo. Elle dispose de toutes les compétences nécessaires devant lui permettre de cerner et résoudre efficacement tous les problèmes auxquels le pays peut se trouver confronté. Pourquoi demeure–t-elle inefficace malgré les nombreuses réformes ?

Les experts et spécialistes qui ont participé aux états généraux ont certes, eu à rechercher des solutions aux divers maux qui gangrènent notre administration. En attendant que le gouvernement réagisse aux diverses recommandations il nous paraît opportun d’apporter notre contribution au débat d’inefficacité de cette importante machine de l’Etat togolais.
En effet l’administration publique est la plus grande organisation qui s’occupe des activités quotidiennes de tous les agents de l’Etat. Ses activités touchent tous les domaines et affectent la vie de tous les citoyens. L’administration publique est un phénomène aussi vieux que l’Etat. Elle est constituée par l’ensemble des structures et organisations ainsi que des individus qui les animent dans la formulation et la mise en œuvre des politiques et programmes et décisions publics.

Dans l’histoire du Togo on peut parler des administrations pré-coloniale, coloniale et post-indépendante de notre pays. Cette dernière est celle qui nous intéresse ; c’est celle dont les états généraux viennent de prendre fin. C’est l’ensemble de toutes les des structures crées par notre pays pour répondre aux besoins divers et variés des citoyens. Toute réflexion concernant l’efficacité de tout cet ensemble doit chercher à déterminer comment ces structures sont gérées et comment les hommes et les femmes qui y évoluent passent leurs temps et utilisent leurs compétences pour répondre aux objectifs et besoins de la société.
Depuis que l’armée est entrée dans la vie politique du Togo, elle a adopté un comportement qui a beaucoup affecté l’appareil administratif. Sous un prétexte fallacieux de remédier à un déséquilibre régional né de la colonisation, on a institué de nouvelles méthodes non orthodoxes qui ont engendré de sérieuses tares dans l’administration publique togolaise. Elles ont pour noms régionalisme, tribalisme, népotisme, favoritisme, lasser-aller et corruption. A propos de la corruption le feu président Eyadema avait déclaré lors de l’ouverture d’un congrès des agents de la fonction publique en octobre 1982 ce qui suit :
« Nous savons que dans l’étude des projets qui leur sont soumis, ce qui importe avant tout c’est l’intérêt personnel, leurs pots-de-vin, leurs commissions qu’ils vont recevoir des promoteurs d’une manière ou d’une autre. Ils ne se préoccupent pas de l’intérêt de la population ou de la rentabilité des projets ».
Les maux qui minent notre administration publique sont certainement les conséquences nocives d’une politique dictatoriale qui a fait du Togo, selon les termes de Kwassi Klutse, « un Etat au fonctionnement archaïque ».

Dès les premiers jours glorieux du parti unique, il suffisait d’être un bon militant pour prétendre à un bon poste de responsabilité au mépris de toute considération de compétence. Ce critère partisan s’est couplé du facteur de népotisme. Partout, on pouvait trouver des individus d’un même village ou d’une même région dans les départements ministériels depuis le poste de ministre jusqu’à celui de planton. Dans ces conditions, les responsables secondaires n’avaient pas d’autorité sur leurs agents qui étaient considérés comme des protégés. La hiérarchie n’est plus respectée. Les cousins étaient devenus des obstacles au bon fonctionnement des services au sein desquels ils évoluaient. Il fut un temps, les remaniements ministériels qui intervenaient sous la houlette du Rassemblement du Peuple Togolais avaient respecté et encouragé le régionalisme et le tribalisme. On avait tendance à remplacer un ministre issu d’une certaine région par un autre de la même région. Et chacun s’évertuait de s’entourer des siens.
Cette tendance se poursuit aujourd’hui dans plusieurs départements de l’administration de notre pays. C’est pour cela que le Premier Ministre Agboyibo en s’adressant aux députés du RPT a dit :
«Tous, nous éprouvons un besoin pressant de voir redonner à la fonction publique le goût de rendre aux citoyens des services plus performants ».
Tout le monde est conscient que les méthodes politiques du système en place ont vraiment gangrené l’administration publique.
Même à l’heure où nous luttons pour un certain renouveau, un peu de justice et d’équité, le clientélisme partisan se poursuit toujours à tous les niveaux. Ce qui est pitre c’est la grande corruption qui a cours dans toute l’administration publique togolaise. Les agents qui sont en contact direct avec le public monnaient leurs services.
Un laisser-aller s’est instauré. Il est le résultat d’un leadership d’indifférence à l’égard de la grande majorité des agents. Les responsables s’entourent de cousins et d’amis et négligent les autres agents.

