Vous etes sur la version ARCHIVES. Cliquez ici pour afficher la nouvelle version de iciLome.com
 4:32:18 AM Jeudi, 25 Avril 2024 | 
Actualité  |  Immobilier  |  Annonces classées  |  Forums  |  Annuaire  |  Videos  |  Photos 


Hymne aux soldats de la honte

Togo - Opinions
David Kpelly
« Soldats, je suis content de vous ! » Je suis vraiment, comme Napoléon Ier, content de vous, chers grands soldats qui venez, à Bamako, de confisquer le pouvoir que le peuple souverain a confié à un homme de son choix. Pourquoi ne pas être content de vous pour ce énième grand exploit de franchise que vous venez de commettre ? Vous venez une fois de plus de prouver que vous êtes vous, que vous êtes réellement ce que nous pensions, que nous croyons désormais que vous êtes pour nos pays africains, un véritable handicap, l’un des plus grands handicaps pour notre développement.
Soldats de la honte du Mali et d’Afrique, je suis content de vous. Vous aviez, dès les premières années de nos indépendances, prouvé que l’Afrique doit vraiment se méfier de vous, si elle veut réellement évoluer. Vous aviez, dans les années soixante et soixante-dix, étouffé l’élan de fierté et de patriotisme qui animait les nouveaux pays indépendants en assassinant les pères de l’indépendance. Vous vous étiez justifiés par une pression de l’ancien colonisateur, la France. Comme des bandes d’hyènes vous vous étiez délectés des cadavres de ces nationalistes qui aimaient tant leurs pays et n’avaient pour objectif que de montrer à toute la Terre que l’Afrique peut bien s’occuper d’elle-même. Vous aviez pris le pouvoir par la force. Vous aviez, dans nos pays, instauré de féroces dictatures dont certaines, plus que jamais vivantes, tuent jusqu’aujourd’hui dans des pays comme le Togo et le Burkina Faso.
Soldats de la honte de nos pays, je suis content de vous. Vous répondez parfaitement au profil du soldat décrit par Alfred de Vigny dans son ouvrage Servitude et Grandeur militaires comme la trace la plus douloureuse de barbarie qui subsiste parmi les hommes après la peine de mort. Dans les années quatre-vingt-dix, quand, fatigués de votre dictature, les peuples s’étaient révoltés contre vous, réclamant leurs pays que vous aviez confisqués, vous aviez tiré, tué, décapité, mutilé. Vous vous êtes faits les premiers alliés de ces chefs d’Etat vomis de leurs peuples, et qui ne peuvent se maintenir au pouvoir que par les armes. Vous les aidez à tuer. C’est là votre plus grande force, vous n’avez jamais hésité à tuer. Vous avez des armes. Vous êtes des armes. Et le seul langage que vous comprenez est celui des armes. On peut des fois vous comprendre. Vous êtes oisifs, comme vous n’avez pas besoin de défendre nos pays presque jamais en guerre, et le génie militaire, vous vous en foutez. A quoi peuvent servir toutes ces armes qu’on vous offre si ce n’est à tuer des civils épris de liberté qui osent se rebeller contre vous ?
Soldats du Mali qui venez de mettre la chère démocratie malienne à genoux, je suis content de vous. De votre franchise. Vous venez de nous prouver que nous avons raison de considérer votre corps comme une honte pour nos pays. L’armée, nous dit-on, est une institution noble. Bien sûr qu’elle est noble, très noble dans sa mission de défense de nos pays, elle est très noble quand elle exerce le génie militaire. Mais vous venez de nous prouver que dans nos pays, hormis ces quelques grandes âmes éprises de grandeur et d’honneur qui essaient sans succès, et des fois au prix de leur vie, de donner à votre corps son prestige, être un militaire c’est être une brute. Vous venez une fois de plus de donner raison à mes parents, à tous ces parents de chez moi, à tous ces parents d’Afrique, qui aimeraient voir leur fils mourir que de devenir militaire. Quel déshonneur, quelle honte, quel malheur que d’avoir un fils comme vous ?
Soldats indignes du Mali qui venez de plonger, après vingt ans de démocratie, le Mali dans l’anarchie, vous êtes un déshonneur pour tous ces soldats d’Afrique et d’ailleurs qui donnent leur vie pour protéger celles de leurs frères. Vous êtes un déshonneur pour tous ces soldats qui maintiennent la paix dans toutes les zones sinistrées de la terre, tous ces soldats qui construisent des routes et des édifices ailleurs, tous ces soldats qui combattent les rebelles touaregs au Nord de notre pays. Vous avez, dites-vous, destitué le président démocratiquement élu, à un mois de la fin de son mandat, pour le punir de ne pas vous avoir fourni des armes pour combattre les rebelles. Vous tirez depuis trois jours des balles en l’air, sur des édifices publics, sur vos propres frères, pendant que les rebelles que vous êtes censés combattre gagnent du terrain. A-t-on besoin d’être un militaire pour comprendre que vous venez ainsi de donner un grand ascendant psychologique à votre ennemi ? Vous êtes actuellement occupés à sécuriser Bamako où certains d’entre vous volent et pillent tous les magasins de pauvres commerçants, quand les rebelles jubilant gagnent du terrain. Vous dépensez toutes vos énergies à arrêter des ministres, à traquer un président démocratiquement élu, à pousser les civils qui ne veulent pas de vous et les acteurs politiques qui vous méprisent à se rallier à vous, quand à grands pas l’ennemi grignote peu à peu le territoire que vous êtes censés défendre. Demain, quand l’ennemi triomphant continuera sa marche vers vous, vous serez occupés à négocier avec la communauté internationale et les partenaires financiers qui ne vous ont pas reconnus.
Soldats pestiférés du Mali qui venez une fois de plus d’humilier l’Afrique, vous savez très bien, comme nous le savons tous, que vous n’êtes pas honnêtes. Ce coup d’Etat que vous venez de faire, à un mois des élections, dans un pays en guerre, n’a pas de sens. Vous êtes de lâches opportunistes qui voulez juste profiter de l’instabilité de votre pays pour vous faire un nom et une fortune. Vous sentez la traîtrise, la barbarie et la mort. Vous êtes la mort. Cette mort-là que vous n’hésiterez pas à semer un peu partout une fois que vous rencontrerez une brindille de résistance dans ce pays paisible, si paisible qui n’a toujours aspiré qu’à une chose, la fierté nationale. Et quand vous l’aurez semée, cette mort que vous êtes, dans votre pays conquis, toute la Terre comprendra que vous êtes vraiment ce que nous avons toujours dit que vous êtes, le plus grand ennemi de ces pays que vous êtes formés pour défendre. Et je suis si content de vous.