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Drame au Togo: Reportage complet

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  Drame au Togo: Reportage complet:
UE-Togo : La marche de soutien qui tourne au drame à Lomé
Alain Nococo

A peine la décision atterrit sur les bureaux du gouvernement togolais, que déjà le lendemain, des manifestations sont organisées ça et là par les partisans du pouvoir togolais pour, dit-on, d’une part saluer la décision courageuse de l’UE de reprendre sa coopération avec le Togo et d’autre part réaffirmer leur attachement au président Eyadema qui a toujours œuvré pour le rétablissement de la coopération de l’UE avec le Togo.

Ce sont les jeunes du Rassemblement du Peuple Togolais (RPT), parti au pouvoir qui ont ouvert le bal le mardi 16 novembre dernier dans l’après midi par une caravane qui a sillonné toutes les artères de la ville de Lomé et a atterri devant les bureaux du chargé d’affaires de la délégation de l’UE à Lomé où le porte parole a indiqué la raison de cette descente spontanée dans les rues. Pour Charles Passou, il s’agit, de remercier l‘UE d’une part et la classe politique qui, à travers sa volonté, a œuvré pour donner ce résultat, un espoir que toute la jeune togolaise a nourri.

Des chefs-lieux des préfectures, des sous-préfectures en passant par les cantons, gros villages, villages et hameaux, ce furent d’intenses moments de gloire et d’allégresse. Des marches de soutien sanctionnées par des déclarations et autres motions furent organisées à la va-vite ; chacun voulant être le premier, rivalisant d’ardeur et d’ingéniosité pour ne pas être taxé de tel ou tel.

Après ces scènes de liesse dans les préfectures pour saluer cette ‘’décision historique’’, toutes les "forces vives de la nation" devraient se retrouver à Lomé pour la grande caravane qui devait avoir pour point de chute les jardins de la résidence privée du chef de l’Etat à Lomé 2. C’est ainsi qu'on a appris déjà la veille, de sources autorisées, qu’une note circulaire avait fait le tour de certains services publics et privés appelant les travailleurs de toutes catégories à sortir massivement pour aller témoigner leur reconnaissance au président de la République.

Très tôt le matin de ce samedi 20 novembre, vers six heures déjà, des foules arborant des T-Shirts à l’effigie du chef de l’Etat, des travailleurs habillés de tricots aux couleurs de leur société et les inconditionnels conducteurs de taxi-moto Zémidjan se sont retrouvés au niveau de la colonne de la Paix. Au son des tam-tam et des castagnettes et brandissant les pancartes vantant la reprise de la coopération et louant les mérites du chef de l’Etat, les manifestants avec devant eux les zémidjans tout de blanc habillés ont parcouru le boulevard Eyadema pour aboutir à la résidence privée du Général- Président sise face à l’Université de Lomé.

Sommes-nous d’accord avec notre confrère Remy Banafey DP de Togo-Presse que le Togo vient de renouer avec l’UE, laquelle avait brûlé les ponts avec notre pays depuis 1993 et qu’il faille donc que les Togolais dans leur ensemble exultent ? Non, car l'heure de sabler le champagne n’est pas encore arrivée. Il est question de faire une lecture appropriée de cette décision, l’expliquer aux populations en majorité analphabètes, tirer les leçons pour rectifier le tir que de se lancer dans une campagne de désinformation aux conséquences fâcheuses.

Apparemment, les manifestants venus de tous les coins du pays en majorité des jeunes et des femmes semblaient n'avoir rien compris de la nouvelle donne ni du travail qu’on leur demandait. Leur seul souci, c’est de sortir des jardins de Lomé 2 avec des billets de banque flambant neufs qu’on leur avait fait miroiter lors des ‘’marches régionales’’ pour, un tant soi peu, résoudre certains de leurs multiples problèmes par ces temps de crise généralisée. Certaines sources parlent de 30.000 FCFA par personne ayant fait le déplacement de Lomé 2. Ce qui justifierait le nombre de personnes estimé à plusieurs centaines de milliers de personnes qui a convergé ce samedi 20 novembre 2004 vers les jardins de Lomé 2. Avant même que le maître des lieux ne sorte de son bureau pour écouter ce que les forces vives de la nation sont venues lui apporter, le drame s’est déjà produit.

Selon les témoignages recueillis auprès des témoins rescapés, c’est suite à une bousculade à l’entrée de la résidence que tout a commencé. Débordées par la foule et devant des personnes qui tombaient essoufflées, les forces de l’ordre qui assuraient la sécurité au niveau du portail, ont dû fermer le portail. Devant le nombre croissant de victimes et de blessés, qui s’enregistrait, elles ont dû rouvrir le portail. Et dans ce ‘’sauve qui peut’’ on a encore enregistré des victimes et des blessés.

Devant l’ampleur du drame, un comité ministériel de crise comprenant les ministres de la Santé, Mme Suzanne Aho, de l’Intérieur et de la Sécurité, le chef d’escadron François Boko et de l’Enseignement Supérieur, le Prof. Charles Agba a été mis en place. Sa première mission a été de se rendre au CHU de Tokoin où des victimes et blessés de la bousculade ont été transportés. Là, les trois ministres se sont rendus à la morgue pour prendre connaissance du nombre de morts, et ils ont visité des blessés pour s’enquérir de leur état de santé.