L’absentéisme chronique qu’on constate dans l’administration est la conséquence du manque d’équité dans la gestion du personnel. Il existe des principes dans l’administration publique qui commandent le respect de l’ancienneté et des grades. Cependant, au Togo, les autorités qui se croient au-dessus des lois et principes, foulent tous ces principes au pied. De jeunes cadres qui finissent à peine leur stage reviennent diriger leurs supérieurs qui ont accumulé de l’expérience et possèdent des qualifications requises pour faire avancer les services. Au sein des départements c’est la règle de « Whom you know not what you know ». Ainsi des secrétaires et des attachés d’administration sont devenus les grands patrons qui font la pluie et le beau temps dans les services pendant que les cadres supérieurs passent la plupart de leur temps à gérer l’ennui et à lire les journaux qui se font d’ailleurs rares parce que enfermés dans les bureaux des patrons.

Les responsables oublient tout de la bonne pratique de gestion des hommes. Ils s’accrochent aux vieilles méthodes de la théorie X qui considère les agents comme des esclaves qui doivent nécessairement répondre aux ordres de leurs maîtres parce qu’ils sont payés.

La méthode partisane poussent les responsables à s’entourer de petits commis qui courent derrière eux tout le long de la journée. Ils négligent pratiquement tous les autres cadres. Graduellement ceux qui sont négligés et laissés pour compte dans les services s’inscrivent à l’école de l’absentéisme.. En effet, beaucoup d’agents voire des cadres supérieurs n’ont pas d’attributions précises dans leurs départements. Cet état de choses est une carence grave de gestion et de valorisation des ressources humaines. Certains agents et souvent les moins compétents mais bons militants sont submergés de dossiers alors que les autres passent le temps à tourner le pouce.

Depuis le déclenchement du processus de démocratisation qui a donné lieu à la grève générale illimitée de neuf mois au Togo, les phénomènes de laisser-aller et d’absentéisme se sont amplifiés. En effet, au sortir de la grève et une fois que le régime du RPT a reconquis la plénitude du pouvoir politique il a commencé a appliquer le principe biblique selon lequel Jésus Christ a dit à ses apôtres : « Celui qui n’est pas avec nous est contre nous » aux agents de l’administration publique. Notre administration continue de fonctionner sur des principes médiévaux. Les nominations se font sur des critères partisans et complaisants pour récompenser des amis et des cousins. On est prêt à sacrifier la compétence et l’efficacité pour des considérations politiques. C’est à ce titre que Agbeyome Kodjo , un ancien premier ministre et ancien président de l’assemblée du RPT, a déclaré :
« Dans la fonction publique fragilisée par la grève générale illimitée de 1992-1993, des fonctionnaires compétents, suspectés d’avoir soutenus le mouvement furent mis au placard, ce qui a entraîné une baisse de la qualité de l’encadrement. Des promotions ont été faites sur la base de critères partisans, ce qui exprime en partie l’inefficacité de l’action publique. Aujourd’hui, face aux besoins de cadres de notre pays, l’Etat est incapable de renouveler les compétences, laissant l’administration entre les mains de fonctionnaires temporaires souvent mal payés, sans moyens de travail et dont les qualifications méritent d’être renforcées. »
Tout ce qui précède peut expliquer la démotivation qui se manifeste au sain de l’administration publique et concourt à l’aggravation de inefficacité.
La motivation est un processus qui consiste à se servir de mesures incitatives pour stimuler les individus à agir dans l’intérêt de leurs organisations.

