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Œil et diabète : quelles conséquences ?

CHRONIQUE - Santé, sexualité
 Par le docteur Pascale Massin,
Service d'Ophtalmologie, hôpital Lariboisière, Paris.
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La principale complication oculaire du diabète est l'atteinte de la rétine : la rétinopathie. Cette affection fréquente touche 30 à 40 % des diabétiques. Or, on dénombre, actuellement en France, 2 à 2,5 millions de diabétiques diagnostiqués. Entre 850 000 et un million de personnes sont donc atteintes de la rétinopathie diabétique. La fréquence de cette affection devrait augmenter puisque le nombre de diabétiques lui-même croit de façon considérable partout dans le monde. Il devrait doubler d'ici une quinzaine d'années. Non seulement cette affection est fréquente mais elle est également et malheureusement encore grave. C'est la principale cause de malvoyance, avec la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) et le glaucome. C'est également la première cause de cécité dans la population active, chez les sujets de moins de 65 ans. Actuellement, 1000 personnes deviennent aveugles chaque année à cause du diabète en France. Or, il existe un traitement extrêmement efficace : le laser. S'il était appliqué à temps, ce traitement permettrait d'éviter 90 % de ces cas de cécité ou de malvoyance.


Rappels anatomiques
Le centre de la rétine est la zone où se trouve la plus grande densité de cellules visuelles, la macula. Cette zone est la plus précieuse, elle nous permet de voir. De cette « papille », sortent les vaisseaux de la rétine, l'artère centrale de la rétine qui se ramifie en plusieurs artérioles et la veine centrale de la rétine qui recueille le sang de plusieurs veines. Ces artères de la rétine s'arborisent en plusieurs petites branches et aboutissent à de tous petits vaisseaux invisibles appelés les capillaires rétiniens. Ces derniers seront les premiers touchés par le diabète.


La néovascularisation
L'excès chronique de glucose dans le sang entraîne des altérations biochimiques progressives de la paroi des capillaires rétiniens, ce qui provoque à terme leur obstruction. Ce processus débute très tôt dans la vie du diabétique. Il est totalement asymptomatique et se traduit par un épaississement de la partie postérieure de la rétine. Les premiers signes de la rétinopathie diabétique sont des micro-anévrismes, de petits points rouges traduisant le début de l'occlusion des capillaires rétiniens. Ce processus d'obstruction se poursuit tout au long de la vie du diabétique et la rétine finit par ne plus être suffisamment irriguée. Ne recevant plus assez d'oxygène, elle réagit en sécrétant des facteurs de croissance stimulant la production de nouveaux vaisseaux : les « néo-vaisseaux ». Ils sont une des causes de la cécité due à la rétinopathie diabétique car ils sont susceptibles de saigner. Or quand c'est le cas, ils produisent une baisse visuelle. Mais jusque là, aucun symptôme n'est détectable.


L'œdème maculaire
Deuxième processus par lequel la rétinopathie diabétique peut entraîner une malvoyance : l'oedème maculaire. L'excès de glucose (sucre) – caractéristique du diabète - produit des altérations bouchant les capillaires rétiniens, mais entraîne également une hyper-perméabilité de la paroi de ces capillaires. Normalement, ces derniers sont peu perméables, mais, à cause du diabète, ils le deviennent et les liquides qu'ils contiennent passent dans le tissu rétinien. Ce processus est particulièrement préoccupant quand il se produit dans la macula, or c'est malheureusement souvent le cas. Cet oedème entraîne à terme une altération de la fonction visuelle. L'accumulation de liquide dans la rétine provoque un dysfonctionnement des cellules rétiniennes et donc, progressivement, une baisse de l’accuité visuelle. L'oedème maculaire est aujourd'hui la principale cause de malvoyance chez les patients diabétiques.

