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Commerce international : Le Togo doit bouger

CHRONIQUE - Finances et Economie
  Le commerce international a ses règles parmi lesquelles la libéralisation des échanges et l’intensification de la concurrence. Dès lors, il faudra lever toutes les entraves au libre échange. C’est tout le combat de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). La libéralisation des marchés concerne également la réduction des droits de douane et l’élimination des restrictions quantitatives et qualitatives des échanges de produits industriels et agricoles ; l’ouverture plus grande des marchés.

Or, nous savons aujourd’hui que les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) dont le Togo sont liés à l’Union Européenne par des accords commerciaux dits préférentiels. Ainsi, il n’y a aucune limitation quantitative des produits importés de l’Union Européenne. De même les matières premières des pays ACP telles que le coton, la banane, le bois, etc. entrent dans l’espace européen sans droits de douane et sans contingentement. Toutefois, les pays ACP ne sont pas tenus de garantir l’accès libre des produits européens sur leur territoire. Ici, on admet que le système de "préférence inverse" ne fonctionne pas car les pays ACP doivent encore protéger leur industrie fragile. La seule obligation faite aux ACP est de ne pas accorder à d’autres pays des privilèges commerciaux que n’aurait l’Union Européenne.

Le temps presse…

Ces accords constituent une entorse au libre échange et sont discriminatoires à l’égard des pays pauvres d’Asie et d’Amérique Latine. Faute de bénéficier des mêmes avantages commerciaux que les ACP, les pays asiatiques et d’Amérique Latine n’ont cessé de dénoncer ces accords. C’est ainsi que lors de la dernière rencontre sur le commerce mondial à Hong-Kong, des résolutions ont été prises pour la libéralisation non discriminatoire des échanges et des marchés. En 2008, les accords préférentiels ACP/UE devraient être supprimés pour respecter les décisions de l’Organisation Mondiale du Commerce; organe chargé de veiller au libre échange.

Les échéances ne nous laissent guère le temps de traîner pour ajuster notre économie et rattraper le retard pris sur les autres pays de la sous-région ne serait-ce que ceux de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (CEMAC). L’heure n’est plus à la résignation, ni à l’aveu d’impuissance, encore moins à la dénonciation, il faudra passer à l’action. Les conclusions de cette étude se veulent donc un appel au travail pour que nous préparions dans de bonnes conditions les négociations du nouveau partenariat économique avec l’Europe. En effet, la suppression des accords ACP/UE en 2008 va entraîner la perte de recettes douanières et fiscales. Dans l’hypothèse où l’économie togolaise est peu performante et la libéralisation des échanges effective, la perte potentielle des recettes douanières du pays par rapport aux échanges commerciaux avec l’Union Européenne serait de 180 milliards Fcfa de 2004 à 2018. Toutefois, on estime que cette perte va être compensée en partie par la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) estimée à 94 milliards Fcfa sur la même période. Ce qui ramènerait la perte à 86 milliards Fcfa ; soit une moyenne annuelle de 5,7 milliards sur 15 ans. Si rien n’est fait, cette perte devrait s’accentuer à partir de 2010 réduisant ainsi les chances du Togo à atteindre les objectifs de développement du millénaire en 2015. Mais le niveau actuel de notre économie nécessite des actions énergiques simultanées de rattrapage et d’ajustement.
La libéralisation des marchés va se traduire par la suppression des barrières tarifaires et non tarifaires. Les produits importés de l’Union Européenne reviendraient donc moins chers aux consommateurs togolais. Par exemple, les taxes douanières pour un véhicule importé d’Europe sont estimées aujourd’hui à environ 62,5% de sa valeur d’acquisition y compris le transport et l’assurance. Un véhicule acheté à 12 millions Fcfa y compris le transport et les assurances dans l’espace de l’Union Européenne revient aujourd’hui à 19,5 millions Fcfa. Avec la levée des barrières douanières entre le Togo et l’Union Européenne, le véhicule ne coûtera plus que 12 millions FCFA ; soit une rente douanière de 7,5 millions Fcfa.

A qui profitera la rente ?

