Vous etes sur la version ARCHIVES. Cliquez ici pour afficher la nouvelle version de iciLome.com
 6:43:56 AM Mercredi, 24 Avril 2024 | 
Actualité  |  Immobilier  |  Annonces classées  |  Forums  |  Annuaire  |  Videos  |  Photos 


Explosions meurtrières dans un camp militaire à Brazzaville : Au Congo, au Togo et ailleurs, des populations en danger permanent pour le bonheur des présidents à vie

Togo - Opinions
Nima Zara
A moins qu’on se trompe, le bilan de 200 morts dans la tragédie des explosions au camp militaire de Mpila à Brazzaville n’est pas le reflet de la réalité. Beaucoup plus de Congolais auraient perdu la vie dans cette tragédie pour la simple raison que certains, pour imposer leur volonté à tous, ont besoin de la force armée pour se maintenir au pouvoir. Contre la volonté de la majorité des citoyens, envers et contre tout. A Lomé, le péril n’est pas absent et il faut agir au plus vite.


Une catastrophe nationale
Le dimanche 4 mars va rester sans doute un jour mémorable pour les Brazzavillois en général, pour les habitants du quartier Mpila en particulier. Longtemps et pour toujours, ils se rappelleront que la catastrophe qui n’est pas loin de ce qui est arrivé aux Indonésiens avec le Tsunami et aux Japonais avec le tremblement de terre doublé d’un Tsunami. Alors que la journée de ce dimanche se déroulait très bien, un gros bruit, mieux, une grosse déflagration retentit dans le ciel de la ville. La déflagration fut telle que les premiers, les plus alarmistes, ont dit : « encore une guerre ! ».
Mais ce n’était pas encore une nouvelle guerre. Aucune force étrangère n’attaquait la capitale. Les premiers instants de panique et de supputation passés, les Brazzavillois découvrent que c’est un entrepôt de munitions qui avait pris feu au camp de Mpila. Pendant des heures, les déflagrations ont semé la terreur au sein des habitants, non seulement du camp militaire, les soldats et leurs familles, mais également dans toute la zone du camp au milieu des populations civiles. Le soir, à la télévision nationale, le gouvernement annonce qu’un faux circuit intervenu dans le réseau électrique du camp militaire a provoqué un incendie et les explosions constatées. En dépit de l’assurance donnée par les autorités sur le contrôle de la situation, les bruits disséminés au sein des Brazzavillois faisant état de l’imminente explosion d’autres entrepôts de munitions vont se confirmer le mardi quand de nouveau de terribles déflagrations ont fait trembler le quartier et ses environs.
Sur le plan du bilan, c’est une véritable catastrophe nationale. Pudiquement, les autorités congolaises annoncent le chiffre de 200 morts et plus d‘un millier de blessés. Dans la réalité, on doit convenir que ce bilan est discutable. Dans la mesure où les seuls habitants du camp, les soldats et leurs familles peuvent dépasser ce nombre et que les demeures voisines du camp ont été soufflées à un degré où visiblement le nombre des victimes doit dépasser la double centaine. Peu importe, tout le monde convient que le drame du camp de Mpila a engendré des pertes en vies humaines en nombre considérable.
Un autre aspect de la catastrophe concerne les blessés et les sinistrés. Les images télé diffusées dans le monde donnent l’apparence d’un système hospitalier inexistant parce que submergé par la demande soudaine. En nombre très réduit, les médecins et les infirmiers sont dépassés par les besoins ; sans l’aide extérieure, beaucoup auraient travaillé des semaines durant sans repos. Des dégâts matériels, il y en a aussi. Les installations du camp, les maisons alentour et toute la zone donnent l’aspect d’un territoire jamais occupé naguère. Tout est à reconstruire et la grande équation reste comment les pauvres résidents de Mpila qui ont tout perdu dans le sinistre vont faire pour rebâtir leurs taudis. C’est une autre paire de manches.


