Vous etes sur la version ARCHIVES. Cliquez ici pour afficher la nouvelle version de iciLome.com
 2:34:25 AM Mardi, 19 Mars 2024 | 
Actualité  |  Immobilier  |  Annonces classées  |  Forums  |  Annuaire  |  Videos  |  Photos 


ABLODE: MOT DE PASSE MYTHIFICATEUR, MYTHE ET MYSTIFICATEUR (Deuxième partie)

 
Nous sommes à Ablogamé une après-midi chaude de l'an 92. Mr Antoine Folly, connu pour ses coups de gueule infâmants, lança dans un rugissement terrible de lion blessé:
- Ablodéééé! La foule frémit et répondit:
- Gbadja! (Total, complet, large). Notre héraut enragé enchaîna:
- Eyadéma démission!
- Démission, démission, démission!!! Gémirent nos frères, sœurs, mères et pères - traînant des vieillards diabétiques et hypertendus (des tensionnaires selon notre cru)-affamés et fatigués par une grève ruineuse qui n'en finit pas de finir. Puis, comme pour exploiter cet instant où la foule était encore «branchée» malgré la lassitude et le début d'une indifférence parfaitement compréhensible, messieurs les opposants se succédèrent rapidement, qui pour servir sa potée démagogique, qui pour beugler comme une vache qui vêle une absurde formule préfabriquée, qui encore comme cet énergumène, homme sans visage, qui vint lancer notre «ablodé» chéri, un peu déçu de n'avoir pas recueilli le«gbadja» qu'il attendait mais s'était tout de même contenté d'«Eyadéma démission, démission» et s'en est allé en se voûtant le dos; satisfait quand même d'avoir élevé lui aussi une stèle à la médiocrité dans les limites des bêtises permises au Togo.

Cette expérience montre à elle seule comment la connexion peut s'établir sur le plan connotative. Ablodé, c'est désormais la démission d'Eyadéma. Mais comment? Silence radio. Nos politiciens s'occupent d'abord des mots allumeurs. (Bien plus tard il nous a été rapporté que ce nouveau mot d'ordre n'était pas programmé et que Mr Folly aurait mis les «leaders» devant un fait accompli comme il le fera plus tard avec Edem Kodjo en 93, en retirant sur les ondes sa candidature aux élections présidentielles. Le développement de cette parenthèse de la prétendue folle félonie follienne ne nous sera pas utile dans notre travail).

Il faut rendre compte ici d'une autre connexion établie inconsciemment par quelqu'un qui était sacré grand opposant parce que, pour couper les arbres servant de barricade, il n'y avait pas son pareil. Le bûcheron du quartier de retour d'Ablogame déclarait avec force conviction «agbanvia la di», les armes vont tonner, «ablodé, Eyadéma démission, agbanvia la di». Allez comprendre quelque chose dans ce mélange abrutissant!

Nous sommes cette fois-ci dans le froid européen à Pinneberg dans l'État de Schleswig Holstein au nord-ouest de l'Allemagne, à une Conférence dont le Thème non dévoilé aurait pu être: "Promotion de la bêtise et Éloge à l'inutilité". La salle était «archi comblée» selon un charabia des organisateurs dont l'association que je présidais alors dans un désordre ordonné. Nous étions en plein parmi «les organisations farfelues aux sigles fantomatiques» à côté de petits «chefiots» nommés Président de Section d'un tel parti politique dont le nombre exponentiel de sections est difficilement recensable; tant certaines sections n'existent que dans leurs coins et le «Président» de section refuse de se faire connaître du «Bureau Fédéral», de peur de remettre le butin local qui devient substantiel quand un membre veut se faire «accompagner» devant la Justice (Gericht). Étaient présents, outre la masse qui était venue se désennuyer à ce concert-party vrai faux: trois ex- préfets et deux ex- ministres. Je nomme les ministres: Kokouvi Alphonse Massémé et David Ihou. Quand Mr Massémé lança, et c'est cet aspect seulement qui m'intéresse dans mon analyse, «ablodé», le public répondit enthousiasm,: «gbadja», et il dit ce qu'il avait à dire. Mais lorsque vint le tour du Dr Ihou, le public bâillait déjà aux corneilles et Monsieur n'est-pas ministre-qui-veut a cru bon de le ré exciter avec le passe partout:
- Ablodé gbadja!!!
- ouuuummm… Le Docteur regarda, hébété, ce public qui ne voulut pas de lui. Ce n'est qu'après qu'il réalisa l'erreur fatale: Trop pressé de recueillir son ovation, Ihou vola au public son gbadja. Il voulait le pain et l'argent du pain! Les deux se défièrent jusqu'à la fin. Bien sûr que par moment, on peut observer des bouches se fendre dans un condescendant sourire d'ilote.

Souvent aussi, pour sortir des blocages de raisonnement, on recourt au gentil dépanneur ablodé comme le Rpt-avant-tout - discipline des Laclé, Mivedor, Bill, Tchatchira et consort. J'ai pu observer ici en Allemagne comme d'ailleurs cela existe dans toute la diaspora togolaise, de piètres intellectuels terminer avec "ablodé!!!", un discours qu'ils ont à peine commencé. Ils sont en panne d'argument. Quand aux chefiots, c'est la coutume; la continuité dans l'ilotisme au rythme ablodé-gbadja!!!

CONCLUSION
Le mot «ablodé» ayant donc une histoire, il est tout à fait déplacé de continuer par raconter sa naissance. On ne peut même plus parler d'indépendance quand on continue par se traîner comme une loque dans les chancelleries à implorer l'aide des colons. D'ailleurs, la fonction iconoclaste mise en oeuvre, n'est que le fruit d'un cambriolage dont les auteurs ne sont autres que les vociférateurs qui ont manqué le train des revendications à son premier arrêt le 05 octobre 90 et son deuxième le 12 mars 91. Tout le reste n'est que littérature. Fait significatif; beaucoup de ceux qui ont utilisé ablodé au début du processus d'émancipation comme mot de passe mobilisateur et rassembleur, s'en sont débarrassé parce devenu trop encombrant. Mais le danger véritable réside dans un certain clanisme du mot dont le risque immédiat est la balkanisation politique et sociale. N'est-ce pas un de ces petits mots fascistes qui a perdu le Rwanda et aussi la Côte d'Ivoire récemment? Je m'en inquiète. Mon inquiétude est d'autant plus grande que n'importe quel quidam, pour peu qu'il sache insulter en piochant dans le répertoire de mots orduriers, s'arroge le titre de «grand opposant». Que dire de Agboti Mawuenam (disparu mais retrouvé ici en Allemagne) en train de donner des conférences publiques parce qu'il a chanté ablodé-gbadja?

Hambourg, Allemagne, 4 janvier 2004
Anani Alex Gomez