On peut alors se poser la question de savoir à qui va profiter cette rente douanière. Est-ce qu’elle sera confisquée par l’opérateur économique ou récupérée par l’État mais selon quel mécanisme ? Le plus juste serait que le consommateur puisse bénéficier de cette rente douanière pour augmenter son niveau d’équipement. Il est utile que l’État engage une réflexion poussée sur la question.
Aujourd’hui, pour participer efficacement au commerce international, il faudra disposer d’un avantage comparatif sur un ou plusieurs produits ou services pour accroître la richesse nationale. La part de l’Afrique dans le commerce mondial est à peine de 2%. En réalité ce n’est pas faute de produits exportables mais à cause de la nature des produits et services qui sont pour la plupart à faible valeur ajoutée. La question est d’autant plus cruciale pour le Togo dont les exportations vers l’Union Européenne ne reposent que sur des matières premières comme que le coton, le phosphate. Le pays doit préparer son économie à cette mutation. Les différents secteurs de notre économie sont concernés car ils sont tous susceptibles d’apporter une valeur ajoutée. Ainsi, il a été proposé de revoir la politique agricole par un équipement adéquat aux agriculteurs afin d’accroître la productivité. Cela est en lien direct avec l’accès aux crédits bancaires qui sont eux-mêmes reliés à la question foncière notamment comme objet de nantissement des crédits. Cela implique le développement de la propriété foncière par des facilités administratives. La production de jus de fruits ainsi que la transformation des oléagineux sont des domaines à encourager.

En ce qui concerne l’industrie, il faudrait envisager la création de grandes unités de transformation de produits agricoles et de l’élevage. Pour ce faire, le code des investissements devra être vulgarisé, les formalités administratives simplifiées. La justice dans les affaires devra fournir de solides garanties de sécurisation des investissements et de promotion des PME/PMI. Un fonds d’investissement conséquent pourrait être négocié pour améliorer la production ou la transformation des produits agricoles, d’élevage et de pêche.

Les services n’ont pas été oubliés. Bien au contraire, l’accent a été mis sur l’amélioration du transport urbain et interurbain ainsi que sur l’international. L’aéroport international de Lomé pourrait devenir une plaque tournante pour tous les avions au départ de l’Union Européenne et en partance vers l’Afrique du Sud, etc. Il faudrait pour cela, créer une Hub de transport qui assure la maintenance des appareils au sol, fournit les services demandés et approvisionne en fuel les avions à un prix détaxé. Le tourisme pourrait ainsi en bénéficier.

La transformation de la base de la structure économique togolaise ne sera efficace que si les formalités administratives sont simplifiées ; si la fiscalité est moins lourde notamment sur des secteurs tels que l’agriculture et le transport des personnes et des biens et si l’énergie électrique est fournie en permanence à tous les ménages et aux entreprises. La formation des opérateurs aux mécanismes des marchés internationaux permettra également de créer des joint-ventures entre l’Union Européenne et le Togo pour bénéficier de l’expérience et du savoir-faire européen. Il est fort souhaitable de demander à l’Union Européenne d’aider à la création d’une société de certification des produits et services pour répondre aux standards européens en la matière. Enfin, les affaires sont aujourd’hui guidées par la disponibilité de l’information. Dès lors, il devient indispensable de développer le domaine des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) en abaissant les taxes douanières dès maintenant sur les produits de communication et les produits informatiques.

Conséquences pour l’économie et les opérateurs

La libéralisation des échanges des produits et services est inévitable en 2008. L’Union Européenne tente de faire amortir les chocs en 2008 par la proposition d’un Accord de Partenariat Economique. Le succès de cet accord dépend de la capacité du Togo à se donner une vision à long terme de son devenir économique et social pour négocier un accord économique qui s’insère dans cette vision de société. Dans le cas où le Togo n’a pas bien négocié ce partenariat, en 2008, il aura manqué d’améliorer son offre de produits et services de qualité, à valeur ajoutée. Son industrie ne pourra alors tenir face à la concurrence ; ses produits naturels seront peu valorisés car en deçà des standards européens, l’agriculture et l’élevage seront déstructurés, etc. Les opérateurs économiques, pour leur part, seront soient contraints de s’installer ailleurs ou vont disparaître car la concurrence sera sévère. Les concurrents ont en effet des surfaces financières plus larges et des possibilités d’emprunts étendues. Le Togo sera pratiquement réduit à un simple consommateur de produits importés.

Le Togo a intérêt à saisir les opportunités de l’Accord de Partenariat Économique avec l’Union Européenne pour se préparer efficacement à l’échéance de 2008. L’étroitesse de son marché et la structure de son économie le placent déjà aujourd’hui dans une position défavorable dans les échanges internationaux.
L’appui de l’UE pour les ajustements et le rattrapage économique ne viendra que conforter notre vision de la société à long terme et renforcer notre capacité à participer au commerce international avec tous les atouts et les avantages comparatifs. Les défis sont énormes, il faut les affronter maintenant au risque de plonger davantage dans la pauvreté et de subir au lieu d’être acteur de l’économie mondiale.

Par Byalou ALFA-TOGA
E-Mail : alfatoga1@ yahoo.fr