Vous etes sur la version ARCHIVES. Cliquez ici pour afficher la nouvelle version de iciLome.com
 5:09:34 PM Jeudi, 18 Avril 2024 | 
Actualité  |  Immobilier  |  Annonces classées  |  Forums  |  Annuaire  |  Videos  |  Photos 


Heureux dénouement de la présidentielle au Sénégal : Le scrutin à deux tours, pour la vérité et la justice électorale

Togo - Opinions
Nima Zara
Ils sont à coup sûrs très nombreux les opposants togolais à envier le sort de Macky Sall. Disciple hier, adversaire puis président de la république après avoir battu à plate couture son « patron » d’hier. Mais ces opposants savent qu’il ne peut en être ainsi dans leur pays parce que le contexte est très différent. Comment cela peut-il se faire que des disciples dissidents deviennent présidents par la volonté des électeurs ? Ce sont les leçons de la présidentielle sénégalaise que le Togo a intérêt à retenir et à apprendre.

Un dénouement heureux
Au Sénégal, tout le monde s’accorde à reconnaître qu’il y a eu plus de peur que de mal. Vu les frayeurs données par les velléités de Wade à conserver le pouvoir avant le premier tour et après, on se demandait si l’avocat président n’allait pas céder à la tentation de recourir aux méthodes de ses collègues habitués à confisquer le vote des électeurs. On avait également peur que, le premier tour ayant révélé la banqueroute garantie au sortant, le second ne bascule dans la violence et dans le désordre.

Rien de tout cela. En lieu et place de toutes les peurs qu’on a pu imaginer, le Sénégal a envoyé au monde et à l’Afrique. Un scrutin correct, un dépouillement sans heurt, et avant tout cela, une campagne électorale où chacun s’est occupé de ses oignons, le décor est bien planté pour faire du Sénégal un véritable point d’orgue de la démocratie sur le continent. Sans devoir parler de maturité, comme beaucoup, il faut simplement dire que le Sénégal a démontré que tous les Africains sont capables de jouer le jeu de la démocratie, pourvu qu’ils le veuillent bien.

Démocrate, malgré tout
Le principal artisan de ce miracle sénégalais, c’est le président sortant. Me Wade a donné des sueurs froides à toute l’Afrique lorsqu’il a insisté pour être candidat une troisième fois. Les mêmes sueurs froides ont été senties lorsqu’il avait tenté de modifier le code électoral de façon à faire proclamer vainqueur le candidat qui arrivait en tête au premier tour si celui-ci rassemble au moins 25% des suffrages. On a cru, à raison, à l’époque, que le chantre du Sopi a appris la vilaine leçon de ses collègues présidents qui ne perdent jamais les élections. On a pensé que le président sénégalais voudrait faire des textes qui garantissent sa victoire sans péril et son triomphe sans gloire.

Malheureusement, ou heureusement, c’est selon le point de vue, les acteurs politiques et les populations partisans de l’alternance ont réussi à faire reculer le président Wade. Ce dernier s’est retrouvé alors dans la situation où il fallait se résoudre à jouer franc jeu et à se soumettre à la volonté des électeurs. A l’instar de tous les autres présidents qui ne savent pas quand il faut quitter le pouvoir, Me Wade croyait dur comme fer que les Sénégalais étaient encore avec lui. Les répressions parfois violentes des manifestations destinées à faire obstacle à sa candidature ou à en condamner la validation par le Conseil constitutionnel se justifiaient par ceci que le président était sûr que ces manifestations n’étaient pas du goût des Sénégalais, que c’était ses adversaires qui avaient peur de l’élection qui agitaient les eaux.

Les résultats du premier tour ont montré que c’est plutôt le président candidat qui s’était trompé de jugement. Bien qu’il soit arrivé en tête, ses 37% signifiaient du coup une défaite probable au tour suivant, le rassemblement des adversaires étant presque une certitude. Entre les deux tours, la campagne humble et assidue du président sortant a révélé qu’il avait pris conscience du danger. Que n’a-t-il pas fait pour tenter de renverser en sa faveur la situation ? Me Wade est allé jusqu’à promettre aux électeurs qu’il fera seulement trois ans sur les cinq, s’ils les lui donnaient. Ses complaintes n’ont ému personne, sa bonne foi non plus.

En faisant tout cela, en posant tous les actes qui ont fait penser que Me Wade allait prendre une place dans le mauvais livre des présidents traficoteurs, le président sortant n’a pas oublié que, douze années en arrière, il était dans la même position que ses adversaires d’aujourd’hui. Me Wade s’est souvenu que si Abdou Diouf qui en avait les moyens, n’avait pas fait profil bas et reconnu sa défaite en l’an 200, il ne serait jamais devenu président. Dès lors, on peut dire que Me Wade a réservé la surprise du chef, pour la fin. Le coup de fil du dimanche 25 mars à 21 heures 30 GMT résonne comme un acte de grand homme. Me Wade est rentré dans l’histoire par la grande porte. Le Ciel est témoin que très peu de présidents sur ce continent sont capables de ce bon sens et de cette humilité. Sans qu’on ait en possession les résultats définitifs, Me Wade a coupé court à toutes les supputations et à toute épreuve de nerfs en félicitant son adversaire nettement en tête selon les chiffres sortis des urnes.

