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Gilchrist OLYMPIO serait-il le fossoyeur du changement au Togo? (Suite)

  CHAPITRE 3: Changement de stratégie ou mauvaise appréciation des données politiques?

Tout comme les interventions armées, régulièrement sabotées par les services secrets Français, notre volonté exprimée pour la démocratie et le changement n'aura pas suffit pour que Gilchrist soit intronisé au Togo en 1998. A 62 ans bien sonnés, avec un air qui frise la suffisance, mais ruiné financièrement par plus d'un quart de siècle de lutte et physiquement affaibli par l'attentat de Soudou, l'homme s'est en apparence assagi. Il a désormais compris que l'accession au pouvoir en Afrique et surtout au Togo se décide à l'Elysée et à Matignon; il faut donc faire l'âne pour avoir le foin. Aussi décidera-t-il de faire des efforts, sans trop y parvenir, pour dissimuler son arrogance caractérielle envers le régime et ses soutiens français. Du coup son vin vous paraîtra comme dilué au dix millième : il garde évidemment le même discours, le départ d'Eyadema sur un ton modéré avec cette fois des garanties et non une traduction en justice. Il aurait même entrepris des négociations avec Eyadema, mais loin des caméras, en vue de sortir le pays de la crise. Il n'y a d'ailleurs aucun mal en cela, seul un imbécile ne changerait pas. Mais cette ultime négociation n'accouche que d'une petite souris prématurée, tant les 2 camps sont divergents sur tous les points essentiels.

Opération séduction. Parallèlement, Gilchrist va chercher à être dans les bonnes grâces des services en charge de la gestion des affaires Africaines à l'Elysée et au Matignon. Profitant donc de son suivi médical à Val de Grâce, il transforme son appartement du XVIème arrondissement de Paris en résidence principale. Histoire de se rapprocher de la marmité où se mijotent les arcanes menant au pouvoir à Lomé. Mais en faisant tous ces efforts pour faire comprendre raison à Eyadema et surtout dans l'unique espoir de se faire accepter par la France, Gilchrist a sans doute surfé sur des vagues d'ignorances teintées de naïveté primaire.

Tout d'abord, le fait d'avoir méprisé ouvertement le commanditaire du meurtre de son père, il s'était mis l'Etat Français lui-même au dos. C'est tout comme un enfant qui, piqué par une abeille, se laissait emporter par une colère incommensurable et jette la pierre sur l'essaim d'abeilles. Malgré qu'il connaisse bien ses insectes, il n'a pas toute la mesure des conséquences de son acte. Evidemment, sa pierre n'atteindra pas l'ensemble des abeilles mais en représailles à cette provocation n'importe quelle insecte cherchera à lui laisser son dard et malheureusement elles ne ménageront pas ses compagnons et autres flâneurs innocents.

Ensuite, les gens au Quai d'Orsay et à l'Elysée n'étant pas dupes, il est for à parier que les quelques relations qu'il y est parvenu à tisser ne seront pas sincères. Néanmoins comme les Français sont bien éduqués et que tout le monde dans ces services connaît bien le caractère inique du régime en place à Lomé, par politesse, ses "amis" Français le soutiendront oralement. Probablement ils lui feront comprendre qu'il avait de bonnes raisons de combattre ce régime et que ce droit devait lui apparaître comme un devoir. Cependant, de-là aller jusqu'à croire que ces personnes passeront à l'action en mettant leur main à la pâte pour l'aider à prendre le pouvoir à Lomé, est un rêve qui ne devait pas être permis même pour une personne qui dormirait debout. Tout simplement parce que parmi les règles "liturgiques" établies dans ce qu'on appelle, depuis feu tristement célèbre Jacques Foccart, "la cellule Afrique" figure la raison d'Etat. Elle apparaît plus forte que tout et ce n'est pas une simple amitié de circonstance qui ferait un précédent. D'ailleurs depuis l'affaire Sylvanus, Gilchrist de part sa position figure sur une liste rouge de l'Etat Français.

Enfin, il n'est plus un secret pour personne que l'actuel président Français, Jacques Chirac, entretient des relations on ne peut plus ambiguës avec les dictatures Africaines en général et les Gnassingbé en particulier. Mieux, dire qu'un pacte pouvait le lier à Eyadema est un pas de plus que je me refuse de franchir. Visiblement Chirac a toujours évité de contrarier son ami personnel de son vivant et même mort il continue de respecter son cadavre. Pour ce qui est de Gilchrist, à chacune de ses tentatives forcées ou légales de prise de pouvoir au Togo, il a toujours eu le malheur de retrouver la droite ou Chirac sur sa route soit à Matignon ou soit à l'Elysée.

