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Sauver le Togo !

Politique
 Le prototype de la race des dinosaures qui continuent de régner en maîtres en Afrique francophone est tombé. Pour toujours. Le général Eyadéma avait pourtant fini par créer dans l’imagerie populaire le mythe de l’impérissable. Aujourd’hui, on se fait fort de le proclamer malade depuis quelques années ; ce qui lui a valu une hospitalisation récurrente ces derniers mois. Pourtant de son vivant, personne n’avait osé dire qu’il souffrait de quoi que ce soit. On peut d’ailleurs parier que si un éditorialiste avait publié vendredi qu’il était souffrant, il aurait été arrêté et certainement écroué. Mais comme on ne cache pas la mort…
Oui, Eyadéma est tombé. Pour toujours. En le frappant de façon aussi soudaine, la mort vient ainsi rappeler que cette race qui pendant des décennies a vaincu la démocratie et ses apôtres, est probablement en voie de disparition. Elle rappelle donc à ces “ immortels ” qu’au-delà des coups d’Etat, de la contestation et autres méthodes utilisées pour chasser les dictateurs du pouvoir, il y a la voie divine ; celle contre laquelle ni l’état-major le plus sophistiqué, ni le marabout le plus chevronné, ni l’ordre le plus puissant, … ne peuvent rien.
Oui, Eyadéma est tombé. Pour toujours. Pourtant, à soixante-neuf ans, l’homme a joui de 38 ans de pouvoir sans partage, écrasant toute velléité de contestation, annihilant toute force progressiste, détruisant toute possibilité d’alternance au pouvoir et écartant de son champ de gouvernance politique tout dialogue contradictoire, tout débat démocratique. Eyadéma c’était l’homme de pouvoir, l’homme du pouvoir, l’homme au pouvoir, tout le pouvoir ; c’était l’homme-dieu du Togo. Même les espoirs du débat démocratique suscités par l’ouverture du début des années 90 en Afrique n’ont pas pu faire monter la mayonnaise politique dans son pays, alors qu’ils ont fait tâche d’huile partout où la démocratie semblait guillotinée. Chez lui, Eyadéma est resté de marbre. Il est demeuré sourd aux cris du peuple, avec le soutien occulte d’une certaine France dont certains dignes représentants peuvent se targuer, au nom d’on ne sait quel pacte, d’être “ les amis personnels ” du général-président. Mais aujourd’hui, l’homme n’est plus. Il a quitté le pouvoir. Ou mieux, le pouvoir l’a quitté. Inopinément.
Oui, Eyadéma est tombé. Pour toujours. A l’annonce de la nouvelle samedi soir, des voix de l’Afrique tout entière – malgré cette morale universelle qui voudrait qu’on ne souhaite point la mort d’autrui mais qu’on honore les morts – se sont élevées pour crier espoir. Dans leurs différentes interventions, elles semblaient se confesser en ces termes : “ enfin, la démocratie. ” Mais ces espoirs n’ont vécu que le temps de la confession. L’enthousiasme a été coupé net par cette espèce de coup d’Etat dont les Africains seuls ont la maîtrise. Défiant la disposition constitutionnelle qui voudrait que le président de l’Assemblée nationale prenne le pouvoir en pareilles circonstances – le temps d’organiser l’élection présidentielle à laquelle il ne se présente pas – l’état-major des forces armées a intronisé comme dans une dynastie Eyadéma fils qui, dans le gouvernement du père, occupait le poste de ministre de l’Equipement, et des télécommunications... Et le scénario à la Kabila s’est produit… même si le père de celui qui est aux affaires aujourd’hui en République démocratique du Congo (Rdc) prétendait réorganiser les institutions afin de remettre le processus démocratique en marche dans le pays. Sauf qu’ici, la situation est pire. Car en Rdc, il n’y avait presque pas de Constitution. De plus, le président était mort assassiné : c’est différent !
Oui, Eyadéma est tombé. Pour toujours. Quoique l’armée voudrait perpétuer son règne dictatorial à travers son fils, tirant argument de ce que le président de l’Assemblée nationale n’était pas au pays au moment où le destin l’appelait. Mais cette argutie n’a encore pu convaincre personne : il s’agit là, ni plus ni moins, d’un coup d’Etat.
Non ! Cela n’est plus admissible dans une Afrique où tout le monde semblait déjà dire : “ on donne une dernière chance à ceux qui ont attenté à la démocratie afin qu’ils se rachètent d’une manière ou d’une autre. ” Dans ce contexte où des esprits retors veulent perpétuer la mal-gouvernance généralisée, les Africains doivent se lever comme un seul homme pour dénoncer avec la dernière énergie ce chaos qu’on voudrait délibérément organiser. Aujourd’hui et bien présente à nos yeux, le cas de la Rdc dessine ce que pourrait devenir demain le Togo, si les forces progressistes ne l’emportent pas pour faire finalement triompher la Constitution.
Non ! cela est inadmissible. Le peuple togolais et l’Afrique démocratique sont blessés, choqués par ce théâtre de mauvais goût. Tout le monde espère que ce soit un rêve. Mais quand on voit la mobilisation de l’armée, l’acte d’allégeance posé par tout l’état-major devant le nouvel homme fort, on se doute bien que ce soit un rêve. En réalité, la couleuvre est trop grosse pour qu’on l’avale sans courir le risque d’être emporté. Si les forces vives d’Afrique – de l’intérieur comme de la diaspora – ne se mobilisent pas pour “ sauver le Togo ”, elles vont cautionner une pratique qui risque de s’institutionnaliser partout. Et demain, on ne serait pas surpris de voir un Ali Ben Bongo prendre le pouvoir au Gabon après le décès d’Omar Bongo, ou alors Franck Biya devenir chef de l’Etat camerounais après le départ de Paul Biya. La même chose pourrait se passer en Guinée-Equatoriale, ou au Tchad.
Non ! Il faut tuer le blasphème dans l’œuf !



Par Puis NJAWE
Le 07-02-2005