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Encore un coup d’État de trop

Togo - Opinions
Tchakie Thomas Sékpona-M., Ph.D.
L’Afrique est malade. Les maux dont elle souffre sont multiples : les élections truquées, le manque d’éthique, de bonne gouvernance, de justice distributive (distribution équitable du bien commun), les laissés pour compte, une opposition désorganisée, réduite comme dans le cas du Togo à des marches lassantes et inefficaces de protestation, la corruption à tous les niveaux de l’État, la boulimie ou l’ambition exagérée de pouvoir, l’incurie et l’incompétence notoire des dirigeants. Ce qui a pour conséquence les soubresauts politiques, les convulsions sociales. L’«Afrique des fiers guerriers» est depuis lors l’Afrique des coups d’États généralement perpétrés par des militaires incultes, analphabètes, des demi-soldes, revenus, Dieu sait, de quelle guerre! Il y a trop de coups d’État en Afrique. Qu’il me soit alors loisible de revenir ici au pas de charge sur ces coups d’État qui marquent de façon indélébile notre contient.

Coup d’œil sur l’histoire des coups d’État en Afrique

En effet, depuis 1960, l’année des indépendances, les pays africains avaient massivement adopté les modèles étrangers (les modèles du colonisateur) de gestion du pouvoir en instaurant une démocratie pluraliste avec l’existence de nombreux partis politiques. Il y avait alors de francs débats d’idées. Mais ce pluralisme fit très rapidement long feu et fut remplacée l’implantation des partis uniques et l’instauration des régimes militaires. À partir de 1963, les coups d’État étaient devenus monnaie courante et on assista «à la génération de l’institution du parti unique», à la tyrannie. Certains pays ont connu plusieurs coups d’État successifs sur lesquels il semble important de s’attarder un tant soit peu pour les besoins de la cause.

Au Burkina-Faso. -En 1966, Sangoulé Lamizana renverse Maurice Yaméogo. En 1980, Saye Zerbo renverse Lamizana. En 1982, Jean-Baptiste Ouédrago renverse Saye Zerbo. En 1983, Thomas Sankara renverse Ouédrago. En 1987, Blaise Compaoré renverse Thomas Sankara.

Au Niger.- En 1974, Seyni Kountché renverse Aman Andom. En 1996, Ibrahim Baré Baïnassara renverse Mahamane Ousmane. En 1999, Daouda Malam Wanké renverse Baré Maïnassara. En 2010, Salou Djilo dépose Mamadou Tandja.

Au Nigéria.- En 1966, Johnson Aguiyi-Ironsi évince Namdi Azikiwe. En 1975, Yakubu Gowon évince Aguiyi-Ironsi. En 1983, Mmahamadu Buhari évince Shehu Shagari. Il y a sans doute d’autres coups d’État qui sont produits dans l’histoire de ce pays.

Au Togo.- En 1963, le président démocratiquement élu a été tué par les militaires qu’on appelait alors les demi soldes et remplacé Nicolas Grunizski . En 1967, Nicolas Gruniszki était évincé par Étienne Éyadéma Gnassingbé.

Au Burundi- En 1966, Ntare V est renversé par Michel Micombero. En 1976, Jean-Baptiste Bagaza fait tomber Miche Micombero. En 1987, Jean-Baptiste Bagaza est renversé par Pierre Buyoya. En 1996, Pierre Buyoya est renversé par Sylvestre Ntibantunganya.

En Centrafrique. En 1966, David Dacko est renversé par Jean Bédel Bokassa. En 2003, Ange-Félix Patassé est renversé par François Bozizé.

Au Mali.- En 1968, Modibo Keïta est renversé par Moussa Traoré. En 1991, Moussé Traoré est renversé par Amadou Toumani Touré.

En Mauritanie.- En 1978, Mustafa Ould Salek renverse Moktar Ould Daddah. En 1984, Maaouiya Ould Taya renverse Mohamed Khouna Ould. En 2005, Ely Ould Mohamed Vall renverse Maaouiya Ould Taya. En 2008, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdalli est renversé par Mohamed Ould Abdel Aziz .