L’Afrique se porterait mieux si dans tous les pays les présidents sortants faisaient autant. Le Togo serait un autre pays aujourd’hui si en 1998 déjà, feu Eyadèma avait eu cette élégance. Le Gabon se porterait mieux encore si les Bongo reconnaissaient leurs défaites électorales, le Zimbabwe ne serait pas un trou de pauvreté si Mugabe s’était retiré suite à la victoire de l’opposant Morgan Tsvangirai.

Scrutin à deux tours : scrutin de justice
Au-delà de l’élégance démocratique de Me Wade, le Sénégal montre une fois encore que le scrutin uninominal à deux tours est plus juste et plus représentatif de la volonté populaire. Ce serait un scrutin à un tour que Me Wade aurait été encore imposé aux Sénégalais alors que près de 65% n’en voulaient plus. Avec ses 37% du premier tour, il aurait été proclamé vainqueur contre la volonté de toute la masse de citoyens qui attendaient le second tour pour lui dire qu’ils ne veulent pas de lui.

Depuis la révision constitutionnelle fantaisiste du 32 décembre 2002, le Togo subit le scrutin à un tour et les héritiers politiques de feu Eyadèma soutiennent que le tour unique n’est pas moins démocratique. Ils avancent pêle-mêle les arguments selon lesquels Sylvanus Olympio aussi avait fait voter un scrutin à un tour, qu’aux Etats-Unis également, c’est le mode de scrutin à un tour qui est pratiqué.

Tous ces arguments peuvent être valables mais ils ne suffiront pas pour évacuer la vérité selon laquelle le système RPT du temps de feu Eyadèma a fait le choix du tour unique parce qu’il est sûr qu’il est vomi par le peuple togolais. Pour cela, il connaîtrait une banqueroute innommable si les électeurs devraient avoir à choisir entre le candidat du système et celui des forces démocratiques à un second tour. Des sources crédibles rapportent même qu’en toile de fond au tripatouillage impudique de 1998, il y avait cette phrase de feu Eyadèma : « je ne veux pas de second tour ».

L’expérience sénégalaise finit d’apporter la preuve que le scrutin à deux tours est le plus juste et le plus démocratique. Il a le mérite de permettre aux électeurs d’affiner leur choix du premier tour, ainsi qu’on choisit par élimination, ou qu’on fait des recherches avancées sur internet en donnant des précisions sur le sujet de recherche. Après la présidentielle au Sénégal, la preuve est faite que tout système politique qui n’a pas peur du jeu démocratique doit aller au scrutin à deux tours sans faire de caprices ni d’intrigues puériles. Au Togo, les forces démocratiques n’ont jamais fait de mystère sur leur préférence au scrutin à deux tours, le Sénégal doit logiquement renforcer leur position et leur position. Quant au pouvoir de Faure Gnassingbé, non seulement il ne doit pas oublier qu’il est très curieux qu’il gagne la présidentielle avec 60% des suffrages et malgré cela refuser un scrutin à deux tours, mais aussi il n’aura plus de raison valable et pertinente pour s’y opposer.

Une opposition mobilisée
Me Wade aurait pu s’imposer s’il a trouvé dans l’opposition des politiciens capables de sacrifier l’intérêt général sur l’autel de leurs ambitions personnelles. Il suffisait par exemple qu’il y ait eu des candidats de l’opposition qui, ne voulant pas que Macky Sall soit président, si eux ne peuvent l’être, et qu’ils se rallient au président Wade que le second tour aurait été plus discuté ? Si ces éventuels transhumants rassemblaient quelque chose comme 20%, la balance du second tour aurait pu pencher d’un autre côté. Mais il n’en a pas été ainsi. Raison essentielle : l’opposition est restée unie et mobilisée.

L’opposition togolaise est-elle capable d’une telle mobilisation et unité ? Si la situation se présentait au Togo, est-ce que tous les responsables politiques auront le bon sens de comprendre que l’adversaire commun est le président sortant ? N’ y aura-t-il pas de gens qui voudraient empêcher leurs collègues de devenir présidents, si ce n’est pas eux-mêmes ? Plusieurs situations sont arrivées où l’opposition togolaise a fait prévaloir les intérêts individuels au lieu de voir d’abord l’essentiel. Tous les observateurs s’accordent à reconnaître que l’exemple de la mobilisation de l’opposition sénégalaise qui a fait partir Me Wade va les inspirer. C’est la dernière leçon sénégalaise pour le Togo.

Nima Zara

Le Correcteur