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Une marche de soutien qui a tourné à un drame inutile

Societe
 13 morts, 216 blessés : c'est le bilan officiel de la manifestation de soutien organisée par le régime le 20 novembre 2004. La version officielle dit également que le drame s'est produit à la suite d'une bousculade dans la foule des manifestants, et qu'une enquête est ouverte.

La marche de soutien aurait été prévue pour aboutir sur l'esplanade de la " maison du parti " ; mais l'itinéraire aurait été détournée par qui on ne sait, et aurait ainsi conduit la foule des marcheurs à Lomé 2. L'objet de l'enquête ainsi ouverte est probablement de savoir qui a détourné la marche, et qu'est-ce qui a provoqué la bousculade meurtrière devant les grilles de Lomé 2. Les Togolais savent qu'ils attendront longtemps les résultats de l'enquête.

Par la marche de soutien, les organisateurs voulaient aller féliciter Eyadema d'avoir fait reprendre la coopération avec l'UE et lui témoigner leur soutien. Cette pratique, qui relève des habitudes de la maison, ne surprend personne. On sait que le régime a profondément ancré les rapports Etat-Populations dans un culte hystérique de la personnalité. Mais en plus, la marche est en réalité une manière d'abuser l'opinion étrangère et une manière de mentir une fois de plus aux Togolais mal informés. Le 15 novembre, l'UE avait en effet déclaré qu'en raison de la " bonne volonté " et des " efforts " du régime pour tenir les 22 engagements, elle reprenait partiellement la coopération avec le Togo, mais que la reprise ne sera totale que si le pouvoir organise des élections législatives libres, transparentes et fiables.

Et pourtant, dès le 16 novembre, les hommes du régime avaient commencé à proclamer que la coopération est reprise, et cela grâce à Eyadema. Le parti au pouvoir avait alors mis en branle ses hommes dans la rue pour sillonner la capitale. D'autres manifestations du même genre furent suscitées dans d'autres villes. La manifestation qui avait conduit au drame le 20 novembre devait être le couronnement de ce mouvement. Et comme cela se passe dans ces cas depuis plus de quarante ans, on avait envoyé des camions dans toutes les directions ramasser des gens à l'intérieur du pays afin de faire foule autant que possible devant la résidence de Lomé 2.

Naturellement, le pouvoir s'est bien gardé d'expliquer les causes de la bousculade. Mais la rumeur, elle, ne s'est pas tue. Elle a informé que le chef de l'Etat se serait mis en colère en voyant toute cette foule affluer vers sa résidence. Il aurait alors donné l'ordre de fermer la grille et d'évacuer les lieux. Les " agents de sécurité " ne se seraient pas fait prier deux fois comme d'habitude. La bastonnade aurait ainsi provoqué l'affolement et la débandade. Dans un pays où l'information est monopolisée par le pouvoir, où le mensonge et la désinformation sont érigés en méthode de gouvernement, et où les journalistes sont acculés à l'autocensure et à l'auto flagellation, la rumeur devient forcément la source d'information essentielle pour la population. Et dans le cas général, elle comporte toujours une part de vérité.

La folle rumeur dit d'ailleurs que, pour convaincre ceux qu'on est allé ramasser de près et de loin pour la circonstance, on leur aurait fait comprendre qu'à la fin de la marche, on distribuerait aux participants l'argent que l'UE vient de donner grâce à la reprise de la coopération. Il se trouve que la distribution d'argent à la fin des manifestations de soutien à Lomé 2 est devenue depuis longtemps légendaire dans le pays ; et que souvent, les " agents de sécurité " n'hésitent pas à manier le gourdin, soit pour maintenir l'ordre soit pour chasser les gens avant la fin de la distribution. Dans ces cas, les habitués des lieux s'en tirent presque toujours honorablement. Mais pas les autres ; surtout quand il s'agit de personnes ramenées fraîchement de l'intérieur pour faire foule comme ce fut le cas le 20 novembre.

Ce qui est plus grave dans l'histoire, c'est le mensonge délibéré sur lequel repose le drame. L'UE n'a pas dit qu'elle reprenait la coopération avec le Togo mais qu'elle le ferait sous la condition que le régime organise des élections libres, transparentes et équitables. Pourquoi donc les hommes du régime ont-ils fait croire à la reprise de la coopération, et pourquoi organisent-t-ils des marches et des réjouissances publiques ? L'UE aurait-elle dit en public ce qu'elle n'aurait pas dit dans les cabinets capitonnés des ministres du régime ? On le croirait pourtant difficilement.

Fait à Lomé, le 22 novembre 2004
Pierre Servan


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