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Le bout du tunnel ?

 A Lomé, tout commence et tout finit par des prières. C'est donc par un office religieux oecuménique, le 16 avril, au Palais des congrès, que le président Eyadéma a tenu à célébrer l'ouverture tant attendue des négociations entre le Togo et l'Union européenne (UE) après onze années de rupture. L'avant-veille, mercredi 14 avril, à Bruxelles, à l'issue d'une séance de trois heures ressemblant à un grand jury d'examen avec questions et réponses, la délégation togolaise conduite par le premier ministre Koffi Sama, le président de l'Assemblée nationale Fambare Natchaba et le ministre Faure Gnassingbé, fils de son père, avait conclu vingt-deux engagements dont la mise en oeuvre devrait déboucher sur une reprise pleine et entière de la coopération d'ici à la fin de 2004. Un tournant « historique », surtout s'il s'accompagne d'une ouverture sans précédent du régime.

« L'UE, c'est un peu comme un supertanker, commente un observateur. Pour lui faire changer de direction, il faut du temps et de l'espace. » D'où le calendrier d'application très strict auquel les experts de la commission au développement que dirige Poul Nielsen ont soumis les autorités togolaises. Ces dernières seront tenues de fournir deux rapports d'étape au 1er juin et au 1er juillet avant que la commission se décide, après évaluation, à proposer aux pays membres de l'Union ce nouveau départ espéré par les cinq millions de Togolais. Une sorte de mise sous tutelle provisoire, au cours de laquelle Lomé devra apporter les preuves de son respect de la démocratie, de l'État de droit et des vingt-deux engagements solennels auxquels son Premier ministre a souscrit.


Plusieurs de ces engagements sont considérés par la partie togolaise comme d'autant plus aisés à appliquer qu'ils sont en réalité déjà réalisés. Il n'y a plus au Togo de prisonniers politiques stricto sensu ni d'exécutions extrajudiciaires, l'accès aux sites Web - y compris ceux de l'opposition - y est entièrement libre, la torture et les traitements inhumains y sont considérés comme des délits, etc. D'autres devront l'être : il faudra ainsi supprimer du code de la presse les peines de prison pour « diffamation et atteinte à l'honneur » contre les journalistes, veiller à l'accès de tous aux médias publics et faire en sorte que l'opposition puisse être en mesure de tenir des réunions publiques à travers tout le pays. Il conviendra aussi de procéder à « la formation adéquate des cadres des forces de l'ordre et du système judiciaire » - ce qui, bien évidemment, aura un coût, que l'UE se déclare prête à financer. Enfin, un calendrier électoral sous contrôle international est prévu, qui recoupe en partie celui déjà arrêté : consultations locales dans un an, sénatoriales ensuite, législatives enfin. Le tout précédé et encadré par un « dialogue national avec l'opposition traditionnelle et la société civile, dans un cadre structuré et transparent ».


Une opposition qui a, pour le moins, diversement accueilli l'ouverture de ces négociations. Arc-boutée jusqu'ici sur son refus de tout ce qui ressemble à une légitimation du pouvoir en place et donc partisane de la poursuite indéfinie de l'embargo, mais confrontée à la difficulté grandissante de faire partager une telle opinion au sein d'une population que les sanctions ont rendue exsangue, l'opposition radicale n'a pas condamné la reprise des pourparlers de Bruxelles. Mais elle aurait souhaité, à l'instar de l'Union des forces de changement (UFC) de Gilchrist Olympio, que les eurocrates imposent à Gnassingbé Eyadéma une nouvelle élection présidentielle - ce qui est exclu. Une position dure dont se sont ouvertement dissociés deux opposants qualifiés de modérés, Edem Kodjo et Bassirou Ayeva, lesquels ont participé aux pourparlers de Bruxelles aux côtés de la délégation gouvernementale.


Pour difficile et contraignant qu'il fût, ce premier round de négociations longuement préparé par ce boxeur poids lourd qu'est Eyadéma ne s'est donc pas achevé à son détriment. Plus que jamais incontournable malgré le carcan auquel il est désormais soumis, le président togolais conserve une marge de manoeuvre certaine. Pendant onze ans, son pays s'est appauvri, mais il a su le maintenir à flot, porté en cela par la relative bonne tenue ces deux dernières années des cours du phosphate, du coton, du cacao et du café. La perspective d'une reprise de la coopération avec l'Europe et, au-delà, avec les institutions de Bretton Woods peut enfin laisser espérer à ses compatriotes des lendemains meilleurs. Même s'il faudra du temps encore avant de retrouver la situation d'avant 1990, quand les fonctionnaires togolais étaient les seuls de la région à percevoir chaque année un treizième mois de salaire...

François So