Entre illégitimité et instinct de conservation du pouvoir
La tragédie de Mpila est regrettable et avec le Congo et les Congolais, il faut prendre le deuil certes, mais l’on ne doit pas oublier que cela est le fruit malheureusement de la volonté manifeste de beaucoup de présidents sur le continent de se maintenir au pouvoir en comptant exclusivement sur la force des armes.
Dans cette perspective, on les a vus ériger ici et là dans les capitales, ailleurs en plein cœur des villes des garnisons entières dans le simple but de se protéger des coups d’Etat et des attaques d’adversaires politiques ou militaires. Pendant les longues années des pouvoirs personnels d’avant 1990, ces présidents qui accédaient au pouvoir eux-mêmes par des putschs ne supportaient pas qu’on leur fît des coups. Le voleur n’aimant jamais qu’on le vole, ils ont transformé les capitales et les villes des pays en forteresses imprenables. Des camps militaires, parfois ceux des corps d’élite des armées, sont ainsi sortis de terre en pleine agglomération urbaine.
Naturellement, tant qu’aucune catastrophe ne survient, personne ne regarde du côté de ces camps pour en trouver l’emplacement irrégulier et dangereux pour la sécurité des populations. C’est vrai toutefois que dans la plupart des cas, il y a toujours eu une cohabitation difficile entre les travailleurs desdits camps et les populations riveraines. On sait aussi que très souvent les parades des chars, tanks et autres engins de guerre abîment les asphaltes négligemment posés sur les routes des viles.
A l’analyse, c’est la conscience de leur illégitimité qui a poussé beaucoup de présidents africains aux temps forts de la guerre froide d’une part, et dans les années de grande contestation de leur pouvoir suite à la généralisation du Vent de l’Est à se barricader derrière les armures et les boucliers des camps militaires. Il en a été ainsi dans deux cas sur trois parce que ces présidents étaient des soldats, officiers ou sous-officiers devenus en l’espace de quelques heures officier, chef d’Etat major et maréchal !
Un Regret : avec l’instauration un peu partout des systèmes démocratiques, à l’exception de certains comme le Congo-Brazzaville où les Congolais ne choisissent pas vraiment leur président, il est décevant qu’ont ait pas pensé à corriger la situation. On va espérer que la tragédie de Mpila va ouvrir l’œil aux autres présidents de sorte qu’ils vont prendre les mesures nécessaires pour éviter à leurs pays les malheurs des Brazzavillois.


Tirer les bonnes leçons
Justement, le souhait de tous les Togolais est que très vite Faure Gnassingbé réfléchisse à ce qu’il faut faire pour mettre les populations à l’abri de la catastrophe congolaise. En apprenant que c’est un camp militaire situé en pleine ville qui a provoqué la catastrophe, les Togolais de Lomé à Kara en passant par Atakpamé vont se dire sûrement « ah ! on n’est pas à l’abri ». De toute évidence, le drame de Brazzaville autorise à envisager ce qui se passerait si à Lomé par exemple le malheureux phénomène se produisait.
Dans la capitale togolaise effectivement, les camps militaires sont les choses du monde les mieux partagés. Pour les mêmes raisons que nous avons évoquées plus haut, feu Eyadèma a transformé la ville en une forteresse traversée et ceinturée par un cordon de camps militaires. Hormis les camps de gendarmes, on recense le camp RIT, le camp RIA d’Aflao, le camp de la garde présidentielle à Massouhoin, au lieudit Lomé II. Il n’est pas impertinent d’ajouter les camps des corps d’élite situés à la périphérie de la capitale, notamment celui de la Force d’intervention rapide (FIR) à Agoènyivé. Sur cette liste de camps qu’on peut appeler « officiels », il y a aussi les camps « sauvages » ou informels, jetés ça et là dans certains quartiers dans le but d’intimider les populations ou de servir de renforts en cas de besoins.
Un scénario simple : si par exemple le drame de Mpila se produisait au camp RIT, on imagine que le lycée de Tokoin, les quartiers environnants de Saint-Joseph, de Soted, de Gbadago et de Hanoukopé au bas mot, seraient soufflés par les déflagrations. Populeux, ces quartiers sinistrés laisseraient la place à un désastre matériel et humain. Si c’est un jour ouvrable, on comprend que les élèves des Lycées de Tokoin I et II, ceux de l’école primaire et de la maternelle Gnassingbé Eyadèma seraient sacrifiés. Au camp RIA d’Adidogomé, la catastrophe ne serait pas moindre. Le lycée d’enseignement technique et professionnel Gnassingbé Eyadèma, ceux du collège privé Essor et d’autres encore, ajoutés aux nombreuses populations vont relever de l’histoire passée.
Sous peine de paraître de funestes oiseaux de mauvais augure, il est bienséant d’arrêter les pronostics macabres pour tirer la conclusion idoine. Pour le gouvernement togolais, la catastrophe de Mpila soit résonnée comme une invitation au réalisme et à l’action pertinente. Les malheurs n’arrivent pas seulement aux autres, il est intelligent de travailler de manière à éviter le même malheur. C’est la bonne leçon à tirer de ce qui est arrivé aux Congolais.


Nima Zara
Le Correcteur