Les liste des coups d’État est trop longue, inépuisable. Pour être bref, je dirai que de 1963 à 1990, on dénombre plus de 100 coups d’État, auxquelles s’ajoutent également plus de 100 conflits armés. Je peux donc dire que les coups d’État et les partis uniques ont duré jusqu’au mois de juin 1990, où François Mitterrand avait prononcé un important discours (le fameux discours de la Baule) dans lequel il sommait les dictateurs africains d’ouvrir leurs pays à la démocratie. Et depuis, le continent africain peine à asseoir une véritable et digne démocratie, avec encore de temps à autres des coups d’États qui se sont pourtant considérablement ralentis pour laisser la place à des élections gagnées d’avance par les partis au pouvoir.

Une attitude rétrograde et révoltante

Les coups d’État, quelques soient les raisons avancées, apparaissent aujourd’hui comme passés de mode. Il n’y a pas de motifs qui tiennent. Les Africains doivent apprendre à faire autrement les choses. Autrement dit, ils doivent apprendre à faire les choses de façon civilisée, acceptable et responsable. Les coups d’État ne sont plus bienvenus en Afrique, même s’il y en a qui apparaissent un petit peu légitime comme celui auquel nous avions assisté au Niger en 2010 et qui renversa Mamadou Tandja, cet incompétent, insatiable de pouvoir, venu de l’armée. Les raisons avancées par les putschistes au Mali, semblent robustes, mais ils n’ont aucun droit de s’immiscer dans la politique. Certes ils ont l’ultime et l’honorable devoir de défendre l’intégrité territoriale, mais ils doivent attendre l’ordre des hommes politiques. À chacun son métier, son rôle dans la société. Il faut que les militaires africains l’apprennent. On n’entre pas dans l’armée pour faire de la politique, mais pour apprendre à manier les armes, à travailler sa musculature pour prendre la défense du territoire en cas d’agression. Par conséquent, l’ordre constitutionnel doit être impérativement et sans délai rétabli au Mali. L’armée d’aujourd’hui n’est pas celle d’hier, celle des années 1960, et qu’on appelait fièrement des demi-soldes. L’armée d’aujourd’hui compte dans ses rangs des gens qui ont la licence, la maîtrise, le doctorat, qui sont formés dans de hautes écoles militaires. Ce qui suppose que ce sont des hommes instruits, cultivés, civilisés, qui connaissent le bien et qui doivent éviter le mal. Ils doivent surtout rester dans leurs casernes et ne pas se mêler de politique. Ce qui ce passe actuellement au Mali est honteux et inacceptable pour l’instauration de la démocratie en Afrique.

Les propositions
L’Union Africaine doit prendre toutes ses responsabilités dans cette affaire malienne si elle ne veut pas qu’elle crée de précédent, serve de prétexte à ceux qui caressent encore le rêve d’accéder au pouvoir par ce moyen barbare et rétrograde. Elle doit prendre urgemment des mesures énergiques. Elle ne doit pas se contenter seulement des condamnations verbales. Toutes les options doivent être étudiées, y compris l’option militaire si les putschistes ne veulent pas entendre raison, pour rétablir le plus rapidement possible l’ordre constitutionnel rompu. Nous avons déjà vu cela par le passé dans le cas du Sierra Leone, des Comores. En tout état de cause, il y a péril en la demeure et toute hésitation serait préjudiciable à l’instauration et à la consolidation de la démocratie en Afrique. ll faut absolument bouter dehors cette bande d’indisciplinés assoiffée de pouvoir, qui s’amuse à saboter le bon travail que le très respecté et vertueux Alpha Oumar Konaré a abattu avant de s’éclipser fièrement, la tête haute. Sur le plan moral et politique, Oumar Konaré n’a rien à se reprocher comme aujourd’hui ces intellectuels qui prennent un goût démesuré du pouvoir et qu’ils ne veulent plus quitter et qui déçoivent l’espoir des Africains. On peut donc citer Paul Bya du Cameroun, Abdelaziz Bouteflika d’Algérie, Robert Mugabe de Zimbabwe, Laurent Gbagbo de la Côte d’Ivoire, Abdoulaye Wade du Sénégal, Ellen Johnson Sirleaf du Libéria. Le plus tôt serait le mieux car il y va d’autre part du respect pour le continent. L’UA n’a pas à lésiner, à délibérer longtemps sur cette affaire qui semble presser.

Tchakie Thomas Sékpona-M., Ph.D.

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1. Pour ce tableau, voir
www. Agadezniger.com/forum/viewtopic,php?t=4264