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Ecrasons le putsch, pas la France !

Togo - Opinions
David Kpelly
Une semaine après le coup d’Etat perpétré contre leur démocratie de deux décennies, des Maliens ont marché à Bamako ce mercredi. Ils ont marché pour exprimer leur soutien aux militaires putschistes. Une réponse à leurs concitoyens qui ont manifesté il y a quelques jours pour dénoncer le coup d’Etat et exiger le retour à l’ordre constitutionnel.

Le grand nombre des manifestants pro-putschistes contrastait étrangement avec la froideur avec laquelle les Maliens avaient accueilli le putsch il y a une semaine. Un observateur de cette crise depuis son début se demanderait comment tout ce grand groupe a subitement commencé à approuver le coup d’Etat. La réponse, au-delà des déclarations et des devises des manifestants, se lisait sur les pancartes à travers les slogans, A bas la France, Nous ne voulons pas de l’ingérence de la France dans nos affaires, A bas la Cedeao, A bas Sarkozy… La plupart des manifestants, plus qu’ils ne soutenaient le putsch, dénonçaient l’acharnement de la France et de ses alliés contre la junte militaire putschiste. Et comme la France s’acharne contre la junte, il faut défendre cette dernière, au nom de la revanche des Africains sur l’ancienne puissance colonisatrice, au nom de la fierté et de l’honneur de l’Afrique. Non, donc, à l’ingérence de la France dans les affaires africaines, quitte à sacrifier une démocratie de vingt ans.

Du coup, pour la plus grande partie des défenseurs des putschistes, tous les alliés de la France dans la crise malienne sont subitement devenus des ennemis du Mali, des ennemis de la junte bienfaitrice qui est là pour redresser la démocratie. A bas la Cedeao, A bas l’Union africaine, A bas l’Uemoa… Tous les chefs d’Etat de la Cedeao, toutes les institutions internationales, tous les organismes non gouvernementaux qui aidaient le Mali, tous les partenaires, toutes les banques… sont devenus des ennemis du Mali, juste parce qu’ils ont adopté la même position que la France vis-à-vis du putsch. Cette France qui protégeait Amadou Toumani Touré, disent-ils, et qui voulait le maintenir au pouvoir pour continuer à piller le Mali.

La France, ah, la France et nous ! Si elle n’avait pas existé, cette France-là, il aurait fallu l’inventer pour que nous puissions exister, nous. Bizarre, cette force que nous avons à retrouver ce pays partout où nous nous retrouvons face à notre destin, cette foi que nous avons, que nous nourrissons au jour le jour, au rythme de nos paresses, de nos échecs et de nos déceptions, que ce pays a toujours quelque chose à voir avec la marche de notre continent. La France est désormais devenue ce fantôme que nous voyons dans tous nos cauchemars. La France esclavagiste, colonisatrice, néocolonialiste… est désormais devenue le guide de notre destin, et qui peut, juste d’un petit geste de la main, changer nos convictions les plus profondes.
Justifier ce putsch par le laxisme du président Amadou Toumani Touré dans sa gestion de la rébellion touareg – Dieu seul sait qu’il a vraiment été laxiste dans cette affaire, ou sa gestion catastrophique du Mali devenu l’un des pays les plus corrompus d’Afrique noire, n’est que pure logique. Mais soutenir ce groupe de militaires sans grades qui n’ont jusqu’ici présenté à la population aucun programme de lutte contre la rébellion, aucune mesure de sécurisation du pays, aucun programme de transition… soutenir donc ce groupe de mutins opportunistes juste parce que la France s’oppose à eux est de la démence, de la pure imbécilité. Ce n’est pas du patriotisme, mais du chauvinisme, un chauvinisme de sot. Un chauvinisme analphabète et idiot.

Il est temps que nous comprenions, Africains, que tant que nous ne cesserons pas de mettre la France là où elle ne doit jamais être, nous passerons tout notre temps à être les éternels damnés de la terre, regardant les autres évoluer avec cette aigreur qui se lit toujours dans le regard de ceux qui ne peuvent jamais rien réussir, et qui expliquent toujours leur échec par les autres. Et justement, là où la France ne doit pas être, c’est la première place de nos préoccupations. Là où nous l’avons placée depuis les premiers jours de nos indépendances, là où nous la plaçons chaque fois que nous avons un problème.

Peuple malien, notre pays est aujourd’hui confronté à un grand danger. Notre démocratie de vingt ans est menacée par des militaires sans objectifs et moyens. Voilà une semaine qu’ils sont au pouvoir sans être parvenus à sécuriser Bamako. Une semaine que nous sommes pillés. Une semaine que la rébellion, qui se targue sur tous les ondes de ne plus avoir de résistance de la part de l’armée malienne, progresse à grands pas, volant de victoire en victoire. Une semaine que notre pays est isolé du reste du monde. Une semaine que nous ne travaillons plus avec la même quiétude qu’avant. Une semaine que nous ne savons plus quand nous irons aux urnes. Une semaine que nos institutions sont dissoutes. Une semaine que certains de nos ministres sont emprisonnés sans raison ! Cette junte isolée ne peut rien contre la rébellion au Nord, une rébellion qui ne la reconnaît même pas. Le Mali ne peut, seul, rien contre cette rébellion si lourdement armée et déterminée. Ce coup d’Etat imbécile doit échouer. Impérativement ! S’il passe, le Mali et même les autres pays de notre sous-région ne connaîtront plus jamais des régimes stables. Les militaires chercheront désormais toutes les brèches pour se jeter sur le pouvoir.

Là où nous devons tous être aujourd’hui, peuple malien, c’est du côté de notre démocratie fracturée. De notre sécurité perdue. De notre quiétude bafouée. Peu importe là où la France veut bien se positionner. Nous devons, aujourd’hui, accepter de nous joindre à tous les pays, toutes les associations, toutes les institutions qui veulent bien nous aider à sauver notre pays. Ce n’est pas aujourd’hui, avec cette crise qui commence sérieusement à nous inquiéter, que nous prendrons sur la France toutes les revanches que nous avons contre elle accumulées depuis des décennies. Notre haine contre elle de nous avoir colonisés, de nous voler nos ressources, d’avoir réduit en cendres la Libye… nous ne pouvons rien lui retourner dans notre condition actuelle. Car notre condition actuelle est celle d’un pays fragilisé par une cruelle rébellion, dont veut profiter un groupe de soldats aigris révoltés contre leur misérable condition sociale.

Que nous soyons pour ou contre ATT, nous devons tous aujourd’hui, Maliens, nous aligner derrière la Cedeao, renvoyer cette junte opportuniste et analphabète à la caserne, trouver une solution à la rébellion avec un gouvernement civil, et rapidement organiser des élections. Nous savons tous de quel côté se trouve aujourd’hui le salut de notre pays. Et ce n’est pas à notre haine contre la France de décider. Mais nous. Nous seuls.