Ainsi, en considérant tous ces éléments, point n'est besoin de forcer pour comprendre que tout semble depuis réuni pour que Gilchrist ne parvienne jamais à avoir les reines du pouvoir à Lomé. Cela apparaît perceptible à des années lumières comme un nez sur le visage. C'est tellement évident et de surcroît vrai que Gilchrist lui-même devait s'en rendre compte. Mais l'obsession du pouvoir fera qu'il va flatter son ego en considérant certains actes posés par la France en sa faveur.

Guerre civile. En effet, le fait que la France se soit précipitée pour lui sauver la vie après l'attentat de Soudou dans ce prestigieux hôpital Val de Grâce, serait interprété par Gilchrist comme des signaux de sympathie et une adhésion à sa cause. Ce qui est loin de la réalité, car l'humiliation d'Eyadema à la Conférence Nationale Souveraine sous les cameras internationales avait chargée électriquement l'atmosphère politique du pays. Pour retourner la vapeur en sa faveur, Eyadema rendit le pays ingouvernable par des assassinats ciblés (Amorin) et enlèvements (Bruce). Il franchira le rubicond dans la nuit du 3 au 4 décembre 1991 en faisant attaqué la primature par son frère Toyi. Ces coups d'obus tirés sur Koffigoh auront pour conséquence le marquage de la polarisation du champ socio-politique. Ainsi, la France aurait craint que la mort de Gilchrist ne soit l'étincelle qui rendra explosive la réaction alchimique entre le nord et le sud et fera basculer le Togo dans le précipice de la guerre civile.

D'autre part, la récente intervention de l'Elysée pour que Eyadema lui restitue son passeport Togolais lui fera confondre les serviettes et les torchons. Il l'aurait probablement pris pour l'efficacité des quelques relations qu'il entretiendrait au Quai d'Orsay et à l'Elysée. Ce qu'il ignore réellement, c'est qu'un second conflit dans un Territoire d'Outre-mer (entendez Afrique noire Francophone) pour histoire de nationalité alors que la France ne maîtrise pas encore celui actuellement en cours en Côte d'Ivoire, non seulement ferait une mauvaise publicité à sa politique en Afrique mais aussi contraindrait la France à une grande mobilisation en forces humaines et en moyens financiers. Aussi l'Elysée aurait-elle exercé d'énormes pressions pour faire plier le "Timonier" Togolais, bien que convaincue que Gilchrist n'ait plus suffisamment de moyens pour se payer une rébellion armée.

Chantage Français. Grâce à son interprétation étriquée du jeu que joue la France dans notre pays, Gilchrist vient de commettre l'ultime erreur qui nous a été fatale. Surpris par la mort soudaine, mais prévisible d'Eyadema, il avait traîné près d'un mois à Paris, probablement sur les conseils de ses amis Français de la Cellule Afrique, avant de se replier sur sa base d'Accra quand il était question de choisir le candidat unique de l'opposition. C'est alors qu'il apparaîtra à ses yeux les limites de l'efficacité du téléphone dans ce genre de situation. Il faut donc rencontrer physiquement toute personne qui pourrait aider les Togolais à chasser les rejetons d'Eyadema du pouvoir. Naturellement sa priorité va à Obasanjo mais dans la foulée il néglige les autres dinosaures notamment Kérékou et Compaoré malgré les rapports séculaires qui lient le peuple Togolais à ceux des pays limitrophes du Togo. Il est vrai que le Nigeria à lui tout seul peut jouer au gendarme de la sous-région. D'ailleurs Obasanjo n'avait-il pas, quelques semaines auparavant, menacé Faure d'envoyer des troupes Nigérianes à Lomé pour l'obliger à quitter le pouvoir? La France connaissant bien la force de frappe d'Abuja avait pris cette menace au sérieux. Pendant que Gilchrist tergiversait à Paris, elle abat son as de coeur pour réduire au silence certaines personnalités Africaines qui ont pris des positions en faveur de la démocratie au Togo. De simple coups de fil teintés de menaces auront suffit pour obtenir le silence radio de Wade et Konaré sur le dossier Togolais. Alors, comme une pie chanteuse la France abat son as de trèfle pour faire chanter Obasanjo en positionnant le Sénégal sur la ligne de départ pour le poste au conseil de sécurité de l'ONU que convoite le Nigeria. Bien que le Sénégal ne puisse pas faire le poids devant la candidature du Nigeria, Obasanjo prit peur de ne plus pouvoir bénéficier des voix des pays francophones. A travers ce chantage la France oblige l'homme fort d'Abuja à revoir sa position sur le dossier Togolais. Désormais celui qui déclarait un mois plus tôt accordé zéro tolérance aux coups d'état en Afrique, se rétracte et résume sa mission à l'unique retour à l'ordre constitutionnel au Togo. Il le fera comprendre à Gilchrist lors de leur rencontre à Abuja en début mars. Il ira même loin en déclarant à Gilchrist que l'élection présidentielle n'était pas une solution à notre problème. Drôle de paradoxe pour celui qui se positionne en donneur de leçons en matière de démocratie en Afrique. Malgré ce schéma qui se dessinait sur notre dos, Gilchrist n'aura pas la bonne appréciation de la situation pour pouvoir décoder les indices du message de Obasanjo. Pis encore avant de retrouver son QG d'Accra, Gilchrist aurait commis un impair de plus en sollicitant le soutien financier d'Abuja. Il ne fallait plus que cet acte pour que Obasanjo trouve une faille dans le brasier Togolais pour redorer son blason auprès de Paris.

