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Négociations UE-Togo : Que vaut la parole de Eyadéma ?

 L'Union européenne (UE) et le Togo ont engagé des négociations en Belgique pour la reprise de leur coopération gelée depuis 1993. L'Union européenne reproche au président togolais, le général Gnansigbé Eyadéma, les dérives autoritaires de son régime. Eyadéma est au pouvoir depuis 37 ans. Si Lomé met le paquet, soutenu par Paris, pour renouer les fils du dialogue, en revanche, Bruxelles se montre assez réservée.

Les négociateurs européens posent un certain nombre de conditionnalités (bonne gouvernance, élections transparentes...) que le Togo est loin de remplir. Le régime Eyadéma saura-t-il donner à ses interlocuteurs des gages suffisants pour dénouer l'étau autour du pays et bénéficier de nouveau de l'aide européenne ? Rien n'est moins sûr.

La prudence de Bruxelles, qui demande un délai d'observation avant la reprise de son soutien, semble d'autant plus justifiée que le Timonier de Kara (Eyadéma) est passé maître dans l'art du louvoiement et la langue de bois. Après avoir juré sur ses galons de général en 1999 d'abandonner le pouvoir au terme de son mandat, le locataire de Lomé II (le palais présidentiel) n'a pas résisté aux délices du fauteuil présidentiel en se faisant élire de nouveau en 2003. Une réélection qualifiée de "mascarade électorale" par bon nombre d'observateurs. Les principaux adversaires du général président avaient été écartés de la joute électorale. Ceux qui y ont été admis se sont vu refuser de battre campagne à travers notamment des affiches sur les lieux publics. L'Union européenne, sentant la partie jouée d'avance, avait refusé d'envoyer des représentants pour superviser un simulacre de scrutin. Mais cela n'a pas empêché Jacques Chirac, avant même la proclamation officielle des résultats, d'adresser ses "vives félicitations" au général Eyadéma. Son attitude a écoeuré plus d'un démocrate. Le président français ne semble pourtant pas en faire un problème.

A preuve, il vient d'adresser, de la même manière, les mêmes félicitations au président algérien, Abdel Aziz Bouteflika, réélu avec un score brejnevien de 85%. Et comme si cela ne suffisait pas, il s'est personnellement déplacé hier à Alger pour "un déjeuner de travail" avec son homologue alors que l'opposition crie toujours au bourrage des urnes. Il est vrai que l'Algérie , puissance régionale , est un pays hautement stratégique dans la bataille que se livrent Français et Américains pour le contrôle du Maghreb. Quoiqu'il en soit, la France, patrie de la déclaration des droits de l'Homme et du fameux discours de la Baule, qui conditionne l'aide au développement au respect des principes démocratiques, semble avoir sacrifié ces nobles principes sur l'autel de la realpolitik. Le président Chirac n'a-t-il pas récemment défendu à Tunis les vertus "de la démocratie du ventre", réduisant ainsi uniquement les besoins africains à la seule possibilité de manger, boire et dormir? La liberté d'expression et la capacité de s'autogérer sont "un luxe pour les Africains". Dans tous les cas, sans le soutien de la France, il était impensable pour le Togo, négation même du droit, d'amorcer un quelconque processus de négociation avec les institutions de Bruxelles.

Paris justifie sa position par le fait que le gel de la coopération pénalise davantage les populations que les dignitaires du régime. Soit. Mais où iraient les millions d'euros de l'Union européenne si les négociations aboutissaient ? Avec la corruption, la mal gouvernance, la gestion patrimoniale des deniers publics et l'impunité ambiante à Lomé, tout porte à croire que les populations ne récolteront que des miettes. Manifestement, Paris cherche à se donner bonne conscience pour justifier sa relation incestueuse avec le pouvoir togolais. Un pouvoir qui a pris l'engagement de travailler à la promotion des droits humains et à organiser de nouvelles élections législatives "dès que possible". Mais que vaut ces engagements pour un général qui a déjà trahi sa parole ?

L'Union européenne, qui semble bien connaître l'homme, est circonspecte. Elle pense, et à juste titre, qu'il est encore trop tôt pour évoquer une éventuelle reprise de l'aide avec ce régime.

La nature du pouvoir togolais, avec une administration payée à la carte, une armée tribalisée à l'extrême et un verrouillage de toute alternance politique , est telle qu'on ne peut attendre grand-chose des négociations en cours. A moins que la France, qui dispose d'un poids certain au sein des quinze, tente un passage en force pour imposer ses vues. Et au rendez-vous de l'histoire, Eyadéma ne sera certainement pas seul comptable du drame togolais.