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LA COMPOSITION DE L’ARMEE TOGOLAISE DEVRAIT-ELLE POSER DE PROBLEMES ?

  L’objectif de cette réflexion est de contribuer au débat sur la démocratie au Togo. Merci de ne pas y voir un soutien à un parti ou à une pratique.

L’histoire politique des nations enseigne que tout pays qui veut se développer devrait notoirement, entre autres conditions, s’assurer d’une stabilité politique. Lorsqu’un pays est instable politiquement, comme c’est le cas du Togo ces dernières années, on ne peut espérer de progrès appréciable de son développement économique et social. La stabilité politique, dans un régime démocratique exige, en ce qui concerne l’armée, que celle-ci se désengage complètement de la sphère politique.

L’intrusion de l’armée dans la vie politique des pays africains a été jugée à un moment donné comme salutaire. On pensait que l’armée était la seule capable de rétablir le désordre causé par des « politiciens », de faire la paix et d’assurer, sans péril, l’intérêt des puissances occidentales. Aujourd’hui après recul, on peut affirmer sans de se tromper que ce fut une maladresse d’avoir utiliser les militaires pour régler des problèmes politiques.

L’un des problèmes que pose la démocratisation au Togo aujourd’hui concerne l’armée. Le problème de l’armée dans la vie politique n’est pas particulier au Togo. Dans plusieurs pays africains, avant l’ère démocratique, outre son implication dans la vie politique, les dirigeants ont façonnés la composition de l’armée de manière à s’assurer sa fidélité et à l’utiliser pour préserver le pouvoir.

Au regard de la composition de l’armée togolaise, on peut présumer connaître les intentions du Général Eyadéma au sujet du rôle de cette armée dans la vie politique. Au cours d’une émission sur la TVT, l’ancien secrétaire général du RPT feu Amédégnato disait que si les gens de la région de Eyadéma sont si nombreux dans l’armée, cela est dû à l’amour qu’ils auraient pour le métier des armes, comme les Cotocolis sont connues pour pratiquer, bon nombre, le métier de chauffeur. Il ne fallait donc pas voir dans la composition de l’armée un problème. Cette vue est partagée par beaucoup de cadres du RPT qui « savourent » la position de l’armée dans la vie politique.

Pour certains, il est évident que Eyadéma voulait des gens de sa région dans l’armée en vue de les utiliser pour asseoir son pouvoir. On donnerait raison aux tenants du qualificatif « armée tribale », vu le rôle et la position de l’armée dans les différentes crises qui ont émaillées la vie politique togolaise. Ainsi, de nombreux hommes politiques pensent que la réforme de l’armée dont on parle tant ces derniers temps devrait aussi viser sa composition.

Cependant, dans un pays démocratique, la composition de l’armée devrait t-elle poser de problème ? La réponse est bien évidement non. Pour la simple raison que dans un régime démocratique, l’armée serait républicaine et donc se conformerait au rôle que lui assigne la Constitution. Si l’armée jouait le rôle qui est le sien, qu’importe sa composition, qu’elle soit composée majoritairement d’une ethnie.

Au Togo, le débat reste ouvert sur la question de la réalité de la démocratie. Si les institutions existent pour « témoigner » de la démocratie, on sait qu’il y a achoppement en ce qui concerne la transparence des élections et l’alternance au pouvoir. On peut donc légitimement douter de la crédibilité de la démocratie togolaise. Ce doute provient essentiellement du rôle de l’armée et de ses prises de position.

Dans la recherche pour la démocratie au Togo, devrait-on voir en la composition de l’armée un problème ? N’est-il pas plus indiquer de voir le problème dans le rôle ou le comportement de cette l’armée vis-à-vis de la vie politique ?

Si on devrait reformer la composition de l’armée comment procéderait t-on ?

