Avec sa voix veloutée, il a rappé sur Adjo et Senyé, des compositions de Dodji Alédjo et de l’immortelle Georgette Bella Bellow en leur donnant une nouvelle sonorité. Adulé par le public, les chansons d’Eric MC sont autant écoutées, fredonnées, dansées ici et là en boîte, dans les bars et restaurants, dans les ménages et au volant.Pour mieux imposer son empreinte dans l’univers du show-biz, l’artiste s’est récemment rendu en Europe. Histoire de donner une dimension internationale à sa carrière, nouer des contacts et réaliser des clips vidéo. A peine retourné à Lomé, il a dû s’enfuir pour se réfugier à l’étranger.
Sans trop le savoir, Eric MC était de très longue date dans l’œil du cyclone. Et de sources dignes de foi, un plan visant son kidnapping serait programmé au moment même où l’intéressé était en séjour en Europe. Pour passer à l’action, les instigateurs ont attendu le retour au Togo du chanteur le 14 avril dernier. La proie ainsi programmée, a passé entre les mailles du filet à lui tendu par des inconnus apparentés à une milice proche du pouvoir Rpt. Une de ces milices qui troubleraient le sommeil des pauvres citoyens, en semant de la terreur un peu partout à Lomé et ses environs.
Une fille pour surveiller les mouvements de l’artiste
A l’origine du plan ourdi contre la personne du chantre du Gorovodou Rap, une ancienne candidate à l’élection Miss-Togo, ce concours de beauté annuellement organisé à Lomé. Régulièrement domiciliée dans le quartier Togo 2000, la fille X aurait eu pour mission de suivre les allées et venues d’Eric MC dès son retour à Lomé.. Pour mettre le grappin sur l’artiste, toutes les tentatives furent utilisées. Ayant flairé le danger, le rappeur connu pour ses prises de position très critiques contre les pouvoirs publics togolais, n’a pas daigné répondre au rendez-vous que lui a fixé la fille à l’aéroport de Lomé, rebaptisé Aéroport international général Eyadéma ( AIGE).
La fausse-copine d’Eric MC, avion- nous appris devrait y prendre ce 19 avril un vol en partance pour une capitale européenne. Tous les chats devenant gris à la tombée de la nuit, des inconnus doivent en profiter pour l’enlever. Au lieu de se présenter au lieu indiqué, le rappeur a plutôt choisi de prendre ses jambes à son cou. Pour se mettre à l’abri, Eric MC passa la nuit hors de sa maison avant de s’enfuir comme un lapin en direction d’un pays de la sous –région.
Y vit-il toujours et pour combien de temps? Difficile de l’affirmer. Car nos tentatives pour en savoir plus sur le pays d’accueil de l’artiste togolais, n’ont pas abouti.
La chanson au service de la conscientisation de la société
On ne peut pas plaire à tout le monde. L’artiste Eric MC est admiré par les uns à cause de son franc-parler. Pour les autres, c’est un rebelle. Et bien souvent l’intéressé a coutume de dire qu’il n’entend pas être un Adjamofo du mouvement du hip hop au Togo.
De son vrai nom Mensah Eric Ayaovi, alias The Blaak Nigga est un passionné du mouvement hip hop. Avant d’en devenir aujourd’hui un des piliers sur la scène togolaise, il s’était d’abord initié en Côte d’Ivoire puis au Nigeria au maniement de la platine et du micro. Outillé, il retourne au Togo où il fut tour à tour disc-jockey puis organisateur de concerts de musique Rapp sous le couvert du groupe Sound System.
Pour devenir artiste- rappeur, il fait ses armes au sein du King Sound, le premier groupe de Rapp au Togo Avec des amis comme Anaté alors DJ au Z Night Club à Lomé –Agbandahonou, Bad Boy, Glover alias Public Ennemy, Kodjogan dit Jezz. Et pour joindre les deux bouts, il exerce en qualité d’animateur des soirées dansantes, avant de faire en 1992 la première partie lors du concert animé par le Franco-tchadien MC Solaar au Palais des congrès de Lomé. Un coup de pouce pour le futur chantre du Gorovodou Rap.
