Vous etes sur la version ARCHIVES. Cliquez ici pour afficher la nouvelle version de iciLome.com
 5:15:11 PM Jeudi, 28 Mars 2024 | 
Actualité  |  Immobilier  |  Annonces classées  |  Forums  |  Annuaire  |  Videos  |  Photos 


Présidentielles du 24 avril : Notes rédigées par la Délégation de l'Union Européenne au Togo

   
NDLR: Diastode.org reproduit ci-dessous un document rédigé par la Délégation de l'Union Européenne au Togo, le 27 avril 2005.


Scrutin électoral

La Commission Electorale Nationale (CENI) a proclamé le 26 avril à la mi-journée le résultat provisoire des élections qui donnent M. Faure Gnassimbé vainqueur avec 60,2% des votes (1 327 000 voix) contre 38,2% au candidat de la coalition de l’opposition, M. Akitani Bob (841 000 voix).

La CEDEAO a envoyé 150 observateurs. Toutefois ceux-ci n’ont pu être déployés qu’au dernier moment samedi 23 avril et n’ont eu pour mission que d’observer le scrutin proprement dit sans inclure les opérations de dépouillement. L’observation CEDEAO n’a pas porté sur deux étapes principales qui sont la révision des listes électorales et les opérations de dépouillement, au cours desquelles de nombreuses irrégularités ont été constatées. La CEDEAO a indiqué que le «scrutin a globalement répondu aux critères et principes usuellement admis en matière d’élection». Il est à noter que le RPT et la Coalition de l’Opposition s’accusent mutuellement de fraude.

L’analyse des données communiquées sur les listes électorales et l’observation menée à petite échelle par des missions diplomatiques à Lomé et en province, conduisent à constater de nombreuses irrégularités et à renforcer les présomptions de fraude massive. L’analyse des listes électorales fait apparaître un écart anormal entre le nombre d’inscrits et l’estimation de la population en âge de voter (+34% soit 900 000 électeurs présumés fictifs); ces écarts sont particulièrement importants dans les régions réputées favorables au parti au pouvoir (+75% soit 440 000 électeurs présumé fictifs); fait troublant c’est dans ces régions que le taux de distribution des cartes d’électeurs est exceptionnellement élevé (80 à 95%), que le taux de participation est exceptionnellement élevé (80 à 99%) et que le score de M. Faure Gnassimbé est exceptionnellement élevé (75 à 95%). A contrario sur Lomé, zone favorable à l’opposition, le taux de distribution des cartes d’électeurs est de 41% et le taux de participation de 35% seulement (390 000 électeurs inscrits n’ont pas voté ou n’ont pas pu voter).

Les observations faites par le personnel des missions diplomatiques et du PNUD le jour du scrutin ont conduit à confirmer l’absence de fiabilité des listes électorales, à mettre à jour un système semble-t’il généralisé de faux bulletins pré-imprimés en faveur du candidat Faure Gnassimbé et à confirmer de nombreux cas d’enlèvement d’urnes par les militaires au moment du dépouillement (images passées sur TV5, dans la préfecture de Tandjouaré 15 urnes sur 87 ont été saisies par les militaires). Par ailleurs dans de nombreux cas les représentants des candidats d’opposition ont été exclus des bureaux de vote et des opérations de dépouillement. La coupure des réseaux téléphoniques dimanche soir et la mise à sac du centre informatique de l’opposition n’ont pas permis à l’opposition et aux observateurs dépêchés par la société civile et les églises de faire leur propre évaluation des votes en temps réel.

Pour mémoire, le Ministre de l’Intérieur en charge de la sécurité et des élections, M. Boko, avait appelé vendredi 22 avril au report des élections pour prévenir des troubles graves et l’immiscion de l’armée dans le processus. Il a été qualifié d’irresponsable et remplacé immédiatement.

Situation suite à l’annonce des résultats

Les militants d’opposition ont réagi à l’annonce des résultats en sortant dans la rue pour manifester leur colère. Des émeutes ont éclaté à Lomé et dans plusieurs villes de province, donnant lieu à une violente répression, en cours ce 27 avril. L’opposition a déclaré qu’elle ne reconnaissait pas le résultat des élections et a dénoncé les fraudes. En milieu de journée M. Akitani Bob s’est auto-proclamé président et le mouvement de contestation se développe dans le pays.

La situation en matière de droits de l’homme et d’accès à l’information est préoccupante. La FIDH annonce au moins 7 morts et 30 blessés lors des incidents des 24 et 25 avril alors que le Gouvernement ne reconnaît qu’un mort. Le représentant de la FIDH a été témoin d’une exécution extrajudiciaire et un diplomate a été témoin de l’enlèvement de trois cadavres devant un bureau de vote à Lomé. Un bilan provisoire des émeutes des 26 et 27 avril fait état d’au moins 95 blessés et 11 morts – information confirmée par des sources hospitalières.

La violence est en train de se répandre à plusieurs quartiers de Lomé. Les forces spéciales de l’armée ont été aperçues à Lomé le soir des élections et l’armée est très présente en ville. Des miliciens du parti au pouvoir se déplacent armés pendant que les militants de l’opposition cherchent à s’armer (machettes, gourdins). Les intérêts et ressortissants français ont été particulièrement visés lors des émeutes du 26 avril qui ont éclaté à l’annonce des résultats. Un employé local de la Délégation de la Commission a été arrêté par des soldats, dépouillé de ses biens avant de pouvoir réussir à prendre la fuite.

Les communications et les medias sont empêchés. Les réseaux de téléphone portable puis fixe, de même que les liaisons internet, ont été coupés au Togo peu avant le début des opérations de dépouillement de vote. Un journaliste international a été refoulé avant le scrutin et deux autres ont été priés de quitter le territoire mardi 26 avril avant que cette décision ne soit rapportée sous la pression diplomatique. En l’absence de liaison téléphonique, il est devenu quasiment impossible de recouper les informations sur les résultats électoraux et d’apprécier l’ampleur réelle des violences et vraisemblables violations des droits de l’homme.