L’armée togolaise est majoritairement composée des gens du nord du pays. La grande majorité des officiers de cette armée est originaire de la région septentrionale du pays. Devrait-on dans le souci de réformer la composition de cette armée, trouver ou former rapidement les officiers d’autres régions du pays afin d’assurer un équilibre régional ? Ou bien devrait-on décréter une loi interdisant aux jeunes venant de la région du nord de ne plus s’engager dans l’armée pour quelques années ? Et du même coup trouver des jeunes d’autres régions pour les encourager à s’engager dans l’armée dans le but de rétablir sa composition ? Ou devrait-on dégrader certains officiers jugés non démocrates et les remplacer par d’autres jugés démocrates ? Si un millier de jeunes du nord se présentaient pour un recrutement dans l’armée, devrait-on les renvoyer ? Et si même on arrêtait les recrutements dans l’armée pour un temps, il faudrait tôt ou tard en recruter. Quelle solution pour la composition de cette institution ?

Que rechercherait alors toute approche qui viserait à réformer la composition de cette armée ? Un équilibre régional ou tribal. Si cette solution devrait être adoptée, elle fausserait la démocratie et exacerberait le problème ethnique au Togo.

Si de telles solutions paraissent non adaptées pour un Togo réellement démocratique avec égalité de chance pour tous, il faut plutôt voir le comportement de l’armée dans la vie politique comme le principal problème et non la composition de cette armée.

Il est bien vrai que la composition de l’armée togolaise est corrélée à son comportement dans la vie politique. Alors on peut se demander si on pourrait dissocier la composition de l’armée de son comportement dans la vie politique. Beaucoup répondent qu’il est impossible d’amener les FAT à se comporter comme une armée républicaine sans réformer sa composition. Formuler autrement, cette position dit qu’il est impossible de mettre en place des lois et des institutions appropriées pour amener les FAT à se comporter comme une armée républicaine. Et d’aucuns se demandent même si on mettait en place ce cadre, les FAT respecteraient-ils cela ? On a toujours en mémoire le calvaire des hauts conseillers de la république.

Néanmoins, si un tel cadre est mis ne place et qu’il rencontre le refus des militaires ou des officiers, alors, c’est tout le sens d’un combat démocratique que le peuple togolais devrait mener. Tout le combat pour la démocratie devrait se focaliser sur le comportement de l’armée. Le cadre devrait explicitement exposer les sanctions qu’encours tout officier ou militaire qui soutiendrait par son comportement en tant que militaire un homme politique ou un parti. Les lois sanctionneraient tout militaire qui utiliserait la logistique de l’armée pour appuyer un parti ou un candidat ou pour prendre position dans une crise politique. Et tout militaire serait instruit au sujet de ce cadre.

Si les démocrates s’inscrivaient dans une telle perspective, reste à savoir si le RPT accepterait d’arrêter de « profiter » du comportement de l’armée. Le RPT devrait courageusement accepter ce cadre pour l’armée étant donné sa « certitude » d’être le plus grand parti politique du pays. La démocratie serait alors un combat d’idées et de programmes. Elle contribuera à la stabilité politique et donc au développement.

Voir le problème de l’armée exclusivement sous l’angle de son comportement et non de sa composition, permettrait, au vu de l’histoire politique de ce pays, de bien poser le problème de la lutte démocratique et donc de former l’esprit de nation des Togolais.

On ne peut pas refuser le « penchant » qu’auraient certains compatriotes pour un métier. Mais on leur refusera de détourner le rôle assigné à ce métier. Ce sera le combat que devrait mener la démocratie. La réforme de l’armée ne devrait en aucun cas être ressentie ou vu comme un combat « d’équilibrage » mais comme une exigence pour la démocratie.

La lutte démocratique ne devrait pas viser une égalité régionale sous quelque forme mais bien plutôt combattre toute inégalité ou toute discrimination à caractère tribale ou régionale.

Paul Wanata A. Agbisso
Economiste
Namur, Belgique
[email protected]