Les propos de Kodjo, un des grands stratèges du RPT et farouches défenseurs du régime, résument l’importance des travaux des états généraux. Il est temps pour que les Togolais posent sans complaisance le problème d’efficacité de notre administration publique devenue un « fourre tout ». Il est temps qu’on recherche des réponses aux pourquoi et comment de chacun des dysfonctionnements identifiés.
Les causes profondes se trouvent dans les méthodes politiques qui visent seulement à garantir la stabilité du régime par des pratiques nocives. En permettant à aux étudiants de l’Université de Lomé et de l’Ecole Nationale d’Administration de devenir les directeurs de leurs professeurs vacataires dans l’administration d’une part, en mettant les grands cadres compétents au placard tout en accordant des promotions par complaisance, le régime décourage et démotive les agents. L’efficacité est la fille de l’équité et de la motivation.
L’équité interroge la conscience de l’agent et le pousse à réagir positivement ou négativement selon le traitement qu’il reçoit dans son service. L’absence d’équité érigée en règle d’administration est l’une des tares de l’administration togolaise. Sans équité le relèvement des salaires ne pourra pas mettre fin aux frustrations qui engendrent la sclérose de l’appareil administratif

La politisation de tous les aspects de la vie empêche le progrès dans notre pays. Tous ceux qui se sont retrouvés au cours des états généraux ont bien posé les problèmes. La mise en œuvre des recommandations reste la clé du succès. Les autorités politiques ont fait de l’administration l’eldorado des bons liseurs de motions et des belles danseuses à qui elles ont confié des responsabilités sans tenir compte des compétences. Ces derniers dans leur orgueil et sous l’influence d’un complexe d’infériorité ont boudé les grands cadres compétents et ont rendu l’administration inefficace. Ils s’isolent dans leurs bureaux super climatisés et conduisent leurs services et tout le pays à la dérive.
Dépolitiser l’administration revient à la professionnaliser en mettant les hommes de la situation aux postes qu’il faut. L’administration ne saurait se dissocier de la politique qui constitue son environnement. Les administrateurs sont des agents d’exécution des décideurs politiques. La dépolitisation consiste à faire valoir la neutralité dans la mise en œuvre des politiques et programmes pour le bien-être de tous les citoyens.
La revalorisation des traitements et salaires, la révision de l’âge de départ à la retraite ne pourront rien faire pour restaurer l’efficacité de l’administration si les ressources humaines ne sont pas revalorisées. A quoi bon proroger le départ à la retraite si le régime doit continuer à garder les cadres compétents dans les placards sous forme de vengeance en leur infligeant des tortures psychologiques ?
Nul n’ignore que les grands postes de responsabilité ne sont pas nécessairement occupés par des hommes et des femmes qu’il faut. Dans l’environnement politique togolais actuel très susceptible ne va-t-on pas interpréter la mise en œuvre de certaines recommandations comme une chasse aux sorcières ? N’est-ce pas pour cela que le Ministre du Travail, de l’Emploi et de la Fonction Publique a promis aux participants aux états généraux l’engagement de gouvernement en ces termes :
« …Les autorités mettront tout en œuvre pour que le changement, souhaité par tous, devienne progressivement une réalité » ?
Espérons que nous avons tous compris que le changement doit signifier la restauration du système de mérite, la fin du tribalisme et du régionalisme, le triomphe du professionnalisme sur le népotisme et le favoritisme et l’éradication de la corruption dans l’administration.
Me Agboyibo a déclaré dans son discours programme :
« L’expérience a montré que nous devons tous nous départir du tribalisme »
C ‘est à ce prix et à ce prix seul qu’on parviendra à faire triompher l’efficacité et l’efficience sur la médiocrité et la léthargie. Le changement doit en bref, signifier une nouvelle approche beaucoup plus humaine et professionnelle de la gestion des affaires de la nation togolaise comme l’a conseillé le Premier Ministre Agbeyome Kodjo :
« Il faut que notre façon de gouverner change, car le monde de 1963 ou de 1967 n’est pas celui dans lequel nous vivons aujourd’hui. Il nous faut réinventer de nouvelles méthodes de gestion de la cité qui libèrent les énergies, qui récompensent les efforts et accordent une place au mérite ».
Il apparaît donc que le changement tant souhaité par tous ne saura s’opérer sans la volonté politique de ceux qui ont pris le pays en otage depuis des décennies. Les maux étant engendrés par une politique des temps révolus, leurs solutions doivent également provenir des sphères politiques. La lutte reste entière et les forces de changement ne doivent pas se tromper de cible. La Lutte Continue !

Kindheart AVULETE