A leur sortie de la morgue et des salles où les blessés sont admis, le Prof Charles Kondi Agba a tenu des propos plutôt rassurants à la presse. Répondant à une question d’un journaliste sur le nombre exact des morts et de blessé, le ministre a déclaré : chers amis, je vous dis qu’on dénombre exactement 13 morts et pas plus et 216 blessés dont trois cas graves. Les autres blessés après quelques soins seront bientôt libérés.

Les propos du ministre contrastent avec la réalité sur le terrain. Alors que nous étions encore dans l’enceinte du CHU, après le départ des ministres, d’autres blessés dont nous n’avons pas pu identifier ni connaître la gravité de l'état, continuaient par être évacués par des taxis privés. D’ailleurs, le ministre n’avait fait que reprendre le communiqué du gouvernement qui parle de 13 morts et de plusieurs blessés.

Mais d’après des sources concordantes, le bilan de cette tragédie s’élèverait à des centaines de morts, certaines familles préférant retirer leurs morts avant les décomptes. Hier soir, c’est –à-dire- samedi 20 novembre 2004, vers 21 heures, trois corps ont été amenés portant le nombre à 195 morts. Une information confirmée par les responsables de la morgue du CHU Tokoin que nous avons contactés.

C’est dire donc que c’est un gros mensonge orchestré par le pouvoir qui donne le chiffre 13 pour cacher la vérité aux populations togolaises touchées au plus profond de leur âme par cette tragédie qu’on pouvait éviter.

Triste Togo !

Alors que partout dans le monde, les choses évoluent, le Togo s’illustre négativement par des pratiques rétrogrades et qui ont fait leur temps et qui n’ont pas droit de cité à l’ère de la mondialisation et de la bonne gouvernance. En tout état de cause, le pouvoir du Général Président sort durement affaibli par ces événements qui ont endeuillé le peuple togolais. Reprendra-il les mêmes pratiques. C’est la question que les Togolais se posent aujourd’hui. Mais comme les habitudes de la maison ont la vie dure…..

Les populations togolaises quant à elles doivent comprendre que la recherche du gain facile a un lourd tribut à payer. La solution à tout problème se trouve au bout de l’effort. Et il faudra y repenser sérieusement.

Rappel:
Le 15 novembre dernier, le Conseil des ministres de l’UE a, dans le cadre des consultations ouvertes le 14 avril 2004 entre les autorités togolaises et l’UE au titre de l’article 96 de l ‘Accord de Cotonou, décidé d’abroger la décision du 14 décembre 1998 du Conseil et de la Commission de l’UE, maintenant la suspension de la coopération suite à la présidentielle frauduleuse de juin 1988. Cette décision qui lève l’embargo qui frappait le Togo depuis une dizaine d’années est toutefois assortie d’une liste de conditionnalitées adressées au Premier ministre de la République togolaise, celui-là qui a conduit les négociations au nom de son pays.

Il ne faut pas être un expert de l’UE ou un spécialiste du droit international pour comprendre les termes utilisés par le conseil des ministres. Naturellement, quand on veut prendre de nouvelles dispositions qui régissent une situation donnée, on abroge les dispositions antérieures ; et c’est ce que le conseil des ministres de l’UE a fait en prenant soin d’annexer à cette décision une lettre au premier ministre qui contient des repères précis dont l’application stricte la déterminera à reprendre sa coopération avec le Togo ou pas. L'institution européenne se réservant le droit «de modifier les mesures appropriées.»



Voici le communiqué suite à ce drame

COMMUNIQUE DU GOUVERNEMENT

Le 15 novembre dernier, l’Union Européenne a décidé de reprendre sa coopération avec le Togo après près de 12 ans de sanctions économiques.

Dès l’annonce de cette reprise de la coopération les populations togolaises ont spontanément manifesté leur enthousiasme à travers tout le pays.

A l’appel de plusieurs partis politiques, d’associations et d’ONG, les populations de Lomé et de ses environs se sont mobilisés ce matin pour témoigner leur reconnaissance et leur joie à l’UE et leurs soutien et remerciements au chef de l’Etat.

Les organisateurs ont été débordés par l’affluence monstre révélatrice du sentiment d’allégresse du peuple togolais. Estimés à plusieurs centaines de milliers, les manifestants ont déferlé sur la résidence du chef de l’Etat trop exiguë pour la circonstance.

La précipitation des manifestants a provoqué des bousculades occasionnant plusieurs blessés graves dont certains ont succombé à leurs blessures.

Le bilan de cette catastrophe est actuellement de 13 morts.

Devant une telle situation la manifestation a été reportée.

Le chef de l’Etat a donné des instructions pour l’ouverture d’une enquête afin de déterminer les causes de cette tragédie. Il adresse ses sincères condoléances et sa compassion aux familles des victimes et souhaite un prompt rétablissement aux blessés.

Lomé, le 20 novembre 2004
Le Gouvernement