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Fini le capitaine, vive le président !

Togo - Opinions
David Kpelly
Le nationalisme est une maladie infantile, c’est la rougeole de l’humanité. Albert Einstein

Une ville. Deux. Trois. Le Mali, tel une forteresse de sable, s’effrite au jour le jour, sous le triomphe des rebelles et des islamistes. Tout se joue comme le drame de la ville biblique de Jéricho, dont les murs s’étaient écroulés sous les coups de trompette des israélites. L’armée malienne ne combat plus. Elle n’a plus les moyens, ni la volonté. Elle n’a, d’ailleurs, jamais eu les moyens de combattre. Et les rebelles et islamistes, en terres conquises, plantent leurs drapeaux, s’apprêtant à proclamer soit leur indépendance, soit leurs idéologies extrémistes avec l’instauration de la Charia. Les narcotrafiquants et autres brigands, profitant de l’aubaine, pillent boutiques, banques et maisons dans toutes les villes ravagées, violentent et violent tout ce qui passe par leur voie. Que c’est triste, un si grand pays qui tombe si facilement entre les mains de la barbarie !
Bamako assiste à la destruction, quartier après quartier, ville après ville, région après région du Mali. Bamako d’un groupe de militaires rancuniers, revanchards, aigris, lâches. Bamako d’un groupe d’hommes politiques plus que jamais hypocrites, opportunistes, louches. Bamako d’un groupe d’intellectuels amorphes, verbeux, orgueilleux, fourbes. Bamako d’une société civile instrumentalisée, perdue dans les dédales d’une tour qu’elle ne maîtrise pas, qu’elle est encore trop analphabète, encore trop naïve, encore trop émotive à maitriser, la démocratie. La démocratie ! Voilà l’autel sur lequel Bamako et ses forces, ses suffisances et insuffisances vont sacrifier le Mali !

Mon capitaine, comment redresse-t-on une démocratie dans un pays sans armée en guerre, vous finirez par nous le dire quand le Mali, tout le Mali dont Bamako, aura basculé entre les mains des islamistes. Pendant que, pour vous relooker, vous vous obstinez à changer la vieille tenue militaire froissée dans laquelle on vous a vu apparaître, pour la première fois, à la télé par des tenues plus présentables, pendant que vous vous battez contre votre voix trop mécanique que vous essayez de rendre plus rassurante, plus mielleuse, pendant qu’on vous fait réciter ce que vous devez dire devant les médias, et avaler ce que vous ne devez pas dire, pendant qu’on vous apprend à répéter les mots démocratie et peuple le long de tous vos discours, mon capitaine, les rebelles dont le combat a motivé votre prise du pouvoir ont fini de libérer toute la partie du Mali qu’ils jugent la leur. Les islamistes plantent leurs drapeaux dans toutes les villes du Nord de ce Mali que vous continuez, cynique, à proclamer un et indivisible dans vos discours. Les trafiquants de drogue et autres délinquants pillent toutes les banques, boutiques et maisons.
Mon capitaine, pendant que des intellectuels profitant toujours du chaos dans nos pays pour se mettre en vedette, personne ne reconnaissant leur génie nulle part ailleurs, et des hommes politiques ennemis déclarés ou sournois d’Amadou Toumani Touré se réjouissant plus de la chute de leur adversaire que de cette démocratie que vous prétendez avoir sauvée, vous poussent à tenir tête à la Cedeao et à la communauté internationale, au nom de la démocratie malienne, vous faisant penser, croire que le Mali n’a pas de leçon de démocratie à recevoir de la Cedeao, diabolisant sous vos yeux tous les chefs d’Etat de la sous-région, de Blaise Compaoré à Alassane Ouattara, en passant par Yayi Boni, pendant, donc, que les langues mielleuses et opportunistes de ces serpents attisent en vous à une flamme de nationalisme qui vous pousse à défier toutes les sanctions de la communauté internationale, au Nord de ce pays que vous aviez prétendu défendre, des barbus cocaïnés et bourrés de viagra et autres stimulants violent à ciel ouvert de petites vierges, sous les yeux impuissants et terrorisés de leurs parents. Des délinquants déshabillent et humilient des femmes mariées devant leurs maris frappés et dépouillés de tous leurs biens. Des milliers et des milliers de Maliens, affamés, angoissés, désespérés, cherchent, en vain, une main salvatrice, n’importe laquelle, pour les libérer de cette horreur dont jamais ils n’ont été témoins. Pendant que, pour émouvoir les masses analphabètes et revanchardes qui vous soutiennent dans votre forfait, vous déclarez vouloir poursuivre le président déchu pour malversation et haute trahison, des fils et filles de ce Mali où vous comptez instaurer votre démocratie redressée sont terrés chez eux, manquant depuis une semaine de vivres, d’eau et d’électricité, forcés de suivre les démonstrations de violences auxquelles se livrent les rebelles et les islamistes.

Mon capitaine, pendant que vous accrochez votre photo dans votre bureau, au nom de la démocratie redressée, pendant que vous demandez à vos adulateurs de vous chanter des louanges au nom de la démocratie redressée, pendant qu’assis dans votre salon de nouveau chef d’Etat vous savourez les messages de soutien de vos admirateurs, pendant que vous et vos collègues, qui devez normalement être au front, sillonnez la sous-région pour négocier votre maintien au pouvoir… à Gao, à Kidal, et à Tombouctou, de pauvres commerçants endettés assistent en larmes à la destruction de leurs boutiques, l’ouvrage de toute leur vie. Allez leur expliquer votre démocratie redressée. Allez, mon capitaine, avec les intellectuels et hommes politiques qui vous soutiennent, expliquer à ces filles violées et en larmes que c’est au nom du nationalisme malien que vous les avez abandonnées aux envahisseurs. Allez expliquer à ces jeunes hommes du Nord, qui dans un sursaut d’orgueil se font tuer, les mains vides, en essayant de défendre leurs villes, que c’est pour redresser la démocratie malienne que vous bloquez l’aide de la communauté internationale. Allez, au nom de la démocratie redressée, expliquer à ces maris blessés qui ont vu leurs femmes violées qu’ils n’ont pas été sauvés parce que le Mali n’a pas de leçon de démocratie à recevoir de la Cedeao, que Blaise Compaoré est l’assassin de Thomas Sankara, qu’Alassane Ouattara est un rebelle, que Yayi Boni est un voleur d’élections, donc incapables d’aider le Mali à sortir de cette impasse jamais connue de son histoire.

Mon capitaine, sachez-le, vous et vos intellectuels, hommes politiques et autres lecteurs de messages de soutien, qu’il est très facile, trop facile de pérorer démocratie redressée et nationalisme quand on sillonne les salles de conférence de Bamako à l’abri des rebelles et des islamistes, quand on est sous les sunlights, et qu’on est sûr de retrouver sa famille saine et sauve en rentrant chez soi. Il y a juste une quinzaine de jours vous vous enflammiez contre Amadou Toumani Touré qui vous exposait aux rebelles sans vous armer, et déjà vous aussi vous ignorez tous ces Maliennes et Maliens du Nord exposés, sans la moindre défense, aux rebelles, islamistes et brigands. Leurs cris ne vous sont désormais que des échos très lointains. Vous vous êtes déjà embourgeoisé, comme… ATT. Vous êtes occupé à redresser la démocratie – et à placer votre photo dans votre bureau. Dans ce Mali qui coule sous vos commandes. Ah, la démocratie ! Cette démocratie-là, mon capitaine, euh mon président !