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Gbagbo se la coule douce à la Haye

Togo - Opinions
Tchakie Thomas Sékpona-M., Ph.D.


Nous avons tous souvenance de ce fameux 29 novembre 2011, où l’ex-président Ivoirien Laurent Koudou Gbagbo a été transféré à la prison de la Cour Pénale Internationale (CPI). Cette déportation avait suscité des réprobations et condamnations tous azimuts, des plus vives et nombreuses contestations. Il fallait surtout ne pas y mettre bouche si tu ne voulais pas être insulté par des panafricains de tous poils. Il fallait être panafricain comme eux, suivre leur ligne de pensée, sinon tu ne sais pas penser, tu ne penses même pas du tout.

L’intellectuel afro-américain William E. Burghardt Du Bois, l’inventeur en 1900 au cours d’une conférence à Londres des mots «panafricain» et «panafricanisme», n’a jamais de sa vie pensé comme les autres qui l’avaient suivi plus tard sur cette voie. On peut citer le cas du Jamaïquain Marcus Garvey, du Béninois Tovalou Houénou, de George Padmore de Trinidad, du Ghanéen Kwame Nkrumah, etc. Ils n’avaient jamais donné au mouvement panafricain la même ligne de réflexion. Ils n’avaient jamais imposé aux autres de penser, de donner aux choses les mêmes couleurs comme eux. Dans les débats intellectuels de haut niveau, on peut n’être pas d’accord avec le point d’une tierce personne, on peut n’être pas du même avis qu’elle, on peut développer des argumentaires pour battre en brèche sa réflexion, mais jamais on ne l’insulte. C’est la manière la plus acceptable de faire les choses, de contribuer aux débats.

Certes, on peut donner raison à ces panafricains Togolais de tous genres. Ils ont raison parce que tous autant que nous sommes, à un moment donné de notre vie, nous étions ces moutons de Panurge de François Rabelais, nous avions été priés de regarder dans la même direction sans mot dire, de faire des marches de soutien, des défilés, des« haies». Nous étions surtout priés de penser de la même manière sinon nous serions étiquetés opposants. Et il ne faisait pas bien d’être opposant alors. L’habitude est une seconde nature. Autrement dit, le séjour dans l’eau ne transforme pas un tronc d’arbre en crocodile comme l’a si bien dit l’écrivain Malien Seydou Badian. Arrêtons cette plaisanterie de mauvais goût ici pour revenir à nos moutons !

Laurent Gbagbo lors dès sa première comparution devant la CPI a dit que ses conditions de détention étaient trop dures, qu’il était mal traité à Korhogo. Il se plaignait surtout de ce qu’on ne lui permettait pas de sortir pour prendre son bain de soleil, de faire son jogging, de recevoir ses amis, ses avocats, ses parents, ses femmes. Il a dit, et il ne faut pas l’oublier, qu’il se sentait beaucoup mieux à la Haye et qu’il était traité avec beaucoup d’humanité et qu’on respectait sa dignité d’homme.

Après trois mois, la Jeune Afrique dans sa parution du lundi 5 mars 2012 sous le numéro 2669, à la suite d’une enquête, revient sur les mêmes propos, dit que l’ex-président Ivoirien Laurent Gbagbo est bien nourri, qu’il reçoit des soins médicaux bien appropriés. La cellule qui lui est allouée est individuelle. Il peut aller marcher dans la cours de la prison, faire du sport. Il peut recevoir ses amis, ses avocats, ses femmes. Il se lie même d’amitié avec les autres détenus comme Jean-Pierre Bemba du Congo et Charles Taylor du Libéria. On peut donc inférer que physiquement, moralement et psychologiquement Laurent Gbagbo se sent bien, beaucoup mieux à la Haye qu’à Korhogo. Son visage rayonnant de santé, de vie sur la photo ci-dessus présentée en dit long.

Pour être plus explicite, les choses se font beaucoup mieux ailleurs qu’en Afrique. Gbagbo serait resté à Korhogo que sa santé serait complètement détériorée et qu’il serait déjà mort de ses maux d’épaules et de poignets. C’est vrai que personne n’aimerait être en prison, fût-elle une prison où on a droit à tout ce dont on a besoin. Cependant, on peut penser qu’on a d’une certaine manière fait du bien à Gbagbo en le transférant à la Cours Pénal International (CPI). Qui peut soutenir le contraire aujourd’hui ?

En Afrique, les militaires et les policiers sont instrumentalisés et veulent toujours être bien vus par le pouvoir. Ce sont des zélés sans foi ni loi, qui font n’importe quoi sans être inquiétés le moins du monde. Ils n’ont aucune notion de dignité humaine. Le détenu n’a aucun droit. Il est un détenu un point, c’est tout. On peut le soumettre impunément à n’importe quels traitements inhumains et dégradants pour lui arracher des aveux. Ceci fait justement penser, par exemple, à ce qui s’est passé dernièrement au Togo. Les détenus ont déclaré avoir été sauvagement torturés. Le pouvoir qui faisait semblant de n’être au courant de rien, avait demandé à la CNDH d’effectuer une enquête. Les résultats sont trop accablants et percutants. Et du coup, un autre rapport est publié sur le site du pouvoir. Qui a traficoté le rapport de la CNDH ? On ne le saura jamais de la vie. Ailleurs dans le monde, fors la Chine et la Russie, les journalistes feront tout ce qui est à leur possible pour publier les noms de ceux qui ont tripatouillé le rapport et les sanctions ne tarderont pas à tomber. Le pouvoir en place se contente de prendre des mesures non énergiques comme pour calmer le tollé général que cette ignominieuse affaire a suscité. Nous avons d’abord besoin de connaître les noms des coupables de ce faux. Révélez-nous leurs noms, s’il vous plaît !

On peut également penser au cas de ce reporteur photographe Togovi, qui a été inhumainement roué de coups par les policiers. Le reporter n’est pas un vandale. Il ne fait que filmer les événements en temps réel pour informer le monde de ce qui se passe. Pourquoi les policiers font-ils leur travail et empêchent les autres de faire le leur ? Il n’y a qu’en Afrique, qu’au Togo qu’on voit cela. Pour tout dire, les choses ne se font pas de façon humaine, urbaine dans certains pays africains. Je répète pour terminer que ceux qui ont envoyé Laurent Gbagbo à la Haye, l’ont sauvé de la paralysie totale et, partant, de la mort. À quelque chose malheur est bon. Dans certaines circonstances, le mal est nécessaire pour connaître le bien.

Tchakie Thomas Sékpona-M., Ph.D.