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Le mariage forcé freine l'éducation des filles

CHRONIQUE - Santé, sexualité
 Fille de paysan, Kiyesso, 19 ans est enceinte depuis cinq mois après un mariage forcé, une pratique encore bien ancrée dans le nord Togo, freinant la scolarisation des filles.

L'ancienne collégienne du bourg de Mandouri (700 km au nord de Lomé) aide depuis quelques mois, son mari au champ.

"J'ai abandonné l'école l'année dernière sur décision de mon père. Il m'a donné en mariage à l'un des enfants de son ami qui vient souvent chez nous", raconte la jeune fille, revenue de l'hôpital du village. A Mandouri, les filles subissent encore le mariage forcé, malgré les multiples campagnes de sensibilisation visant à le décourager. Chaque année, plusieurs sont contraintes d'abandonner l'école au nom de tradition.

"Nous ne pouvons rien contre la volonté des parents. Moi, j'ai été kidnappée un soir par des jeunes du village que mon oncle avait recrutés, sur consentement de mon père, pour m'emmener de force chez un homme dans un village voisin, au retour de la classe", raconte Faidibé, mère de deux enfants.

Rabiatou, vendeuse de tchapkalo (boisson à base de maïs), se souvient, elle aussi, de son "enlèvement": "c'est ma tante qui a tout organisé avec des amis de mon père. Ils m'ont attrapé non loin de la place du village, alors que j'apprenais mes cours". "Ils m'ont bandé les yeux, enfoncé un foulard dans la bouche pour m’empêcher de crier", raconte-t-elle, ajoutant qu'elle "ne souhaite pas ce sort" à ces enfants.

Dans ce gros bourg, le mariage forcé constitue un véritable frein à l’éducation des filles dont les études sont alors arrêtées brutalement. Selon les statistiques du ministère togolais des Enseignements primaire et secondaire, "plusieurs centaines" de filles subissent chaque année cette pratique dans le nord du Togo, petit pays d'Afrique de l'ouest sans grande resssource. "Ces cas nous sont signalés. Mais nos actions sont limitées dans la mesure où des proches des victimes sont impliquées, notamment leurs propres parents", remarque un responsable de ce ministère.

Une loi adoptée en 1984 par les députés, censée protéger les élèves d’établissements scolaires et des centres d’apprentissage contre toute forme d’abus sexuel, rencontre d’énormes difficultés dans son application. Les juges ont parfois recours à des règlements amiables pour résoudre certains litiges.

"Aujourd’hui, la pratique culturelle prend le pas sur l’application des lois. Il arrive que des juges nous demandent de les aider pour que des solutions amiables soient trouvées à des cas de mariage forcé qui leur sont soumis", confie Cyrille Ekoué, coordonnateur du Groupe de réflexion et d’action Femme, Démocratie et Développement (GF2D), une organisation de promotion des droits des femmes basé à Lomé. "Le mariage forcé est le résultat d’un long processus entre les familles, prenant parfois plusieurs années avant sa conclusion (...)", précise M. Ekoué, soulignant l'intérêt des "campagnes de sensibilisation" dans les villages.

Des associations de défense des droits de la femme, pour leur part, fondent désormais leurs espoirs sur la rédaction d'un code de la famille contraignant et réglementant cette question. Un avant-projet est actuellement à l'étude dans un comité ministériel. Elles estiment que ce code est "pratiquement le seul moyen" pouvant permettre la fin de ces usages qui "humilient les femmes et compromettent leur avenir".