Démocratie. Une fois dans sa base d'Accra Gilchrist fait durer le suspens comme s'il était à la recherche d'une solution miraculeuse. Il fait semblant d'avoir saisi la portée de notre volonté d'en finir avec le régime nazi du RPT. Mais fait la sourde oreille à l'appel de la jeunesse et de la société civile pour la candidature de Gnininvi ou Péré. Mieux il exhibe sa définition tronquée de la démocratie avec ses critères ethnocentristes d'opposants pour frustrer certains parmi ceux qui ont su mobiliser la population pendant qu'il était au frais dans son appartement parisien. Il réussira tout de même à apaiser les tensions et éviter la fronde de la jeunesse en recevant le président de la NDP, Atsu. Alors plus d'un se mettent à penser que l'homme sera mu par une grandeur d'esprit et raisonnablement il va proposer une sage et intelligente candidature qui permettrait non seulement de libérer le Togo mais aussi de sceller les bases d'une union de tous ses fils. Mais c'était mal connaître cet homme dont la principale hantise est de passer coûte que coûte par la présidence au Togo. Conscient du fait que même une chèvre pourrait être élu à la place d'un Gnassingbé, son calcule politique se résumait en ces termes : ce que Koffigoh à refusé de faire, Akitani, le plus fidèle des fidèles, le fera. Sous le prétexte d'opérer une transition il nous impose sa doublure Akitani Bob à l'élection du 24 avril. Son raisonnement arithmétique digne d'un assoiffé du pouvoir était de donner, à la fin de cette période transitoire de 2 ans, la même chance à tous les leaders de l'opposition en course pour la présidence de la république. En choisissant Akitani, il savait qu'à 75 ans s'il arrivait que ce dernier prenait goût aux plaisirs du pouvoir, sa santé finirait par avoir raison de lui. D'ailleurs le RPT s'était préparé à rejeter cette candidature pour les mêmes raisons de santé d'Akitani, mais Obasanjo l'en dissuade de jouer au jeu de la démocratie. En parallèle, afin d'obliger Gilchrist à persister dans cette logique, Abuja lui donne des garanties que la candidature d'Akitani sera retenue. Visiblement, en bon sorcier de l'ancien royaume d'Oyo, Obasanjo avait déjà les résultats des élections qui n'ont pas encore eu lieu. Pour faire passer son plan, il convoque à Abuja le jour même des élections Gilchrist à présenter son Premier Ministre au Président Faure. Après des tractations, Gilchrist reconnaît Faure comme Président mais celui-ci refuse de prendre son beau frère au poste de Premier Ministre. Le reste de l'histoire, tout le monde le connaît. En réalité Gilchrist n'avait-il pas d'autres solutions que Akitani? Pourquoi avoir imposé Akitani tout en sachant que celui-ci n'avait pas la force physique d'assumer cette haute responsabilité? Pense-t-il que 2 années de transition suffiront pour passer l'éponge sur 42 ans de dictature d'Eyadema? Pour qui lutte-t-il réellement, pour sa famille ou pour le peuple Togolais? Pourquoi les autres membres de l'opposition se sont-ils laissés faire? Que va-t-il faire maintenant qu'il a vraiment compris que la France ne voudrait ni de lui, ni de son beau frère et encore moins de sa doublure? Pourquoi n'avoir pas exploité plus tôt la carte du vice Premier Ministre Français Nicolas Sarkozy, notoirement connu comme adversaire de Chirac? Quelle est désormais la marge de manœuvre de Gilchrist maintenant qu'il entame ses 70 ans?

… à suivre…


Bordeaux, le 10 juillet 2005
Mohammed YOUSSIF
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