Traitements et prise en charge
> Les traitements
Le traitement par laser est extrêmement efficace, surtout pour prévenir la néo-vascularisation. Il existe depuis le début des années 1980 et fut une révolution pour les diabétiques. Il peut réduire la cécité dans 90 % des cas. Il consiste à appliquer des impacts de laser pour détruire progressivement la rétine périphérique mal vascularisée. Ainsi, on stoppe la production des facteurs de croissance et les néo-vaisseaux disparaissent. Le traitement est d'autant plus efficace qu'on l'applique tôt, il serait même préférable de l'appliquer à un stade pré-proliférant, alors que les néo-vaisseaux sont encore absents. C'est pourquoi, il est très important de surveiller régulièrement le fond de l'oeil des patients diabétiques afin de suivre l'évolution de cette maladie rétinienne et diagnostiquer le meilleur moment pour appliquer le traitement par laser qui sera alors efficace dans presque 100 % des cas.
En revanche, le traitement laser est moins efficace pour l'oedème maculaire.

> La prise en charge
Des études réalisées dans les années 1990 ont prouvé que la meilleure façon de prévenir et diminuer le risque de développer une atteinte rétinienne liée au diabète est d'avoir un bon équilibre, non seulement de la glycémie mais également de la tension artérielle. Un bon équilibre de cette dernière permet en effet de ralentir la progression voire l'incidence de la rétinopathie diabétique et de ses complications. Le suivi du patient diabétique est donc essentiel afin de pouvoir diagnostiquer précocement cette affection à un moment où les symptômes sont inexistants. Depuis le début des années 1990, toutes les sociétés savantes internationales, européennes et françaises ainsi que les agences de santé telles que l'Anaes (Agence nationale pour l'évaluation de la santé) ont édité des recommandations de bonnes pratiques pour les professionnels de santé. Elles sont concordantes et préconisent une surveillance annuelle du fond de l'oeil de tous les patients diabétiques. La rétinopathie reste grave car elle n'est pas diagnostiquée suffisamment précocement. Une enquête récente de la Caisse nationale d’assurance maladie a montré que moins de 40 % des diabétiques avaient bénéficié d'un examen ophtalmologique durant l'année précédente.


La recherche
Nous cherchons surtout à développer des politiques de dépistage efficaces en France. Elles n'existent pas actuellement. Il faut sensibiliser les pouvoirs publics, les diabétiques, les médecins généralistes à la nécessité de ces examens annuels du fond de l'oeil. Les autres voies de recherche visent à trouver une alternative au traitement par laser. Il est en effet extrêmement efficace mais il date d'une vingtaine d'années et détruit totalement la rétine périphérique. On aimerait donc le remplacer par un traitement qui affecte moins les tissus. La recherche tente de mieux comprendre les mécanismes de la rétinopathie diabétique que l'on connaît trop peu. Ainsi, on pourra développer des molécules qui contreront les effets de l’excès du glucose (hyperglycémie) sur les vaisseaux et les cellules de la rétine. Dans la néo-vascularisation, on a d'ores et déjà identifié des facteurs qui induisent l’apparition et la croissance de nouveaux vaisseaux. Il y a près d'une dizaine d'années, il a été mis en évidence qu'une molécule, suspectée depuis plus de 50 ans, était effectivement responsable de la formation des néo-vaisseaux dans la rétine. En réalité, c'est une réponse du tissu à l'absence d'oxygénation. Il faut donc essayer de protéger le tissu malade pour empêcher la formation de ces vaisseaux, sources de complications, mais aussi pour que le tissu soit fonctionnel. Actuellement, l'intervention est encore trop tardive. Tant que nous ne serons pas capables d'empêcher que le tissu soit lésé par l'accumulation de glucose ou par une mauvaise oxygénation, l’impact sur la vision sera irrémédiable. Par ailleurs, il a été récemment montré que la formation des néo-vaisseaux – réponse des tissus de l’oeil au manque d’oxygène - se fait au mauvais endroit. Elle ne se fait pas vers la rétine qui souffre mais vers celle qui va bien. La recherche tente donc de moduler cette néo-vascularisation et de l’orienter dans la bonne direction.