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Le Sahel est-il devenu le nouvel Afghanistan?

Togo - Opinions
Gaëtan Gbati ZOUMARO
Kidal, Gao, Tombouctou…. L’une après l’autre les villes du nord Malien tombent aux mains des rebelles Touaregs d’une part et salafistes d’autre part. Ils viennent d’ailleurs de proclamer unilatéralement l’indépendance de l’Azawad. Au fur et à mesure que ces rebelles avancent vers le sud, l’inquiétude et même la peur grandissent à Bamako, et pour cause….

La junte militaire qui a pris le pouvoir depuis le 22 mars 2012 en prenant comme prétexte la mauvaise gestion de la crise au nord du pays par le Président Amadou Toumani Touré se montre elle-même parfaitement incapable de stopper l’avancée des rebelles. Elle en est maintenant réduite à supplier la société civile et la classe politique de venir à son secours. La France qui depuis le début de la rébellion en janvier 2012 n’a fait que jeter l’huile sur le feu commence à inciter ses ressortissants à quitter le pays. Evidemment, les populations maliennes elles, peuvent crever. Quant à la CEDEAO, elle en est encore au stade de déclarations tonitruantes et de l’instauration d’un embargo complètement surréaliste accompagné d’un envoi d’une ridicule troupe de…2000 hommes! L’ONU enfin, qui demande à la junte militaire de retourner dans les casernes, ne cache pas ses divisions ; la Russie et la Chine accusant la France, la Grande Bretagne et les Etats-Unis d’avoir ouvert la boite de Pandore en intervenant en Libye pour faire chuter le régime de Kadhafi.

Pourtant, malgré cet imbroglio mélodramatique, on commence par y voir de plus en plus clair quant aux composantes de la rébellion et cela n’a rien de rassurant.

Le MNLA
La branche la plus connue et peut-être aussi la plus représentative est le Mouvement National pour la libération de l’Azawad (MNLA). Territoire situé dans le Sahel et englobant aussi bien de grandes villes comme Kidal, Gao et Tombouctou que des localités plus petites comme Aguelhok ou Tessalit, l’Azawad est une vaste region désertique de près de 80.000km² peuplé de Touaregs encore surnommés hommes bleus du désert. C’est donc ce territoire que revendique le MNLA qui veut en faire un pays indépendant au de l’aspiration de chaque peuple à l’autodétermination.




Ce mouvement est essentiellement composé de gens qui n’ont jamais accepté qu’à l’indépendance du Mali, les Touaregs et les populations du Sud aient été regroupés dans un même pays. Il est dirigé par Mohammed Ag Najim, un ancien officier de l’Armée Libyenne, proche de Kadhafi. Né au Mali, dans la zone proche de Kidal Mohammed Ag Najim a émigré en Libye à la mort de son père tué par l’armée Malienne dans les années 50. Son père menait déjà le combat pour l’indépendance de l’Azawad! Dans son pays d’accueil, le jeune Ag Najim intègre l’armée ou il fera carrière au coté d’un certain Abdhalla Al Senoussi, l’ex numero deux du régime Kadhafi. (C’est d’ailleurs lui qui a récupéré et protégé Senoussi pendant 4 mois après la chute de Kadhafi avant que celui ne se fasse finalement arrêté en Mauritanie !)
Ag Najim regagne donc le Mali avec armes et bagages après la chute de Kadhafi entreprend la réorganisation et le réarmement du mouvement Touareg. Il est rejoint dans son combat par nombre d’officiers Maliens d’origine Touareg comme le lieutenant-colonel Mbarek Ag Akly, le colonel Iba Ag Moussa ou encore le colonel Assalat Ag Habbi. Mais c’est surtout le ralliement du Colonel El Hadji Gamou, chef d’etat major adjoint de l’armée Malienne qui a été un coup dur pour Bamako.
Le MNLA affirme être un mouvement laïc sans aucun agenda religieux. Il prétend ne combattre que pour l’auto-determination des Touareg dans un Azawad libre et démocratique où les droits de l’homme et l’égalité entre l’homme et la femme seront respectés.