On verra par la suite Eric MC lors d’une grande tournée par l’Ong PNLS à travers le Togo pour véhiculer le message de la lutte contre le Vih/ sida. Eric MC conquit les cœurs avec sa chanson « Love me Blague me »
Sorti du néant, l’artiste Eric MC passe actuellement pour l’une des idoles du public togolais. Au sein des clubs, sur les ondes, ses chansons sont à la bonne place. Se réclamant de la Old school du Rap togolais, The Blaak Nigga compte à son actif deux précieux albums.
Enregistré à Accra au Ghana, le premier album d’Eric MC intitulé « Adjamofo » constitue un best-seller avec la dizaine de titres qu’il compte dont Adjo, Love me blague me, Environnement vôtre, Kponon gain, Protection rapprochée, Schoolvi, La grève dans la cité.
Après une tournée nationale fort réussie en 2003, Eric MC a été fait lauréat de deux trophées lors du Togo Music Awards organisé la même année. Il a reçu la distinction de Meilleur album hip hop et celle de meilleur tube hip hop. Pour les connaisseurs, il est maître de cette tendance musicale au Togo.
Le 10 janvier 2005, celui qui n’entend pas être un Adjamofo du mouvement hip hop sur le sol togolais, met sur le marché un second album, Mimbo Mofo. Il s’agit d’un opus de dix titres dont la sortie officielle a été annoncée lors d’une conférence tenue au Centre culturel français de Lomé.
On peut y savourer Lonlon nya ( l’Amour) chanté en duo avec Wedy, une autre étoile montante de la chanson togolaise, Mimbo Mofo pour dénoncer ces filles à la tenue légère qui arpentent les villes africaines, Lododo en références aux prescriptions bibliques, Vivre positivement, un titre pour conscientiser l’opinion sur les ravages liés au Vih/ sida. J’oubliais Gangsta, ce titre révélateur pour fustiger ceux qui taxent les jeunes de voleurs et de brigands.
Jeune, Eric MC a la ferme conviction que l’avenir appartient aux gens de sa génération. Et que dans son pays le Togo, les jeunes s’efforcent avec beaucoup de détermination pour avoir une place au soleil. Mais ils n’y parviennent pas. Raison, ils sont grugés et écrasés par les pouvoirs publics qui les traitent de fianfito ( voleurs. Alors que tout le monde sait bien que ces derniers en tant que décideurs, détournent malheureusement les deniers publics à des fins personnelles.
Quelle est alors la spécificité d’un artiste ?
C’est d’être précisément à un endroit d’où il peut regarder la société pour la bousculer, la combattre et éventuellement l’aider. Quoi de plus normal !
The Blaak Nigga est un artiste qui n’a pas sa langue dans la poche. Et quand on est togolais, ce n’est pas aisé de ne pas vouloir regarder dans la même direction que ceux qui veulent faire de la gestion du pouvoir, une affaire clanique.
Durant son récent séjour en Europe, Eric MC avait sillonné plusieurs pays du vieux continent. Très sollicité, l’artiste a non seulement pris part au lancement d’une compilation de Rap Raga sur laquelle figure une de ses compositions. Il a été reçu en invité sur une station- radio, et en a profité pour présenter son nouvel album, sans manquer l’occasion de fustiger les pouvoirs publics togolais. Une main obscure aurait enregistré ses propos et envoyé une copie de la bande à Lomé, bien avant le retour d’Eric MC.
Doit-on toujours louanger les pouvoirs publics africains ? Pas du tout. Autrement, il faut les dénoncer. En France, les pouvoirs publics font feu de tout bois que la population ne manque pas de café. Ailleurs aux Etats unis, c’est la recherche sans commune mesure des zones pétrolifères ici et là à travers le monde. Pendant ce temps en Afrique, nos dirigeants luttent pour durer au sommet de l’Etat ou garder leurs privilèges mal acquis.
Face à une telle situation, les mélodies d’un artiste, ne doivent pas que traiter de la beauté de la vie. Il doit avoir à l’esprit que la nature est belle et que le monde est méchant et que tout artiste a un rôle social à jouer dans son milieu d’appartenance.
Hector Hihédéva
|
