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Reprise partielle de la coopération UE-TOGO

La Une
 L'UE a déposé ses conclusions le 15 novembre 2004. Elle estime que le régime a fait des efforts en matière de démocratie et de respect des droits de l'homme. Elle s'est prononcée pour une reprise partielle de la coopération. Elle a conditionné la reprise totale par l'organisation d'élections libres, transparentes et équitables.

Le régime et ses hommes estiment que le fait est accompli et qu'ils ont gagné. Dès le 16 novembre, le parti au pouvoir s'est mis à organiser des marches de soutien pour féliciter Eyadema, remercier l'UE et exprimer sa joie. Comme d'habitude, les media publics sont mis à contribution. Naturellement, le discours a réaffirmé qu'Eyadema avait commencé à démocratiser dès avant 1980, que la situation chaotique dans laquelle se trouve le pays est due à l'insurrection du 5 octobre 1990 et que la responsabilité de cette situation incombe donc à l'opposition.

On s'attendait à cette position de Bruxelles. L'UE ne peut pas maintenir indéfiniment la suspension de sa coopération avec le Togo. Des impératifs, qui dépassent le cadre du problème togolais, exigent qu'elle finisse par "normaliser" d'une façon ou d'une autre ses relations avec le régime, que ce dernier demeure en réalité dictatorial ou non. C'est pour cela que la procédure des consultations avait été lancée le 14 avril 2004, avec à la clé cette condition des 22 engagements souscrits de si bon gré par le régime.

L'UE ne peut donc pas se mettre à couper les cheveux en quatre dans cette situation. Il suffit que le régime fasse semblant, qu'il manifeste de la " bonne volonté ", qu'il fasse des " efforts ". C'est ce qui s'est passé en réalité. L'empressement mis par le pouvoir à accepter les 22 engagements à Bruxelles ne laissait aucun doute. En plus, le caractère vague de certaines des dispositions et l'imprécision des concepts font des 22 engagements une source de confusions d'où le régime peut tirer ce qui va dans son intérêt. Ils sont en plus une source de désaccords irréductibles entre le pouvoir et l'opposition démocratique.

L'appréciation de la " bonne volonté " et des " efforts " ne repose sur rien de concret et de vérifiable. Les 22 engagements ne prévoient rien dans ce sens. Tout est laissé à l'initiative des membres de la commission chargée de suivre la situation. Bien entendu, on ne saurait mettre en doute l'impartialité des membres de la commission, ni leur grande sensibilité aux valeurs démocratiques. Mais ils ne vivent pas sous le régime de dictature. Ce sont les Togolais qui subissent au quotidien l'oppression dictatoriale dans leur chair depuis plus de quarante ans. Les Togolais, eux, ont ainsi de bonnes raisons de ne pas faire confiance à la " bonne volonté "et aux " efforts " du régime.

Les seules dispositions qui auraient pu permettre de constater et de mesurer la " bonne volonté " et les " efforts " du régime concernent l'engagement 1.1 relatif à la reprise du dialogue avec l'opposition (Dans le but d'assurer le plein respect des principes démocratiques, annonce sans délai d'une reprise ouverte et crédible du dialogue national avec l'opposition traditionnelle et la société civile, dans un cadre structuré et transparent.) et l'engagement 1.3 relatif au réaménagement du cadre électoral (Engagement de procéder, en parlant de l'Accord Cadre de Lomé, à une révision du cadre électoral, garantissant un processus électoral transparent et démocratique et acceptable pour toutes les parties, dans un délai de six mois.)

Il s'est trouvé que ce sont justement sur ces points que le régime tergiverse jusqu'à présent, comme il l'avait fait dans le passé au moment du dialogue inter-togolais rompu par le pouvoir le 5 mai 2002. Depuis le 14 octobre 2004, personne ne parle plus du dialogue tapageusement ouvert le 27 mai. Désaccord sur l'interprétation du cadre électoral. Désaccord sur l'avant-projet de code électoral élaboré par le comité de réflexion créé par le gouvernement le 30 juin 2004. Le cadre électoral n'est pas réaménagé. L'avant-projet de texte a conservé toutes les dispositions prises unilatéralement par le régime depuis 1976 pour plomber les urnes et organiser la fraude. On ne peut pas faire des élections libres, transparentes et équitables sans que ces dispositions ne soient préalablement remises en question.

Dans une situation où le régime en place met tout en œuvre pour se pérenniser, les élections ne sont d'ailleurs pas en soi un critère de démocratie, pas plus que ne l'est une assemblée élue dans ces conditions. Dans ces conditions, elles ne sont rien d'autre qu'un moyen insidieux pour maintenir le régime en place. C'est ce qui s'est passé au Togo depuis 1993. Les hommes de Bruxelles le savent bien. Les Togolais aussi.

Les Togolais en opposition au régime de dictature ne revendiquent pas les libertés démocratiques pour le principe ou par caprice. Ils les revendiquent pour que les ressources nationales ne soient plus pillées, mais qu'elles soient au contraire gérées en vue du développement du pays. Ce qu'ils veulent, c'est la démocratie pour le développement. Ils savent que l'argent injecté dans le pays sans un changement préalable de la situation politique ne contribuera pas au développement, mais reprendra seulement les canaux habituels de dilapidation, de concussion, de gabegie, de surfacturation... Ils le savent pour en avoir fait l'expérience pendant 27 ans, de 1963 à 1990 et plus tard encore. C'est pour cette raison qu'ils se battent pour un changement réel. Et ils continueront de se battre pour cet objectif même si l'UE décide de reprendre sa coopération avec le régime.

Fait à Lomé, le 20 Novembre 2004

Pour le Bureau Exécutif National
Le Premier Secrétaire
Prof. Emmanuel GU-KONU