Ansar dine
Il y a ensuite Ansar dine, un mouvement islamiste, allié objectif du MNLA (puisqu’ils gèrent aujourd’hui Tombouctou ensemble) et qui a comme objectif de faire du Mali un Etat islamiste régit par la Sharia. Ansar dine ne cherche pas l’indépendance et encore moins la partition du pays. Pour son leader Iyad Ag Ghali, plus le Mali sera vaste, le futur Etat Islamiste sera fort! Le mouvement est essentiellement composé de salafistes adeptent du wahhabisme, réligion d’Etat de l’Arabie Saoudite. Bon nombre de combattants d’Ansar dine ont d’ailleurs été formé dans les mosqués d’Ararie Saoudite.

Ces fous de Dieu ont déjà annoncé les couleurs à Tombouctou en imposant le port des Burqua et autres Nikab aux femmes et décrétant que les voleurs auront désormais la main coupée!
Parmi les combattants d’Ansar dine, on compte aussi bien des Maliens que des Nigériens, des Somaliens, des Soudanais, ou encore des Nigérians, tous avec le même objectif, l’instauration d’un Califat et de la Sharia dans la sous région Ouest-Afrircaine.

AQMI
La dernière composante de poids dans cette rébellion est AQMI : Al Qaida au Magrheb Islamique. Ce mouvement n’est autre que la branche Africaine de la nébuleuse d’Oussama Ben Laden. C’est lui qui fut responsable de la prise en otage des employés d’Aréva au Niger parmi lesquels figurait un Togolais. Ce mouvement dirigé depuis 2004 par l’Algérien Abdelmalek Droukdel figure en bonne place sur la liste des mouvements terroristes et ne recule devant rien pour semer la terreur. Même si Abou Zeid, Mokhtar Belmokhtar et Yahya Abou al-Hammam , les fideles lieutenants de Droukdel ont été signalé à Tombouctou, AQMI fait pour le moment profile bas mais compte évidemment sur la désorganisation du Sahel pour en faire un nouveau centre d’opération. Depuis la mort de Ben Laden, plus aucune raison ne justifie que l’Afghanistan et le Pakistan restent l’épicentre du mouvement. Déjà, l’Azawad devient de plus en plus un passage obligé des narcotrafiquants Sud-américains, grand financier du terrorisme international!

Inquiétude pour la sous région
Toutes ces évolutions sont extrêmement inquiétantes pour une Afrique sub-saharienne pauvre, mal équipée et mal gouvernée. Le risque de contagion est très élevé.
Le Niger a beaucoup de mal à contenir sa propre rébellion Touaregue dont le chef Aghali Ag Alambo (lui aussi ancien combattant de Kadhafi) est actuellement en prison à Niamey.
Au Nigeria le péril islamiste est incarné par Boko Haram qui ne cesse de perpétrer de lâches attentats. Et rien ne dit que les barbus vont s’arrêter en si bon chemin. Le Burkina, le Benin et le Togo pourraient rapidement devenir les prochaines cibles si rien n’est fait pour arrêter cette déferlante.
Malheureusement, les Institutions Africaines qui devraient se pencher sur cette menace imminente sont dirigés par de grands poltrons absolument incapables de la moindre initiative.
A la tête de la CEDEAO, Alassane Dramane Ouattara n’a pas été fichu d’atterrir à Bamako pour discuter de la marche à suivre. Il a fait faire demi-tour à son avion qui s’y rendait dès qu’il a appris que quelques centaines d’individus manifestaient à l’aéroport de Bamako. Ce n’est donc pas de ce trouillard que viendra le salut.
Quand a l’UA, la bataille entre Jean Ping et son éventuel successeur n’est toujours pas réglé. Alors, pour empêcher le sahel de devenir l’Afghanistan, il faudra un miracle…


Gaëtan Gbati ZOUMARO
Coordinateur du CRI-TD
Rotterdam
[email protected]